L’Otan sans la Turquie ? Cela voudrait dire la fin de l’alliance, a martelé mercredi l’ambassadeur de Turquie en France, Ismail Hakki Musa, interpellé sur « l’impérialisme turc » et la mise « en péril » de la présence turque dans l’Alliance.
« Imaginez l’Otan sans la Turquie ! Vous n’aurez plus d’Otan ! Il n’y aura plus d’Otan sans la Turquie ! Vous ne saurez pas traiter l’Iran, l’Irak, la Syrie, la Méditerranée au sud, le Caucase, la Libye, l’Egypte », a lancé l’ambassadeur devant la Commission des Affaires étrangères et de la Défense du Sénat, sur fond de vive escalade des tensions franco-turques.
« La Turquie, ce n’est pas un pays quelconque dans l’Otan », a poursuivi Ismail Hakki Musa en pointant son poids démographique et militaire. « Nous avons gardé le flanc Sud et Est pendant la Guerre froide avec beaucoup d’efforts, des fois au détriment de la prospérité de notre nation, de notre peuple », a-t-il ajouté.
La France critique vivement l’intervention militaire turque en Libye au côté du gouvernement d’union nationale (GNA) de Tripoli qui, fort de cet appui, a fait reculer les forces du maréchal Khalifa Haftar, l’homme fort de l’est du pays.
Le président français Emmanuel Macron a accusé lundi la Turquie d’avoir dans le conflit libyen une « responsabilité historique et criminelle » en tant que pays qui « prétend être membre de l’Otan ».
Ce à quoi le chef de la diplomatie turque Mevlüt Cavusoglu a répliqué mardi en dénonçant l’approche « destructrice » de la France en Libye et en l’accusant de chercher à renforcer la présence de la Russie dans ce pays déchiré par une guerre civile depuis 2011.
Le maréchal Haftar est appuyé par les Emirats arabes unis, l’Egypte et la Russie. La France, bien qu’elle s’en défende, a également soutenu M. Haftar, selon nombre d’analystes.
Paris a aussi pris à témoin l’Alliance du traité de l’Atlantique Nord (Otan) d’un récent incident naval franco-turc, accusant la Turquie d’avoir visé une de ses frégates lors d’un contrôle de navires soupçonnés de violer l’embargo sur les armes à destination de la Libye – ce que dément Ankara -et y voyant un nouvel exemple de la « mort cérébrale » de l’Otan.
Pour le sénateur Jean-Marie Bockel, membre de l’Assemblée parlementaire de l’Otan, « l’impérialisme du président turc crée une politique de la tension et souvent de la provocation ». « Tout ce que j’espère, c’est que ce qui se passe en ce moment ne mette pas en péril cette présence de la Turquie au sein de l’Alliance atlantique », a-t-il mis en garde.
« Où est-ce que vous êtes ? Où sont vos amis ? (…) Vous êtes dedans ou dehors ? », a renchéri Ladislas Poniatowski, en rappelant l’achat par la Turquie d’un système de défense antimissiles russe ou le contentieux sur Chypre.
LA FRANCE SE RETIRE D’UNE OPÉRATION DE L’OTAN
La France a décidé de se retirer temporairement de l’opération de sécurité maritime de l’Otan en Méditerranée, jusqu’à l’obtention de réponses à des « demandes » concernant ses frictions avec la Turquie, a indiqué mercredi le ministère français des Armées.
En attendant d’avoir obtenu satisfaction, « nous avons décidé de retirer temporairement nos moyens de l’opération Sea Guardian », a expliqué le ministère lors d’un point presse téléphonique, dans un contexte de fortes tensions entre Paris et Ankara depuis plusieurs mois, en particulier autour du conflit libyen.
Paris a pris l’Otan à témoin d’un récent incident naval franco-turc, accusant la Turquie d’avoir visé une de ses frégates lors d’un contrôle de navires soupçonnés de violer l’embargo sur les armes à destination de la Libye – ce que dément Ankara.
« Il ne nous parait pas sain de maintenir des moyens dans une opération censée, parmi ses différentes tâches, contrôler l’embargo avec des alliés qui ne le respectent pas », a fait valoir le ministère, visant explicitement la Turquie, membre de l’Otan comme la France.
Paris exige notamment, parmi quatre demandes, « que les alliés réaffirment solennellement leur attachement et leur engagement au respect de l’embargo » sur les armes en Libye. Elle réclame aussi un mécanisme de déconfliction plus précis au sein de l’Alliance atlantique.
La France critique vivement l’intervention militaire turque en Libye au côté du gouvernement d’union nationale (GNA) de Tripoli qui, fort de cet appui, a fait reculer les forces du maréchal Khalifa Haftar, l’homme fort de l’est du pays.
Le président français Emmanuel Macron a accusé lundi la Turquie d’avoir dans le conflit libyen une « responsabilité historique et criminelle » en tant que pays qui « prétend être membre de l’Otan ».
