C’est un serment de loyauté que l’entourage de M. Philippe n’a cessé de renouveler, à l’image de l’eurodéputé Gilles Boyer: « Edouard Philippe ne sera pas candidat en 2022 contre Emmanuel Macron ». « Edouard (…) a dédramatisé » son départ de Matignon « depuis longtemps. Et il n’a jamais oublié non plus les conditions de sa nomination, à qui il doit d’être là », souligne le même ami. Mais force est de constater qu’après trois ans en fonctions, M. Philippe part paradoxalement avec le vent dans le dos, porté par un succès électoral au Havre et un indice de satisfaction proche de l’état de grâce des débuts.
En quittant Matignon à un pic de popularité, Edouard Philippe s’affiche comme un recours possible pour un électorat du centre-droit en vue de la présidentielle de 2022, même si celui qui redevient simple maire du Havre se défend de nourrir toute ambition personnelle.
C’est un serment de loyauté que l’entourage de M. Philippe n’a cessé de renouveler, à l’image de l’eurodéputé Gilles Boyer: « Edouard Philippe ne sera pas candidat en 2022 contre Emmanuel Macron ».
« Edouard (…) a dédramatisé » son départ de Matignon « depuis longtemps. Et il n’a jamais oublié non plus les conditions de sa nomination, à qui il doit d’être là », souligne le même ami.
Mais force est de constater qu’après trois ans en fonctions, M. Philippe part paradoxalement avec le vent dans le dos, porté par un succès électoral au Havre et un indice de satisfaction proche de l’état de grâce des débuts.
Près de six Français sur dix plaidaient d’ailleurs pour son maintien fin juin, selon une enquête Elabe, quand sa popularité poursuivait une ascension continue depuis trois mois, creusant l’écart avec le chef de l’Etat (51% de jugements positifs selon Harris Interactive, contre 44% à M. Macron).
Au point que certains de ses soutiens l’ont incité à devancer la décision de M. Macron et faire ses bagages avec « le magot des derniers sondages », selon un proche. Mais M. Philippe « ne quitte pas le navire », évacue le même.
Alors que faire de ce capital ? Dans quelle mesure M. Philippe concourra-t-il à la campagne de M. Macron pour un deuxième mandat ? Pourrait-il même se poser en alternative dans l’hypothèse où M. Macron serait empêché ?
Un premier élément de réponse a été donné vendredi puisque l’entourage du président a assuré que M. Philippe allait « aider » M. Macron en travaillant à la « consolidation de la majorité » dans la perspective de 2022.
Ce « travail politique » viserait à serrer les rangs avec les partenaires de La République en marche (MoDem, Agir, Radicaux…). Un objectif depuis longtemps énoncé mais jamais réalisé et à qui M. Philippe, qui n’est encarté nulle part, doit donner une nouvelle impulsion.
Cette mission « lui confèrera une influence certaine au sein de la majorité », fait-on encore valoir dans l’entourage de M. Macron.
Avec le déplacement progressif du socle électoral de la majorité vers la droite, comme l’ont montré les Européennes de 2019, Edouard Philippe, incarnation d’une forme de sérieux budgétaire, semblait devenu central.
Mais pas incontournable, comme veut le croire un cadre de la majorité, désireux de renouer avec le noyau historique social-démocrate de la macronie: « le centre-droit, ça ne fait pas gagner une présidentielle ».
Et « le centre-droit, ça n’est pas qu’Edouard Philippe. C’est aussi Gérald Darmanin, Bruno Le Maire », observe auprès de l’AFP le sondeur Jean-Daniel Lévy (Harris Interactive).
Si M. Lévy, qui met en exergue « l’autorité tranquille » de M. Philippe, prédit que sa popularité « peut durer, parce qu’il y a un palier qui a été franchi », il estime aussi qu’il n’y a « pas un électorat de centre-droit fan au point de partir avec lui ».
« Plein de choses à écrire »
De son côté, M. Philippe, d’ordinaire taiseux, n’a guère donné d’indication sur ses intentions. Avant de revenir aux commandes au Havre, il avait affirmé en février 2019 qu’il savait « très bien » ce qu’il ferait après Matignon, « et que ça n’aura pas grand chose à faire avec la politique ».
