Lever en octobre l’embargo sur les armes pour l’Iran reviendrait à donner à ce pays une « épée de Damoclès sur la stabilité économique du Moyen-Orient », a averti mardi à l’ONU le secrétaire d’Etat américain Mike Pompeo, dont les arguments ont été rejetés en bloc par Pékin et Moscou.
Cela pourrait « mettre en danger des pays comme la Russie et la Chine qui dépendent de prix de l’énergie stables », a insisté le responsable américain lors d’une visioconférence du Conseil de sécurité.
« La Chine s’oppose aux pressions des Etats-Unis d’étendre l’embargo sur les armes », a rétorqué l’ambassadeur chinois auprès des Nations unies, Zhang Jun. « Ayant quitté le JCPOA, les Etats-Unis ne sont plus membres » de cet accord nucléaire conclu en 2015 « et n’ont plus le droit de déclencher » un retour de sanctions internationales à l’ONU, a-t-il ajouté.
La Russie a aussi rejeté les pressions américaines. « Nous ne pouvons accepter » les tentatives américaines de faire « légitimer » par l’ONU la « politique de pression maximale ». « Ce que nous obtenons en fin de compte est une escalade incontrôlable », a dénoncé l’ambassadeur russe Vassily Nebenzia.
A la fin d’une session qu’avait quittée rapidement Mike Pompeo, remplacé par un diplomate américain, son homologue iranien, Mohammad Javad Zarif, a une nouvelle fois dénoncé la politique américaine qui équivaut, selon lui, à un « retour de la loi de la jungle ».
La levée de l’embargo sur les armes imposé à l’Iran, prévue le 18 octobre dans une résolution ayant entériné en 2015 le JCPOA, est la condition du maintien de cet accord nucléaire, a-t-il souligné. Les deux sujets sont « indissociables », a martelé le ministre iranien, en appelant le Conseil de sécurité « à ne laisser aucun de ses membres abuser du processus » prévu par sa résolution.
Sans annoncer de date de vote, les Etats-Unis ont remis récemment à leurs 14 partenaires du Conseil de sécurité un projet de résolution prévoyant une extension sans limites de l’embargo sur les armes appliqué à l’Iran.
La Russie et la Chine, dotées d’un droit de veto et à qui sont prêtées des intentions de vendre de l’armement à l’Iran, ont déjà fait savoir leur opposition à toute prolongation de l’embargo.
Embarras européen
La demande américaine a plongé dans l’embarras les Européens, signataires du JCPOA et qui veulent le préserver à tout prix en dépit des coups de boutoir des Etats-Unis.
Le Conseil de sécurité compte actuellement cinq membres européens (Royaume-Uni, France, Allemagne, Estonie et Belgique) et il n’est pas sûr que Washington dispose d’une majorité de neuf voix en faveur de son texte. Si ces neuf voix ne sont pas au rendez-vous, la Chine et la Russie n’auraient même pas besoin de recourir à un veto pour un rejet du texte, notent des diplomates.
Selon le projet de résolution américain, obtenu par l’AFP, toute vente d’armes à l’Iran serait interdite comme toute exportation d’armements iraniens. La résolution autoriserait les membres de l’ONU à recourir à la force pour faire appliquer l’embargo.
Dans le passé, les Etats-Unis ont menacé, si l’embargo sur les armes n’était pas prolongé, de déclencher un processus de réimposition générale de sanctions internationales à l’Iran, prévu par le JCPOA.
Mardi, Mike Pompeo n’a pas évoqué cette menace ni la volonté américaine de voir des sanctions économiques internationales appliquées à nouveau à l’encontre de Téhéran, accusé de vouloir se doter de l’arme atomique et de déstabiliser le Moyen-Orient, notamment au Yémen, au Liban ou en Syrie.
Depuis le retrait en mai 2018 de Washington de cet accord, l’Union européenne, la Russie et la Chine, qui continuent d’être membres du JCPOA, dénient aux Etats-Unis le droit d’activer ce processus de réimposition de sanctions internationales.
Ambassadeur de l’Union européenne auprès de l’ONU, Olof Skoog a ainsi souligné devant le Conseil de sécurité que depuis mai 2018 « les Etats-Unis n’avaient participé à aucune réunion ou activité dans le cadre de l’accord » nucléaire de 2015, laissant entendre qu’ils ne pouvaient donc s’en prévaloir pour réimposer à l’ONU des sanctions.
Evoquant les transgressions iraniennes à l’égard de cet accord (accumulation d’uranium enrichi au-delà de la limite autorisée, développement de nouvelles centrifugeuses…), Olof Skoog a réclamé à l’Iran « de revenir sans délai à une pleine application de ses engagements ».
RYAD ET WASHINGTON APPELLENT À PROLONGER L’EMBARGO SUR LES ARMES VISANT L’IRAN
Des responsables saoudien et américain ont appelé lundi à prolonger un embargo sur les armes visant Téhéran, avertissant que sa levée aurait des conséquences sur la sécurité régionale, notamment au Yémen où ils accusent l’Iran d’armer les rebelles Houthis.
L’Iran est soumis jusqu’en octobre à un embargo sur les armes lié à la résolution 2231 ayant entériné l’accord international sur le nucléaire iranien conclu en 2015 et dont les Etats-Unis se sont unilatéralement retirés en 2018, rétablissant de lourdes sanctions contre Téhéran.
