Procès Kamerhe : À quel jugement s’attendre ?

Un procès pénal en droit pénal congolais ou autre se déroule selon des règles de droit matériel ou substantiel (la légalité matérielle) et de droit procédural (la légalité formelle) bien établies et supposément connues de toutes les personnes initiées à la science et à l’art juridiques (de droit) et de tous les professionnels de droit impliqués, y compris les avocats de la défense qui ont pour mission de défendre leurs clients et de convaincre ainsi que d’assister leurs clients à convaincre à cet effet les juges chargés de dire le droit dans telle ou telle autre affaire judiciaire concernée.

L’on a vu à maintes reprises le juge président de la composition judiciaire en charge répéter aux avocats respectifs de la défense (des prévenus Vital Kamerhe, Jamaal et Muhima), notamment en ce qui concerne les exceptions d’inconstitutionnalité et autres exceptions (d’irrecevabilité, d’incompétence matérielle et territoriale, d’inadmissibilité de certaines pièces à conviction ou preuves, etc.) soulevées : « Mais, Maîtres, vous êtes avocats! Vous savez quoi faire! Vous tirerez vos conclusions! Éduquez vos clients à comprendre les règles de droit pénal régissant la procédure judiciaire en cours et son déroulement! Prévenu Kamerhe, vous parlez de quelque chose que vous ne maîtrisez pas! ».

Qu’auraient dû faire les avocats concernés ? L’ont-ils fait ? Comme on dit en anglais : « that’s the question! » Autrement dit : c’est ça la question !

Juriste de formation (en RD Congo, en France et au Canada) et de profession, écrivain juriste et assistant professeur de droit, mon expérience professionnelle de près de 20 ans notamment dans au moins quatre (4) différentes fonctions juridiques et rôles conséquents dans une procédure judiciaire pénale, soit successivement en tant que Juriste Enquêteur chevronné (à la Direction Générale des Affaires Criminelles -DGAC- du Bureau de la concurrence du Canada / Agence anti-trust fédérale) de 2001 à 2009, Conseiller Juridique en Chef (de la banque ECOBANK RDC) de fin 2008 à fin 2009 ayant notamment décelé et investigué plusieurs cas de détournement et de blanchiment d’argent par des clients de la banque que j’ai aussitôt référés en tant que Plaignant ou Dénonciateur devant les instances policières et judiciaires congolaises au nom de la personne morale ECOBANK RDC, puis en tant qu’Analyste des griefs et Quasi Juge (au Service correctionnel du Canada) de 2016 à 2017 et maintenant en tant qu’Avocat Conseil membre du Barreau de Kinshasa depuis septembre 2019, m’amène, vu sous ces différents angles (enquêteur, juge, conseiller juridique en chef, avocat conseil, plaignant ou dénonciateur, écrivain juriste et assistant professeur de droit), à ce stade-ci, à humblement me limiter pour ma part à dire ceci :

i) Les preuves, au regard des éléments (légal, matériel et moral ou intellectuel) requis en vertu de la loi et de la jurisprudence (voir lien ci-dessous)*, me semblent tout de même suffisantes et accablantes quoique l’enquête, sous toutes réserves, me semble avoir été quelque peu bâclée : – pas de perquisitions ni de saisie d’ordinateurs et de laptops pour obtenir toutes les pièces à conviction; – pas d’écoute téléphonique ni de saisie des téléphones cellulaires pour obtenir les preuves de communication directe entre les prévenus; – pas de surveillances physiques ( »undercover ») ni électroniques; – pas d’interrogatoires, d’auditions, de confrontations de toutes les personnes suspectes impliquées; – pas de commissions rogatoires ou d’enquêtes en coopération avec d’autres pays pour obtenir les preuves de tous les comptes bancaires et biens immobiliers à l’étranger;

ii) Toutefois, j’attends pour ma part impatiemment le jugement annoncé pour le 20 juin prochain, y compris en ce qui concerne les exceptions d’inconstitutionnalité et autres exceptions (d’irrecevabilité, d’incompétence matérielle et territoriale, d’inadmissibilité de certaines pièces à conviction ou preuves, etc.) soulevées par les avocats de la défense, pour alors pouvoir à ce moment-là le décortiquer et tenter de comprendre les motifs et l’intime conviction du juge président et de sa composition en charge du dossier complet;

iii) Difficile, voire prétentieux, pour quiconque, juriste, non juriste ou pseudo juriste de « statuer » quand on n’a pas eu accès à tous les documents et pièces à conviction contenus dans le dossier complet, ni aux notes complètes des plaidoiries respectives des avocats de la partie civile République démocratique du Congo et des avocats de la défense (des prévenus Vital Kamerhe, de Jamaal et de Muhima), sans préjudice du réquisitoire écrit complet de la poursuite (le Ministère public).

Or, tout le monde, juriste, non juriste, pseudo juriste, etc., va de ses propres analyses et conclusions selon sa propre théorie et ses propres méthodes et techniques d’analyse tirées de je ne sais où et qui n’ont absolument rien à voir avec la science et l’art de droit. Nos pseudo juristes induisent ainsi en erreur le grand public, inutilement, consciemment ou inconsciemment, ou encore pour des raisons et à des fins qui leur sont propres.

On parle du Droit ici, du droit pénal, de la procédure pénale (enquête, instruction, plaidoirie, etc.), de la loi et de la jurisprudence applicables, de trois éléments légal (« nullum crimen nulla poena sine lege »), matériel (« l’actus reus ») et moral ou intellectuel ( »la mens rea ») requis, du raisonnement juridique, de la preuve et de la l’administration de la preuve en matière pénale (notamment de la norme de « preuve au-delà de tout doute raisonnable » requise en droit pénal et qui va bien au-delà de la seule « preuve pièce contre pièce » dont certains pseudo juristes parlent sans même non plus en maîtriser la signification réelle, ni la teneur, ni la portée)!

Personnellement, en tant que juriste à plusieurs titres et égards, je ne me vois pas débattre vigoureusement avec un médecin ou tenter d’imposer à des médecins spécialistes mon propre analyse, ma propre théorie, ma propre méthodologie de recherche et technique d’analyse sur comment on procède et on décide pour par exemple opérer quelqu’un de la prostate.

Soyons tout de même sérieux nos chers pseudo juristes des réseaux sociaux…

(Maître Zeph Zabo, Doctorant en Droit, LL.M., LL.L., M.A.)

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