30 juin : Mis en garde de Fatshi à « Kabila »

Felix-Antoine TSHISEKEDI TSHILOMBO dit Fatshi, président de la République démocratique du CONGO (RDC), a déclaré qu' »aucune majorité politique ou parlementaire, d’où qu’elle vienne, ne peut outrepasser les principes fondateurs de la République » dans une allocution télévisée à l’occasion du 60e anniversaire de l’indépendance du 30 juin 1960. Il a laissé entendre qu’il n’accepterait « sous aucun prétexte » une réforme du statut des magistrats très controversée que les députés pro-Kabila veulent faire adopter à l’Assemblée où ils ont la majorité. « Je n’accepterai sous aucun prétexte des réformes dans ce secteur qui, par leur nature et contenu, viendraient porter atteinte à des principes fondamentaux régissant la justice », a-t-il prévenu. Il « estime que les réformes dans ce secteur doivent être dictées, non par le souci d’assurer la protection d’une personne ou d’un groupe de personnes, mais plutôt par le souci d’apporter plus d’efficacité au fonctionnement de la justice ».

En pleine crise politique, le président de la République démocratique du Congo, Félix Tshisekedi, a fermement mis en garde lundi soir ses partenaires de la coalition au pouvoir, les forces politiques de son prédécesseur Joseph Kabila, majoritaires au Parlement.

Le chef de l’Etat a déclaré qu' »aucune majorité politique ou parlementaire, d’où qu’elle vienne, ne peut outrepasser les principes fondateurs de la République » dans une allocution télévisée à l’occasion du 60e anniversaire de l’indépendance du 30 juin 1960.

Le chef de l’Etat issu de l’opposition a laissé entendre qu’il n’accepterait « sous aucun prétexte » une réforme du statut des magistrats très controversée que les députés pro-Kabila veulent faire adopter à l’Assemblée où ils ont la majorité.

« Je n’accepterai sous aucun prétexte des réformes dans ce secteur qui, par leur nature et contenu, viendraient porter atteinte à des principes fondamentaux régissant la justice », a-t-il prévenu.

Le chef de l’Etat « estime que les réformes dans ce secteur doivent être dictées, non par le souci d’assurer la protection d’une personne ou d’un groupe de personnes, mais plutôt par le souci d’apporter plus d’efficacité au fonctionnement de la justice ».

Deux députés du Front commun pour le Congo (FCC, le parti de M. Kabila) défendent trois propositions de loi sur le statut des magistrats et l’organisation des juridictions.

Le parti de M. Tshisekedi, l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) a dénoncé un danger pour « l’indépendance de la magistrature ». La Conférence épiscopale et l’ambassade des Etats-Unis se sont également inquiétées pour l’indépendance de la justice.

Ces trois propositions de loi ont provoqué une crise au sein de l’exécutif, où le Premier ministre et la majorité des ministres sont des membres du FCC de M. Kabila.

Samedi, le ministre de la Justice Célestin Tunda Ya Kasende (FCC) a été brièvement arrêté et entendu par le Parquet.

Cette arrestation serait liée à un accrochage la veille en Conseil des ministres avec le chef de l’Etat, qui lui a reproché d’avoir transmis à l’Assemblée les avis du gouvernement sur les trois propositions de loi, sans consulter personne.

MGR AMBONGO DEMANDE « AU PEUPLE DE SE TENIR EN ORDRE DE MARCHE »

L’archevêque de Kinshasa, figure de proue de l’influente église catholique en République démocratique du Congo, a demandé mardi « au peuple de se tenir en ordre de marche » face au « mépris » dont il accuse la majorité parlementaire de l’ex-président Joseph Kabila.

« Les jours à venir seront difficiles. Et je tiens ici à demander au peuple de se tenir en ordre de marche. Lorsque le moment viendra (…) il faudra qu’il nous trouve sur leur chemin », a déclaré le cardinal Fridolin Ambongo dans une homélie à l’occasion du 60e anniversaire de l’indépendance du Congo.

L’archevêque a souhaité la fin de la coalition au pouvoir issue d’un accord entre le président Félix Tshisekedi, vainqueur de l’élection fin 2018, et son prédécesseur Joseph Kabila, qui a gardé la majorité au Parlement.

« Les coalisés ne se font plus confiance (…) C’est de la responsabilité de ceux qui sont coalisés, le président et le président sortant, de faire éclater cette coalition ».

Le cardinal Ambongo dénonce surtout le comportement de « la majorité parlementaire actuelle » aux mains des amis de M. Kabila.