Co-auteur de deux romans avec Gilles Boyer, M. Philippe avait aussi publié au début du quinquennat un ouvrage plus personnel (« Des hommes qui lisent »). Et déjà, quelques semaines avant d’être nommé à Matignon et alors que son avenir était nimbé d’incertitude, M. Philippe affirmait avoir « plein de choses à écrire » et envisageait de créer un cabinet d’avocats avec l’ancien ministre socialiste Matthias Fekl.
Mais, à 49 ans, pourrait-il pour autant renoncer à peser nationalement ?
Interrogé récemment par une radio locale havraise sur son enfance, M. Philippe a sans doute livré une clé. « Très tôt j’ai commencé à être passionné par l’histoire », racontait-il. « Et, je me suis rendu compte que la politique était d’une certaine manière une façon d’être dans l’histoire en train de se faire. »
HOMME AUX RÉSEAUX MULTIPLES
Le haut fonctionnaire Jean Castex, nommé vendredi Premier ministre après avoir préparé le déconfinement, est un ancien conseiller de Nicolas Sarkozy, à la fois élu local et homme aux réseaux multiples reconnu pour son entregent et son efficacité.
Cet homme posé et affable de 55 ans, qui a gardé l’accent de son Gers natal, a commenté vendredi sa nomination en disant « mesurer l’immensité de la tâche » qui l’attend à Matignon.
Il coche un certain nombre de cases qui lui serviront pour porter la dernière phase du quinquennat: énarque, mais au contact des territoires (il est maire de Prades dans les Pyrénées-Orientales); de droite, mais apprécié au-delà de son parti ; et parfait connaisseur des arcanes du pouvoir depuis son passage, comme secrétaire général adjoint, à l’Elysée à la fin du mandat de Nicolas Sarkozy.
« Un haut fonctionnaire qui connaît parfaitement le monde de la santé et qui est redoutable d’efficacité », avait résumé son prédécesseur Edouard Philippe en le nommant début avril coordinateur de la stratégie nationale de déconfinement post-coronavirus.
« Il travaille à la vitesse de la lumière en gardant un calme à tout épreuve », rapporte un ancien du cabinet ministériel de Xavier Bertrand, qui loue sa « bonhomie », son « empathie » et son « humilité, et assure n’avoir « jamais vu quelqu’un autant faire l’unanimité autour de lui tout le temps ».
Peu connu du grand public jusqu’à son poste de « M. Déconfinement », Jean Castex, qui n’a jamais été parlementaire ni ministre, a pu s’appuyer dans cette mission sur une vie professionnelle et politique largement orientée vers le secteur social et la santé.
« C’est un vrai couteau suisse, il a des connexions un peu partout, il sait faire ce qu’il faut faire au bon endroit », rapporte Franck Louvrier, l’ancien conseiller de Nicolas Sarkozy.
« Enarque rectifié élu local »
Directeur de l’hospitalisation au ministère des Solidarités en 2005-2006, il devient ensuite directeur de cabinet de Xavier Bertrand à deux reprises, d’abord au ministère de la Santé (2006-2007) puis au Travail (2007-2008).
Rue de Grenelle, il a aussi eu à gérer des dossiers délicats, notamment le service minimum dans les transports et la réforme des régimes spéciaux de retraite.
Il laisse à l’époque chez ses interlocuteurs des centrales syndicales le souvenir d’un homme « disponible » et « avenant » même s’il « cache une certaine fermeté », avec « une excellente connaissance de ses dossiers ». En somme, disent les mêmes, « quelqu’un avec qui on peut discuter ».
« Politiquement, je suis de droite et je l’assume parfaitement », soulignait alors ce membre de la cour des Comptes.
Nicolas Sarkozy en avait alors fait son conseiller aux affaires sociales en 2010, puis le secrétaire général adjoint de l’Élysée entre 2011 et 2012.
« Le jour d’après sera de droite comme le jour d’avant » déplorait après sa nomination pour le patron du PS Olivier Faure, tandis que celui de LR Christian Jacob critiquait un virage « technocratique » plus que politique, et avertissait que Jean Castex n’appartenait « de fait » plus aux Républicains avec son entrée au gouvernement.
