Les dégâts du Covid-19 sur l’emploi

La pandémie de coronavirus fait vaciller de nombreux secteurs économiques, au premier rang desquels l’aérien, l’automobile et la distribution, confrontés partout dans le monde à des faillites et à des plans sociaux en cascades.

Les cas touchant de grandes entreprises ne sont que la partie émergée de la crise. La pandémie a également mis en difficulté une multitude d’entreprises plus petites (commerçants, artisans, sous-traitants…) et détruit en silence de nombreux emplois précaires (intérim, CDD…).

Turbulences dans l’aérien

Avec ses avions cloués au sol, le secteur est frappé de plein fouet.

Plusieurs compagnies se sont déjà déclarées en faillite. La compagnie colombienne Avianca (20.000) et le géant australien Virgin Australia (10.000) en sont des exemples retentissants.

Certaines filiales de LATAM, principale compagnie d’Amérique latine (42.000 employés), se sont placées sous la protection du chapitre 11 de la loi américaine pour éviter de mettre la clef sous la porte.

Des compagnies plus petites, comme les sud-africains South African Airways et Comair, le britannique Flybe et quatre filiales de Norwegian Air Shuttle, ont également été emportées.

D’autres compagnies tiennent au prix de coupes drastiques dans leurs effectifs: au moins 19.000 suppressions de postes annoncées par Air Canada, 12.000 chez British Airways, 10.000 pour l’américain Delta Air Lines, 5.000 pour le scandinave SAS ou encore 4.500 chez le britannique EasyJet.

Des coupes également chez l’américain United Airlines (3.450 emplois de cadres), le britannique Virgin Atlantic (3.150 emplois), les irlandais Ryanair (3.250) et Aer Lingus (900), Icelandair (2.000), Kuwait Airways (1.500), Brussels Airlines (1.000), l’israélien El Al (1.000), le hongrois Wizz Air (1.000) et Fiji Airways (758).

Côté constructeurs, Boeing compte supprimer 16.000 emplois, le canadien Bombardier 2.500, tandis que les fabricants de moteurs américain General Electric et britannique Rolls-Royce vont respectivement sabrer 12.600 et 9.000 postes.

Certains Etats tentent de limiter la casse: l’Allemagne a volé au secours de Lufthansa (plan de neuf milliards d’euros) et de Condor (550 millions), la France et les Pays-Bas ont fait de même avec Air France-KLM (9 à 11 milliards), l’Italie a opté pour une nationalisation d’Alitalia.

Les Etats-Unis ont débloqué 50 milliards de dollars (45,6 milliards d’euros) pour l’aviation civile, la France 15 milliards d’euros pour la filière aéronautique.

Cathay Pacific (Hong Kong), Easyjet, Swiss et Edelweiss (Suisse), Air New Zealand, Singapore Airline, Garuda (Indonésie) et Austrian Airlines ont également bénéficié de soutien public.

L’automobile touchée

L’annonce de 15.000 suppressions de postes chez Renault et la faillite du loueur américain Hertz en Amérique du Nord sont les deux principaux révélateurs de la crise que traverse l’automobile.

Il ne s’agit pas de cas isolés. Nissan va fermer une usine employant 3.000 personnes à Barcelone, Volvo Cars va supprimer 1.300 postes de cadres en Suède, les constructeurs britanniques McLaren, Bentley et Aston Martin respectivement 1.200, 1.000 et 500 emplois, la chaîne britannique de concessionnaires Lookers 1.500.

Du côté des équipementiers, le français Novares a été placé en redressement judiciaire et Hutchinson (Total) veut supprimer un millier de postes en France.

Faillites dans la distribution

La pandémie a été fatale à de nombreuses enseignes, asphyxiées par des mesures de confinement qui les ont contraintes à fermer boutiques.

En France, des marques d’habillement (André, Naf Naf, La Halle, Camaïeu, Orchestra-Prémaman…) ont été placées en redressement judiciaire. Aux Etats-Unis, les chaînes de vêtements J.C. Penney et JCrew se sont déclarées en faillite, tout comme la chaîne britannique Laura Ashley, célèbre pour ses imprimés floraux. Pour certaines entreprises, déjà en difficulté, le Covid-19 n’a été qu’un accélérateur.

La pandémie a également poussé à la faillite les grands magasins du groupe américain Stage Stores et de la chaîne britannique Debenams, l’enseigne française d’ameublement Alinéa et le spécialiste britannique de la location-vente de produits pour la maison BrightHouse.

Quant au fabricant slovène d’électroménager Gorenje, il va supprimer 2.200 postes.

D’autres secteurs fragilisés

L’énergie, confrontée à une baisse de la demande, souffre également. Le géant pétrolier britannique BP a annoncé supprimer 10.000 postes, le fournisseur britannique Ovo 2.600 et le groupe Vallourec 900. Le groupe texan Diamond Offshore (forages) et l’américain Whiting Petroleum Corporation (gisements de schiste) ont déposé le bilan.

Dans la restauration, les chaînes britanniques Carluccio’s, Chiquito et Food and Fuel, et allemande Vapiano ont fait faillite.

Dans le numérique, Uber (réservation de VTC) compte licencier 6.700 salariés et son concurrent Lyft près de 1.000. Airbnb et TripAdvisor ont annoncé le licenciement d’environ 25% de leurs effectifs.

Le groupe suisse de logistique Kuehne+Nagel envisage également de supprimer un emploi sur quatre, soit plus de 15.000 postes.

Le voyagiste TUI compte supprimer 8.000 postes, malgré l’obtention d’un prêt relais de 1,8 milliard d’euros garanti par l’Etat allemand.