Le chef de la diplomatie turque Mevlüt Cavusoglu a répliqué mardi en dénonçant l’approche « destructrice » de la France en Libye et en l’accusant de chercher à renforcer la présence de la Russie dans ce pays déchiré par une guerre civile depuis 2011.
Le maréchal Haftar est appuyé par les Emirats arabes unis, l’Egypte et la Russie. La France, bien qu’elle s’en défende, a également soutenu M. Haftar, selon nombre d’analystes.
LA TURQUIE CONFIRME UNE « AFFAIRE » D’ESPIONNAGE AVEC LA FRANCE
La Turquie a confirmé mercredi, par la voix de son ambassadeur en France, l’existence d’une « affaire » d’espionnage entre les deux pays, quelques jours après des informations publiées par un journal progouvernemental turc, en pleine crise diplomatique bilatérale.
Selon un article publié le 22 juin par le quotidien Sabah, un ex-employé du service de sécurité du consulat général de France à Istanbul, Metin Ozdemir, s’est rendu à la police et a affirmé qu’il avait collecté des informations pour les services de renseignement extérieurs français (DGSE).
Quatre ressortissants soupçonnés d’avoir espionné des milieux associatifs et religieux pour le compte de la France ont été arrêtés, poursuivait le journal.
Mercredi, l’ambassadeur de Turquie en France, Ismail Hakki Musa, a répondu à une question sur le sujet devant la Commission des Affaires étrangères et de la Défense du Sénat français, devenant le premier responsable turc à l’évoquer officiellement.
« Cette affaire est traitée de près par la DGSE et le MIT turc. (Cela fait) deux ans que cette affaire fait l’objet d’échanges entre les deux services », a-t-il indiqué.
« Le fait que cela ait trouvé écho dans la presse il y a quelques jours (…) n’a aucun rapport avec l’actualité », a-t-il soutenu, alors que les tensions diplomatiques entre Paris et Ankara prennent de l’ampleur.
Paris n’a jamais réagi publiquement sur ce dossier. Le ministère des Affaires étrangères a simplement refusé de « commenter des rumeurs de presse ».
D’après Sabah, M. Ozdemir a déclaré avoir transmis aux Français des renseignements sur 120 personnes, dont des imams, contre une rémunération mensuelle et la promesse d’intégrer la Légion étrangère, un corps de l’armée française composé de militaires étrangers.
Toujours selon le journal, M. Ozdemir, se faisant passer pour un membre des services turcs enquêtant sur le groupe jihadiste Etat islamique (EI), a recruté trois hommes: un employé de l’entreprise municipale de gestion de l’eau d’Istanbul, une personne travaillant dans les télécoms et le propriétaire d’un hôtel stambouliote.
La « cellule d’espionnage », ainsi que la qualifie Sabah, était chargée de réunir des renseignements sur des « associations conservatrices », les confréries religieuses et l’autorité des affaires religieuses (Diyanet), organisme public chargé d’encadrer le culte.
Selon le journal, les quatre hommes ont notamment récolté des informations sur l’association des femmes et de la démocratie (KADEM), co-présidée par la fille cadette du président Recep Tayyip Erdogan.
D’après Sabah, M. Ozdemir s’est rendu aux autorités turques après avoir eu un désaccord avec les agents français. Les quatre hommes seront jugés pour espionnage, a affirmé l’organe de presse.
FEU VERT DE L’OTAN À UN PLAN DE DÉFENSE DE LA POLOGNE ET DES PAYS BALTES
L’Otan a donné mardi son feu vert à un nouveau plan de défense pour la Pologne et les Pays baltes après qu’un compromis a été trouvé avec la Turquie qui y avait mis son veto, ont annoncé des diplomates.
Ankara exigeait en effet depuis des mois de ses partenaires dans l’Alliance atlantique qu’ils lui apportent plus de soutien dans sa lutte contre les miliciens kurdes en Syrie pour permettre l’entrée en vigueur de ce plan -en fait une mise à jour de sa précédente mouture qui remonte à 2010- sur lequel un accord a été trouvé en décembre.
Son contenu est secret mais les responsables lituaniens ont à maintes reprises fait savoir qu’ils cherchaient à obtenir un renforcement de la défense antiaérienne et un déploiement plus rapide de forces de l’Otan en cas de crise.
Le tout sur fond de tensions avec la Russie, notamment depuis qu’elle annexé en 2014 la péninsule ukrainienne de Crimée.
« Le problème a été réglé et les plans sont approuvés », a dit à l’AFP Linas Linkevicius, le chef de la diplomatie lituanienne, se félicitant que la Turquie ait « agi de manière constructive ».
Une information confirmée à Bruxelles par une source diplomatique.
Les rebelles kurdes turcs du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), qui livre une sanglante guérilla à l’Etat turc depuis 1984, disposent de bases et de camps d’entraînement dans les montagnes du Kurdistan d’Irak.
La Turquie, qui a récemment déployé des forces spéciales dans le nord de l’Irak pour combattre des rebelles kurdes, a déjà mené plusieurs opérations d’envergure contre le PKK ou les milices kurdes affiliées en Irak et en Syrie.
(avec Afp)