A deux ans de la présidentielle, sa nomination « présente beaucoup d’avantages pour Macron » et « il se dit qu’il peut ainsi aussi embêter Xavier Bertrand » souligne-t-on dans l’entourage du patron ex-LR des Hauts-de-France, dont le nom revient régulièrement pour représenter la droite en 2022, et qui ne cache pas apprécier « les idées claires et le franc-parler » de cet « énarque rectifié élu local ».
Pour le patron de l’UDI Jean-Christophe Lagarde, la nomination du peu connu Jean Castex signifie surtout que « Le Président veut gouverner seul et en direct pour préparer la présidentielle ».
Ce père de quatre filles né le 25 juin 1965 à Vic-Fezensac avait déjà vu son nom circuler fin 2018 pour succéder à Gérard Collomb à l’Intérieur.
Il était jusqu’en début d’année délégué interministériel aux Jeux Olympiques de Paris-2024 et présidait l’Agence nationale du sport.
Conseiller régional de Languedoc-Roussillon de 2010 à 2015, battu aux législatives de 2012 par la PS Ségolène Neuville, Jean Castex a arraché la petite ville de Prades à la gauche en 2008, avant d’être largement réélu en mars (76%).
JEAN CASTEX A DÉMISSIONNÉ DE LR
Jean Castex, qui vient d’être nommé Premier ministre, a démissionné des Républicains dans une lettre reçue vendredi matin par le parti, a-t-on appris auprès de LR.
« Nous avons ce matin par la poste le courrier » où Jean Castex demande « à retirer son adhésion et à suspendre les prélèvements », a-t-on précisé.
Le maire de Prades (Pyrénées-Orientales) ne donne aucune explication dans son courrier, a-t-on précisé de même source.
Le président de LR Christian Jacob avait précédemment indiqué à l’AFP que Jean Castex « avait pris ses distances ces derniers jours », et que « de fait, à partir du moment où il s’inscrit dans la politique menée par Emmanuel Macron, bien évidemment il n’est plus aux Républicains ».
« En matière de trahisons, on a donné déjà », avait-il ajouté.
M. Castex succède à Edouard Philippe, un autre transfuge des Républicains désormais accusé de trahison dans sa famille d’origine.
« Les Français en ont marre de ceux qui privilégient leur carrière plutôt que leurs convictions », a déclaré à l’AFP le numéro 2 de LR Guillaume Peltier pour qui cette nomination est une « clarification ».
« Emmanuel Macron est définitivement le président d’une république des hauts fonctionnaires et des énarques en laquelle les Français n’ont plus confiance », a-t-il ajouté.
Pour le secrétaire général de LR Aurélien Pradié « la lâcheté politique est devenue une banalité » et Jean Castex « entre dans cette logique ultra coupable qui consiste installer dans notre démocratie l’idée que tout se vaut ».
Mais « ce n’est pas productif dans l’opinion », a-t-il ajouté, en soulignant que le nouveau chef du gouvernement n’était « pas une figure tutélaire de la droite ».
Il n’est « pas identifié comme de droite » auprès du grand public et il « n’a jamais exercé de responsabilités » de premier plan, a abondé M. Jacob.
MACRON REPREND LA MAIN EN NOMMANT JEAN CASTEX À MATIGNON
Emmanuel Macron a décidé vendredi de remplacer Edouard Philippe à Matignon par Jean Castex, 55 ans, son « M. déconfinement », inconnu du grand public, signe que le chef de l’Etat reprend les rênes pour faire appliquer le « nouveau chemin » annoncé pour la fin du quinquennat.
Ex-collaborateur de Nicolas Sarkozy et de Xavier Bertrand, maire désormais ex-LR de Prades (Pyrénées-Orientales), Jean Castex représente « un choix macronien, conforme à l’esprit de dépassement porté par le président depuis trois ans », selon l’Elysée pour qui il vient, comme son prédécesseur, « de la droite mais est un gaulliste social ».
Jean Castex, qui devrait finaliser son gouvernement durant le week-end, entrera dès vendredi après-midi à Matignon où les préparatifs de la passation de pouvoir, prévue vers 17h30, étaient en cours. Il sera ensuite l’invité du 20h de TF1, au terme d’une journée où le président de la République a accéléré le remaniement attendu depuis des semaines.