Depuis le début de l’année, Washington incite des membres du Conseil de sécurité de l’ONU à soutenir une prolongation de l’embargo.
La levée de l’embargo « encouragera » Téhéran et pourrait entraîner une course à l’armement au Moyen-Orient, a affirmé l’émissaire américain pour l’Iran Brian Hook lors d’une conférence de presse à Ryad.
« Le Conseil de sécurité de l’ONU ne peut pas accepter cela », a-t-il ajouté, aux côtés du ministre d’Etat saoudien aux Affaires étrangères Adel al-Jubeir.
Lors de la conférence de presse, des responsables saoudiens ont exposé les débris de missiles et de drones fournis selon eux par l’Iran aux rebelles yéménites et utilisés lors d’attaques contre des villes saoudiennes.
L’Iran soutient les Houthis dans le conflit qui les oppose aux forces progouvernementales, appuyées depuis 2015 par une coalition militaire menée par l’Arabie saoudite, mais nie leur fournir des armes.
« L’Iran cherche à fournir des armes à des organisations terroristes. Qu’est-ce qui arrivera si l’embargo est levé? (…) L’Iran deviendra plus (…) agressif », a déclaré M. Jubeir.
Selon un rapport de l’ONU publié début juin, des parties des missiles de croisière et des drones employés lors d’une attaque contre des installations pétrolières saoudiennes en septembre étaient soit fabriquées en Iran soit exportées vers ce pays.
Cette attaque –imputée par Washington et Ryad à Téhéran, qui dément– avait entraîné une réduction temporaire de moitié de la production pétrolière de l’Arabie saoudite, premier exportateur mondial de brut.
La semaine dernière, le secrétaire d’Etat américain Mike Pompeo a menacé d' »imposer » unilatéralement au Conseil de sécurité de l’ONU le rétablissement des sanctions internationales contre l’Iran si l’embargo n’était pas prolongé.
Paris, Berlin et Londres –qui tentent de sauver ce qui reste de l’accord sur le nucléaire iranien– se sont prononcés en faveur de la prolongation de l’embargo.
Aucune date n’a été fixée pour le vote au Conseil de sécurité sur le projet de résolution américain pour la prolongation de l’embargo. Celui-ci a peu de chance d’être approuvé, la Chine et la Russie –qui disposent d’un droit de veto– s’étant déjà prononcées contre.
WASHINGTON MENACE D' »IMPOSER » À L’ONU LE RETOUR DES SANCTIONS
Les Etats-Unis ont clairement menacé mercredi d' »imposer » unilatéralement au Conseil de sécurité de l’ONU le rétablissement des sanctions internationales contre l’Iran, s’ils n’obtiennent pas une prolongation de l’embargo sur les armes.
Washington a remis lundi à ses partenaires du Conseil de sécurité un projet de résolution qui propose de prolonger un embargo sur les armes visant Téhéran, qui expire en octobre. Mais si les Européens y sont favorables, la résolution devrait buter sur l’opposition de la Russie et de la Chine.
« Sans action d’ici le 18 octobre, l’Iran sera en mesure d’acheter des systèmes d’armement sophistiqués et de devenir un vendeur d’armes de choix pour les terroristes et les régimes voyous à travers le monde. C’est inacceptable », a déclaré le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo lors d’une conférence de presse à Washington.
Il a une nouvelle fois critiqué l’accord international de 2015 sur le nucléaire iranien, signé par l’ex-président américain Barack Obama mais formellement dénoncé par son successeur Donald Trump. L’accord prévoit cet embargo mais « permet à ces restrictions de prendre fin ».
« Notre premier objectif, actuellement, est de travailler avec le Conseil de sécurité pour passer cette résolution » prolongeant l’embargo, a assuré le secrétaire d’Etat.
« Mais dans le cas où cela ne serait pas possible, nous lui rappelons que les responsables de l’administration Obama avaient dit très clairement que les Etats-Unis avaient la capacité unilatérale de rétablir les sanctions », a-t-il ajouté.
Il a notamment attribué à l’ex-secrétaire d’Etat John Kerry une déclaration assurant que les Etats-Unis pouvaient, en cas de non respect des engagements iraniens, « aller devant le Conseil de sécurité » et « imposer seuls le rétablissement de ces sanctions ».
« Notre grande préférence est une résolution du Conseil de sécurité pour prolonger l’embargo sur les armes, mais nous sommes déterminés à le prolonger quoi qu’il en soit », a-t-il ajouté.
En claquant la porte en 2018 de l’accord de 2015 au motif qu’il était insuffisant, selon Washington, pour empêcher la République islamique de se doter de la bombe atomique, Donald Trump a déjà rétabli toutes les sanctions américaines contre l’Iran.
En réponse, Téhéran a commencé à abandonner de nombreuses restrictions imposées à ses activités nucléaires.
Les autres signataires, France, Royaume-Uni, Allemagne, Chine et Russie, tentent de sauver cet accord qui ne tient plus qu’à un fil, mais un rétablissement des sanctions internationales à l’ONU lui apporterait probablement un coup fatal.
Or, malgré sa sortie de l’accord, l’administration Trump pourrait profiter d’un certain flou juridique pour invoquer son statut de signataire et imposer un retour des sanctions contre l’Iran.
(avec Afp)