Il accuse la présidente de l’Assemblée, Jeanine Mabunda, de « mépris » sur la question du renouvellement à la tête de la très stratégique Commission électorale.

Mgr Ambongo dénonce aussi « une attitude de mépris, d’arrogance qui a caractérisé l’ancien régime (Kabila) » sur la question d’un projet de réforme de la justice défendu par deux députés pro-Kabila.

Il glisse que l’Eglise catholique « est déjà en ordre de marche (…) pour faire barrage » à ce projet.

Lundi soir, le président Félix Tshisekedi a prévenu qu’il « n’accepterait sous aucun prétexte » une réforme risquant de « porter atteinte à des principes fondamentaux régissant la justice ».

Les Etats-Unis ont déjà estimé que cette réforme risque d' »amoindrir l’indépendance de l’appareil judiciaire ».

L’église catholique – 40% des 80 millions de Congolais – a historiquement joué un rôle de contestation, sous la dictature du maréchal Mobutu dans les années 90 et dans les dernières années du régime Kabila (2017-2018). Les catholiques avaient dans les deux cas soutenu des marches réprimées dans le sang.

« REGRETS » HISTORIQUES DU ROI DE LA BELGIQUE

Le roi des Belges a présenté mardi « ses plus profonds regrets pour les blessures » infligées lors de la période coloniale à l’ex-Congo belge, une première historique dans le sillage de la vague d’émotion mondiale après la mort de George Floyd aux Etats-Unis.

Faute de cérémonie à Kinshasa, capitale de l’actuelle République démocratique du Congo (RDC, ex-Zaïre), rendue impossible par la pandémie de coronavirus, le roi Philippe de Belgique a adressé une lettre au président de la RDC Félix Tshisekedi à l’occasion du 60e anniversaire de l’indépendance de son pays le 30 juin 1960.

Dans ce courrier communiqué à la presse, il évoque – sans nommer son ancêtre – l’époque de Léopold II, qui a été jugée la plus brutale par les historiens, quand le défunt roi gérait le Congo et ses richesses comme son bien privé depuis Bruxelles.

« A l’époque de l’État indépendant du Congo (de 1885 à 1908 quand Léopold II céda le territoire à l’Etat belge, ndlr) des actes de violence et de cruauté ont été commis, qui pèsent encore sur notre mémoire collective », écrit Philippe, qui règne depuis 2013.

« La période coloniale qui a suivi (jusqu’en 1960) a également causé des souffrances et des humiliations. Je tiens à exprimer mes plus profonds regrets pour ces blessures du passé dont la douleur est aujourd4hui ravivée par les discriminations encore trop présentes dans nos sociétés », poursuit-il.

Le quotidien Le Soir a salué un « geste fort et historique » du souverain.

Après ces « regrets » viendront « peut-être des excuses » comme le réclame une part croissante de l’opinion et du monde politique, a souligné La Libre Belgique.

De son côté, la Première ministre Sophie Wilmès a souhaité un débat « sans tabou, avec sincérité et sévérité » sur cette « histoire partagée » entre Belges et Congolais. A l’occasion d’une cérémonie à Bruxelles, elle a rappelé qu’une commission parlementaire devait s’y atteler prochainement, associant experts belges et africains, une première en Belgique.

« Comme pour d’autres pays européens, l’heure est venue pour la Belgique d’entamer un parcours de recherche, de vérité, de mémoire » et de « reconnaître la souffrance de l’autre », a affirmé la dirigeante libérale francophone, en écho à la lettre du roi évoquant l’objectif d’une mémoire enfin « définitivement pacifiée ».

Statues vandalisées

En 2000-2001, une commission d’enquête parlementaire s’était penchée sur le contexte de l’assassinat en janvier 1961 de Patrice Lumumba, éphémère Premier ministre du Congo. Elle avait conclu à la « responsabilité morale » de « certains ministres et autres acteurs » belges.

Outre le Congo, l’empire colonial belge comprenait également en Afrique le Ruanda-Urundi, territoire qui deviendra le Rwanda et le Burundi après son indépendance en 1962.

La mort de l’Afro-Américain George Floyd, asphyxié fin mai par un policier blanc à Minneapolis aux Etats-Unis, a ravivé en Belgique le débat sur les violences de la période coloniale au Congo et sur la personnalité très controversée de Léopold II qui régna de 1865 à 1909.

De nombreuses statues représentant l’ancien souverain à la longue barbe ont été vandalisées à travers le pays, souvent recouvertes de peinture rouge symbolisant le sang versé par les Congolais.

Certaines universités et municipalités ont également décidé de retirer statues ou bustes. Cela doit être le cas mardi après-midi dans un parc public à Gand.