Dans un communiqué mis en ligne sur le site de la ville de Prades, le haut fonctionnaire a dit « mesurer l’immensité de la tâche » qui l’attend. « Compte tenu des circonstances exceptionnelles dans lesquelles se trouve notre pays, j’ai accepté », a-t-il ajouté.
Edouard Philippe, avec lequel Emmanuel Macron a assuré jeudi entretenir une « relation de confiance unique », va retrouver dès dimanche la mairie du Havre. Mais il va rester en contact étroit avec le chef de l’Etat car, selon l’entourage de celui-ci, il a accepté « d’aider le président » à « consolider la majorité », fragilisée par la perte de la majorité absolue à l’Assemblée, des contestations internes et un fiasco aux élections municipales pour LREM.
Avec la démission du gouvernement et le départ d’Edouard Philippe, le président de la République cherche, à moins de deux ans de la présidentielle, à donner un nouveau souffle à son quinquennat.
« Techno »
« Le cap sur lequel je me suis engagé en 2017 reste vrai », a-t-il réaffirmé dans une interview à la presse régionale publiée jeudi. Mais alors que se profile une rentrée « très dure » sur les fronts économique et social, le prochain gouvernement sera chargé d’appliquer le « nouveau chemin » que le chef de l’Etat a commencé à dessiner, avec une priorité à la politique de santé, au grand âge et à un plan pour la jeunesse. Un changement qui s’annonce dans la continuité avec notamment la remise en chantier de la réforme des retraites.
Pour incarner ce « chemin » escarpé, plutôt qu’une figure de l’écologie ou un poids lourd politique, le chef de l’Etat a préféré un profil « techno », élu local et haut fonctionnaire. Un choix qui lui donne les mains libres, après trois ans d’entente cordiale avec Edouard Philippe qui prenait un poids croissant dans la stratégie gouvernementale et dans l’opinion. Et des dissensions de plus en plus marquées, notamment pour la réforme des retraites.
D’autant plus que le directeur de cabinet de Jean Castex sera Nicolas Revel, un proche d’Emmanuel Macron que le chef de l’Etat avait tenté, en vain, d’imposer à Edouard Philippe à son arrivée à Matignon.
A noter que le premier cercle du pouvoir comprendra trois anciens secrétaires généraux adjoints de l’Elysée — Emmanuel Macron et Nicolas Revel sous François Hollande et Jean Castex sous Nicolas Sarkozy — et, comme auparavant, quatre énarques en incluant Alexis Kohler, bras droit d’Emmanuel Macron en tant que secrétaire général de l’Elysée.
« Nouveaux talents »
Pour le président des Républicains Christian Jacob, Jean Castex, qui vient de démissionner de LR, représente un choix « technocratique ». « En matière de trahisons, on a donné déjà » a-t-il lancé, allusion à Edouard Philippe, également issu de LR.
« Je connais et j’apprécie les qualités de serviteur de l’Etat de Jean Castex. Elles seront indispensables dans les moments difficiles que nous allons connaitre… Puissent-elles corriger les mauvais choix du Président de la République », a commenté le président de la région Hauts-de-France Xavier Bertrand.
A gauche, on estimait que cette nomination démontrait une poursuite d’une politique « de droite ». « Le jour d’après sera de droite comme le jour d’avant », a fustigé Olivier Faure (PS). Chez les écologistes, Julien Bayou, numéro un d’EELV, a regretté la nomination d’un nouvel « homme de droite qu’on n’a jamais entendu sur l’écologie ».
La composition du nouveau gouvernement devrait être peaufinée durant le week-end, avant le prochain conseil des ministres prévu mercredi.
« Il y aura de nouveaux talents » et « des personnalités venues d’horizons différents », a indiqué Emmanuel Macron jeudi.
Le nouveau gouvernement devra « mettre en œuvre la nouvelle étape du quinquennat, le projet de reconstruction sociale, économique, environnementale et locale », a souligné l’Elysée.
Emmanuel Macron avait réaffirmé en avril, au plus fort de l’épidémie du Covid-19, vouloir « se réinventer » mais sans « renier » les réformes du début du quinquennat.
(avec Afp)