Il est indéniable que les projets de décret créant une commission nationale de justice transitionnelle et réconciliation en Rdc est le reflet d’un manque de vision politique du président congolais qui ferme les yeux sur des atrocités commises au Congo et veut renforcer la culture de l’impunité. Craignant une fois de plus que le fait de soulever le spectre des poursuites judiciaires contre ceux qui lui ont apporté sur un plateau d’argent le pouvoir, Tshisekedi fait des tours de passe-passe.Ce déficit de leadership politique cause plus de préjudices à la Rdc surtout en ce moment des difficultés suite au covid-19 et où il faut renforcer les capacités des organes existant tout en respectant les lois et les accords internationaux. Aujourd’hui il est généralement reconnu que le droit international oblige les Etats à poursuivre les auteurs de génocide, de crimes contre l’humanité, de crimes de guerre et dans le cadre de la Rdc, la loi no 014/006 du 11 février 2014 en son article 4 exclut d’accorder l’amnistie aux responsables des crimes afférents.Comment le président congolais doit-il être si mauvais, négateur de l’histoire congolaise et surtout botter en touche la loi ?
L’impunité constitue une infraction aux obligations qu’ont les Etats et elle est exclue conformément à la loi no 014/006 en son article 4 du 11 février 2014
Quant aux violations graves des droits humains, l’impunité est définie par la jurisprudence internationale comme une violation des devoirs des Etats d’enquêter sur les violations flagrantes des droits humains , traduire en justice les responsables, obtenir une réparation juste pour les victimes et leurs proches. Ces obligations internationales qu’ont les Etats ne sont ni alternatives ni substitutives, donc il est impossible pour un Etat de choisir les obligations qui lui conviennent. Ce célèbre adage doit s’appliquer au président congolais : « nul n’est censé ignorer la loi ». Nos lois perdraient leur valeur juridique, leur efficacité devant la facilité avec laquelle Fatshi pourrait se soustraire à leur application.
Doit-on laisser perpétrer la violence à l’est du pays et dans d’autres contrées du pays à cause de l’impunité qui n’a pas permis de bâtir un monde de justice, de paix et de respect de droit? Nul n’ignore qu’en Rdc l’un des plus grands obstacles à une paix durable demeure la culture de l’impunité. D’ailleurs le coup de gueule de Leila Zerrougui, la Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations unies en Rdc exprime sa réprimande au gouvernement congolais qui veut amnistier tous les criminels de guerre ou des crimes contre l’humanité sans les juger au prix des récompenses au sein de l’armée ou de la police. C’est un manque de maturité politique de vouloir attribuer dans le projet du premier décret aux commissions opérationnelles de justice transitionnelle le rôle de ne pas condamner les éventuels responsables des crimes, mais plutôt de rechercher et faire éclater la vérité et pire ce projet ne fait pas référence aux crimes commis pendant les deux guerres. ça pose un sérieux problème. Pour qui roule Fatshi en dehors de son mentor Kabila? Nous avons l’impression que le président congolais n’est pas là pour défendre les intérêts des congolais, mais bien il tient à protéger des violeurs, des criminels qui ont du sang sur leurs mains.
C’est de la mauvaise politique de confier des missions officielles aux anciens criminels de guerre d’aller persuader à l’est du pays les autres à déposer les armes. Si cela est le prix à payer pour ramener la paix, c’est une grosse stupidité monsieur le président. L’histoire récente du pays nous rappelle que le fait de donner des postes au niveau national ou local à certains seigneurs de guerre n’a fait qu’ augmenter le nombre de groupes armés pour réclamer des comptes pour leurs crimes.
La justice ne doit pas être bradée
Une paix stable et durable se construit sur deux piliers: la justice et la démocratie. Sans justice pas de démocratie et pas de démocratie sans justice. Quand on veut construire un état de droit, la lutte contre l’impunité consolide un monde de paix et de respect de droit. Dans l’histoire, une paix conditionnée par l’impunité pour des crimes les plus graves ne dure pas et cela crée un précédent encourageant la perpétration de futures crimes. En Angola par exemple, six amnisties successives n’ont pas donné lieu au pardon et à l’oubli souhaités par les autorités. Les criminels n’avaient pas mis un terme à leurs sales besognes.
En Afrique du Sud, la commission vérité et réconciliation instaurée en 1994 représentait une version améliorée des modèles antérieurs. Elle comprenait une disposition relative à la justice contrairement aux commissions vérité latino-américaines. Aucune amnistie générale ne fut décrétée . Les personnes devraient plutôt introduire individuellement une demande d’amnistie et faire des aveux complets et des révélations sur les violations des droits humains en audience publique. Seuls les crimes associés à un objectif politique étaient recevables et par conséquence, la plupart des demandes d’amnistie furent rejetées. L’efficacité de la commission vérité sud- africaine était en partie due à la crainte des poursuites judiciaires. Aujourd’hui les espoirs des victimes sont tournés davantage vers la Cour pénale internationale suite à l’évolution du droit pénal international.
Tshisekedi et son gouvernement ne peuvent plus avoir la prétention de solliciter l’aide financière des bailleurs internationaux aussi longtemps que vous ne respecterez pas l’état de droit et ferez l’apologie de l’impunité en mettant à l’abri de la justice les responsables des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité. Comme l’a déclaré l’Archevêque Desmond Tutu : « aussi pénible et dérangeante que puisse être la justice, nous avons vu que l’alternative -renoncer à réclamer des comptes – est pire » . Le glas a sonné pour une nouvelle culture de justice, pilier de la démocratie, à bas la violence qui engendre des récompenses. Ceux qui excellent dans la médiocrité doivent dégager puisqu’ils affaiblissent l’Etat.
(Professeur Florent Kaniki)