Dans une pétition ayant recueilli plus de 80.000 signatures, le collectif « Réparons l’Histoire » a réclamé que « toutes les statues » en hommage à Léopold II soient retirées à Bruxelles, notamment la statue équestre érigée face au palais royal.

Le texte de cette pétition, un des éléments déclencheurs de la mobilisation désormais relayée par des élus belges, accuse Léopold II d’avoir « tué plus de 10 millions de Congolais », un nombre contesté par les historiens qui évaluent la « décroissance démographique » (morts, famines, maladies…) entre 1 et 5 millions.

Via des sociétés concessionnaires, Léopold II a recouru au travail forcé pour extraire notamment le caoutchouc au Congo. Des exactions – jusqu’aux mains coupées pour les travailleurs insuffisamment productifs – ont été documentées.

« On a mis en évidence les fameux +bienfaits de la civilisation+ apportés par les Belges, mais entre les routes, les hôpitaux, les écoles, on sait que tout ce qui a été construit visait essentiellement à servir ce système d’extraction et de production de richesses pour les colons », a fait valoir à l’AFP Romain Landmeters, chercheur à l’université Saint-Louis à Bruxelles.

LA BELGIQUE DOIT « ENTAMER UN PARCOURS DE VÉRITÉ »

« L’heure est venue pour la Belgique d’entamer un parcours de vérité » à propos de son passé colonial au Congo, l’actuelle RDC, a affirmé mardi à Bruxelles la Première ministre belge Sophie Wilmès à l’occasion du 60e anniversaire de l’indépendance le 30 juin 1960.

« Tout travail de vérité et de mémoire passe d’abord par (le fait de) reconnaître la souffrance de l’autre » a ajouté la dirigeante libérale francophone, en saluant le geste historique du roi Philippe.

Ce dernier a écrit mardi au président de la République démocratique du Congo, Félix Tshisekedi, pour exprimer aux Congolais ses « plus profonds regrets pour les blessures » infligées lors de la présence belge au Congo.

Les Belges et les Congolais partagent une histoire commune sur laquelle doit désormais être mené un débat « sans tabou, avec sincérité et sévérité », a ajouté Sophie Wilmès.

Une référence à la commission parlementaire qui devrait prochainement voir le jour, associant experts belges et africains, pour examiner le passé colonial belge au Congo, au Rwanda et au Burundi.

Mme Wilmès participait mardi matin au dévoilement d’une plaque commémorant l’indépendance du Congo devant la maison communale d’Ixelles, non loin du quartier africain de la capitale belge, Matonge.

Elle a lancé un appel à « combattre le racisme » en évoquant les insultes subies récemment sur internet par Pierre Kompany, premier bourgmestre noir de Belgique, d’origine congolaise, et père du footballeur Vincent Kompany.

« J’ai personnellement été choquée par les propos inadmissibles tenus récemment contre Pierre Kompany », a-t-elle lancé.

« La haine sur les réseaux sociaux, (…) ces comportements abjects » ne sont « pas des faits isolés », a ajouté la Première ministre, « chaque jour nombre de nos concitoyens subissent de tels discours ».

« Nous ne devons rien laisser passer dans le combat contre le racisme, contre tout forme de rejet de l’autre », a-t-elle encore souligné.

Pierre Kompany, bourgmestre de Ganshoren dans l’agglomération bruxelloise, compte parmi les élus belges, notamment des chrétiens-démocrates, ayant réclamé « des excuses » de la part du roi et de l’Etat belge pour le passé colonial.

« Si l’Etat présente ses excuses ça serait déjà beaucoup. Mais si la famille royale le fait aussi, elle en sortirait grandie », avait déclaré à l’AFP le 19 juin cet élu du Centre démocrate humaniste (cdH, centriste).

PATRICE EMERY LUMUMBA : ICÔNE INUSABLE DES LUTTES ANTICOLONIALES

La République démocratique du Congo célèbre mardi le 60e anniversaire de son indépendance de la Belgique, et son héros national, Patrice Lumumba, icône des nouveaux militants anticoloniaux qui demandent aux anciennes puissances coloniales d’assumer leur passé.

Patrice Emery Lumumba entre dans l’histoire et la légende ce 30 juin 1960 avec son discours contre le racisme des colons en présence du roi des Belges Baudouin pendant la cérémonie officielle marquant la naissance du Congo: « Nous avons connu les ironies, les insultes, les coups que nous devions subir matin, midi et soir, parce que nous étions des Nègres ».