Dans l’humanitaire, l’ONG Oxfam va fermer 18 bureaux et supprimer près de 1.500 emplois.

PLUSIEURS MILLIARDS D’EUROS POUR RELANCER L’ÉCONOMIE FRANÇAISE

Fonds de soutien aux entreprisesen difficulté, financement de la recherche vers l’avion neutre en carbone en 2035, commandes anticipées: le gouvernement français a dévoilé mardi un vaste plan de soutien de 15 milliards d’euros à la filière aéronautique, ravagée par la crise du coronavirus.

Après un plan pour le tourisme de 18 milliards d’euros, un autre pour l’automobile de 8 milliards, le gouvernement a de nouveau sorti l’artillerie lourde pour soutenir un secteur stratégique qui représente 300.000 emplois directs et indirects et une balance commerciale positive de 34 milliards d’euros.

Le secteur est en effet victime de l’effet cascade de l’effondrement du trafic aérien et des difficultés financières des compagnies aériennes, amenées à annuler ou reporter des commandes. La crise met « la survie d’Airbus en jeu », selon son patron Guillaume Faury. Et avec celle du mastodonte aux 48.000 salariés en France, celle d’une myriade d’équipementiers.

Le patron d’Airbus s’est dit mardi « très satisfait » des mesures adoptées. Elles permettront de « préserver la santé » de la chaîne de fournisseurs, selon le président du Groupement des industries aéronautiques et spatiales (Gifas) Eric Trappier.

L’Etat avait déjà annoncé 7 milliards d’aides en prêts à Air France pour sauver la compagnie et lui permettre de concrétiser ses commandes de 60 Airbus A220 et 38 gros-porteurs A350, qui donneront du travail à l’avionneur et à ses fournisseurs.

« Tout a été compliqué dans l’élaboration de ce plan, mais on y est arrivé », se félicite-on à Bercy.

Outre les mesures de chômage partiel qui devraient être allongées et les prêts garantis par l’Etat, le ministre de l’Economie Bruno Le Maire a annoncé l’extension des garanties export et un moratoire sur le remboursement des crédits à l’export.

Un fonds d’investissement doté de 500 millions d’euros va être créé dès cet été pour abonder en fonds propres les PME et entreprises de taille intermédiaire en situation de fragilité.

La banque publique BPIFrance « apportera 200 millions d’euros, les industriels (Airbus, Safran, Dassault Aviation et Thales, ndlr) 200 millions d’euros également, 100 millions au moins seront fournis par le gestionnaire de fonds qui sera choisi par appel d’offres », a précisé Bruno Le Maire. A terme, le fonds permettra de lever un milliard d’euros selon lui.

Un autre fonds de modernisation de l’outil de production doté de 300 millions sur trois ans doit accompagner la numérisation et la robotisation des PME et des ETI.

« Accélération de 10 ans »

Cette filière étant « duale », travaillant à la fois pour le civil et le militaire, le ministère des Armées va également contribuer, en anticipant dès cette année des commandes d’aéronefs militaires qui étaient prévues pour plus tard, à hauteur de 600 millions d’euros, soit environ 5% de son budget d’équipement, selon la ministre Florence Parly.

Douze autres hélicoptères (232 millions d’euros) seront par ailleurs commandés pour la gendarmerie et la sécurité civile.

Le plan ambitionne également de préserver la capacité de l’industrie à innover et préparer l’avion du futur. « On aurait pu faire un pari qui était un pari de relance de la demande mais ça aurait été de l’argent jeté en l’air et un pari de très court terme », confie-t-on à Bercy.

Les avions Airbus représentant 45% des moyen et long-courriers et Safran motorisant 70% des moyen-couriers dans le monde, « soutenir l’industrie aéronautique française est indispensable » à la réduction des émissions de CO2 du trafic aérien mondial, a observé la ministre de la Transition écologique Elisabeth Borne ».

L’Etat va donc consacrer 1,5 milliard d’euros de financement public sur trois ans pour « parvenir à un avion neutre en carbone en 2035 » grâce notamment à la propulsion à hydrogène.

« C’est une accélération de 10 ans par rapport aux objectifs initiaux de la filière. Cela nous permettra de fixer les nouveaux standards mondiaux de l’avion bas carbone », a estimé Mme Borne.

Un objectif de neutralité carbone « ambitieux » mais « faisable », s’accordent les industriels.

« Le fait de garder des compétences clés, uniques au monde, et essayer de conserver ou de créer l’avance que nous avons sur nos concurrents américains est très important », a jugé le PDG de Thales Patrice Caine.

Greenpeace a quant à elle regretté que le « gouvernement continue à se voiler la face sur l’essentiel », à savoir la réduction du trafic aérien.

Jugeant « rassurantes » ces annonces, les syndicats, à l’image d’Edwin Liard, secrétaire fédéral FO de la Métallurgie, font toutefois part de leurs « inquiétudes sur l’emploi ».

« L’Etat a été à la hauteur. Aux entreprises de l’être à leur tour » en s’interdisant de d’annoncer des plans sociaux, a jugé la CFE-CGC.

« Nous ferons au mieux pour éviter des licenciements durs » mais « vous n’aurez pas d’engagement de ma part », a affirmé le patron de Safran, Philippe Petitcolin sur franceinfo.

Sans ce plan, « un tiers des emplois de la filière auraient disparu », a pour sa part jugé Bruno Le Maire, appelant les industriels à tout « faire pour éviter les départs contraints ».

(avec Afp)

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