Appréhender l’essentiel du système électoral congolais n’est pas une tâche aisée. La question qui se pose aujourd’hui avant les prochaines échéances électorales de 2023 : comment faire l’état des lieux des institutions appropriées y compris organismes indépendants et impartiaux chargés de la gestion des élections afin de dissiper l’atmosphère de méfiance et de chaos ? En dehors de l’implication directe des institutions républicaines, est-ce que l’initiative de l’université de Liège et de l’union européenne peut faire sortir des propositions qui seront mises en oeuvre par les responsables congolais? Comment prétendre organiser un forum d’une telle portée nationale sans l’appropriation nationale et surtout de la redevabilité de l’Etat ? C’est toujours le même constat dans un pays où l’Etat n’est qu’un simulacre. Des séminaires ou forums organisés pour distraire la galerie dont les propositions sont déjà vouées à l’échec, et davantage pour s’empocher de l’argent des contribuables européens. Dans le cadre de la Rdc, nous estimons que nous n’avons pas besoin d’initiatives unilatérales mais bien plus du concours d’autres partenaires internes et extérieurs que celui de l’union européenne pour des solutions fiables afin de consolider la démocratie et la bonne gouvernance électorale solide.
Les logiques de la négociation ou d’organisation des forums sont bien connues et s’appliquent aux différents sujets d’actualité dont la thématique rejoint les préoccupations des acteurs intérieurs et extérieurs. « On approuve un projet et on dégage l’argent », voilà les ambitions des caïds. Qu’est-ce que les congolais peuvent -ils attendre de ce forum organisé à Kinshasa depuis ce lundi 24 août sans la participation de l’Etat et d’autres partis politiques tels que l’Udps, le Fcc ? Absolument rien, si ce n’est beaucoup de bruit pour rien. Avons-nous eu combien de forums ou négociations organisés en Rdc dont les résultats ou propositions n’ont jamais été mis en oeuvre? Nous n’avons pas la prétention de tomber dans une forme de fatalisme , mais bien plus relever le constat d’une mauvaise volonté politique des dirigeants. Du 16 au 20 décembre 2019 a été organisé un forum sur les forêts, la transhumance et le transfèrement des eaux du fleuve congo vers le lac tchad. Ce forum a débouché sur des recommandations et une feuille de route. Malgré la plus grande importance de la gestion des écosystèmes , des forêts et des terres, la mafia organisée en Rdc dans le secteur de l’exploitation illicite des bois n’a jamais été inquiétée. Les compagnies forestières et des multinationales bafouent systématiquement la loi congolaise en toute impunité, ce qui prive le gouvernement de recettes fiscales importantes. Jusqu’aujourd’hui ce chaos est organisé avec la complicité des autorités congolaises. Un autre exemple parmi tant d’autres, le Conseil national de suivi de l’accord de la Saint sylvestre ( CNSA) dont les prérogatives furent de suivi sur l’accord signé le 31 décembre 2018 entre la majorité présidentielle, l’opposition politique, la société civile devint obsolète puisque cet accord n’a jamais été mis en oeuvre. Paradoxalement on a organisé plein de forums, plus les acteurs politiques n’ont pas souvent mis en oeuvre les propositions et plus tout cela relève avec tristesse le vrai problème des élites politiques: le mépris du peuple suite à leur égoïsme patenté caractérisant une race des vipères. Les exemples sont tellement nombreux que nous ne pouvons tous les citer.
Il est impératif de souligner que dans le champ politique, peu ou prou rien ne se négocie sans que l’Etat soit impliqué sous une autre forme ou sous une autre.C’est pourquoi les observateurs sont unanimes de dire que le leadership politique dans la plupart de séminaires ou forums organisés reste déterminant dans le but d’atteindre les résultats escomptés. Si l’Etat se défausse de ses responsabilités, c’est un mauvais signal. Le sort des élections ne dépend pas seulement en Rdc des propositions faites pour des améliorations techniques, réglementaires ou pour la fixation des règles de jeu politique ouvertes, mais davantage de ceux qui sont aux manettes à travers les institutions suivantes: le parlement,la présidence, l’appareil judiciaire. Le renforcement des institutions censées gérer les élections dépend des capacités intellectuelles et morales des acteurs nommés. En Rdc, la problématique du statut et de la compétence des juges chargés de la gestion du contentieux électoral est posée. L’absence d’un pouvoir judiciaire impartial pour interpréter et statuer sur les différends électoraux pose un problème. La manipulation flagrante du processus électoral notamment la fraude y compris la falsification de CV des candidats, la destruction des urnes sont devenues partie intégrante du répertoire négatif des élections. D’où il faut évoquer la responsabilité importante qui pèse sur les juges des élections. S’ils ne sont pas investis de compétence et de pouvoirs proportionnés à leurs moyens et à leur statut, les conséquences politiques de leurs jugements peuvent engendre des graves troubles, voire-même une insurrection populaire.
Il y a d’autres voies de faire entendre sa voix si ceux qui sont au pouvoir manifestent de la mauvaise volonté politique s’arc-boutant à leur logique de défendre mordicus leurs privilèges comme des chiens leur os. En dehors du soutien des partenaires traditionnels de la Rdc, les congolais doivent d’abord compter sur eux-mêmes , les manifestions de rue deviennent l’arme par excellence efficace pour faire bouger les choses.Il faut être fier de ce que représente en Rdc la société civile, un puissant acteur sociétal. Au regard de la culture du nivellement par le bas et de la résistance caractérielle des kleptocrates congolais qui s’inscrivent dans la spirale de la galaxie kabliste, certains partenaires comme les Etats- unis d’Amérique dont le leadership mondial fait défaut aujourd’hui et l’Onu à travers son Conseil de sécurité peuvent davantage influer sur les réformes électorales. Des inventivités unilatérales pour faire de la communication sont dévolues et vouées à l’échec. Seules les pressions internes et internationales avec l’apport des partenaires cités ci-dessus peuvent apporter des résultats escomptés. Nul n’ignore qu’à l’époque où Kabila affichait sa ferme volonté de tripatouiller la constitution pour un troisième mandat, l’Union européenne était restée taisant , seuls les Etats-unis d’Amérique étaient monté au créneau pour condamner Kabila. D’ailleurs les contradictions internes de l’union européenne dans sa politique étrangère sont trop flagrantes et de facto elle apparaît très souvent affaiblie et n’est non plus un partenaire charismatique pour promouvoir des initiatives dans le cadre des processus électoraux en Afrique.
(Professeur Florent Kaniki)