Le Premier ministre du président Joseph Kasa-Vubu répondait au monarque qui venait de saluer l’oeuvre colonisatrice de son ancêtre, Léopold II, un « civilisateur » et non un « conquérant » selon lui.

Mardi en Belgique, la ville de Gand s’apprête à déboulonner une statue de Léopold II pour marquer les 60 ans de l’indépendance de l’ancienne colonie.

Des effigies de Baudouin et Léopold II, accusé par le collectif « Réparons l’histoire » d’avoir tué « plus de 10 millions de Congolais », ont été vandalisées début juin à Anvers et Bruxelles, en lien avec le mouvement « Black lives matter ».

A l’inverse, un tout petit square Patrice Lumumba a été inauguré en plein centre de Bruxelles en 2018, aux portes du quartier africain de Matonge.

« C’est extrêmement important pour que la Belgique puisse assumer son passé colonial, et pour la fierté des Afro-descendants », explique Kalvin Soiresse, 38 ans, député au Parlement bruxellois d’origine togolaise.

Le parcours fulgurant de Lumumba s’achève six mois et demi après son discours retentissant, le 17 janvier 1961.

Déchu, humilié, torturé, le martyr de l’indépendance est exécuté en pleine brousse à 50 km d’Elisabethville (actuelle Lubumbashi) par des séparatistes katangais et leurs hommes de main belges. Il avait 35 ans.

Le Congo avait sombré dans le chaos (mutineries, sécessions, intervention militaire belge et de l’ONU).

Le Premier ministre avait été renversé dès septembre 1960.

Ses appels du pied à l’Union soviétique en pleine Guerre froide avaient braqué les Etats-Unis, qui redoutaient de perdre leurs approvisionnements en cobalt congolais.

« Etre lumumbiste aujourd’hui »

« Lumumba devint en un rien de temps un martyr de la décolonisation, un héros pour tous les opprimés de la Terre, un saint du communisme sans dieu », résume David Van Reybrouck dans sa somme « Congo, une histoire ».

« Ce statut, il le devait plus à l’horrible fin de sa vie qu’à ses succès politiques », avec seulement deux mois et demi au pouvoir, nuance l’auteur belge de référence sur l’histoire du Congo.

La Belgique a reconnu sa « responsabilité morale » dans l’assassinat de Lumumba, dès 2001 au terme d’une commission d’enquête parlementaire. Le Parlement belge envisage une nouvelle commission sur la colonisation du Congo, du Rwanda et du Burundi.

Mardi, le prophète Lumumba sera célébré sans excès dans son propre pays, où aucune cérémonie n’est prévue en raison du coronavirus (les autorités ont annoncé une journée de « méditations »).

A Kinshasa, sa statue, main droite levée vers le ciel, semble haranguer les automobilistes au milieu de l’immense boulevard qui porte son nom entre l’aéroport et le centre-ville.

Elle n’a été érigée qu’au début des années 2000, à l’époque des régimes Kabila père et fils.

Dans le paysage politique subsiste un petit Parti lumumbiste unifié (Palu) dont le patriarche, Antoine Gizenga, vice-Premier ministre en 1960, est décédé en 2019, à 93 ans. Son fils, Lugi, qui lui a succédé à la tête du Palu, est mort début juin.

Hors ce parti, des personnalités perpétuent l’héritage nationaliste de Lumumba, comme l’ex-porte-parole du président Joseph Kabila (2001-2019), Lambert Mende.

« Etre lumumbiste aujourd’hui c’est mener le combat pour que le Congo soit libre de choisir ses partenaires économiques en fonction de ses propres intérêts », affirme M. Mende, toujours prompt à dénoncer le « néocolonialisme » des « partenaires occidentaux » de la RDC.

Et que reste-t-il de Lumumba chez les moins de 20 ans (50% des plus de 80 millions de Congolais)? Au lycée, son histoire est enseignée de « façon lapidaire » reconnaît un professeur, Egide Mawaso.

Le sujet peut être délicat. Dans sa chute, Lumumba a été trahi par d’autres pères de l’indépendance, à commencer par son modeste chef d’état-major, Joseph Mobutu, le futur maréchal-dictateur (1965-1997).

Enfin, le mythe d’un Lumumba communiste a été entretenu par l’URSS elle-même, qui a donné son nom à une université accueillant à Moscou des étudiants africains venus de « pays frères ».

« Communiste, il ne l’était pas. Il a répété plusieurs fois qu’il était nationaliste et non communiste », assure l’universitaire Jean Omasombo.

Cet auteur d’un livre sur Lumumba dénonce la « propagande coloniale » qui le présentait comme un agent soviétique. Le débat continue.

(avec Afp)

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