Déconfinement : Que l’OMS la ferme !

Après New York lundi, Moscou a entamé mardi son déconfinement, confortant une réouverture en marche dans de nombreux pays malgré l’alarme lancée par l’Organisation mondiale de la Santé contre une « aggravation de la situation mondiale » face au coronavirus.

Sous un soleil radieux et des températures estivales, les embouteillages étaient de retour dans les rues de la capitale russe pour la première fois depuis fin mars.

« Il fait beau et il y a beaucoup de gens dans la rue. C’est une belle journée », sourit Olga Ivanova, une responsable marketing de 33 ans, ravie de retrouver sa ville.

Le port du masque dans la rue, auquel s’ajoutent les gants dans les lieux fermés et les transports, restent toutefois obligatoires dans la ville de 12 millions d’habitants, épicentre de l’épidémie avec près de la moitié du nombre de morts, même si le nombre de contaminations détectées quotidiennement y a chuté, passant de quelque 6.000 début mai à 1.572 ce mardi.

S’appuyant sur ces chiffres encourageants, le maire Sergueï Sobianine avait annoncé lundi la levée du système « d’auto-isolement » à domicile et du régime de laissez-passer obligatoire.

Non au « laisser-aller »

Dans le quartier chic de Patriarchy Prudy, les petits salons de beauté et les coiffeurs ont accueilli leurs premiers clients.

Selon les chiffres officiels, le nombre total de cas de Covid-19 en Russie a atteint 485.253, dont 6.142 morts, le pays restant à la troisième place mondiale en nombre de contaminations.

Alors que l’assouplissement des restrictions est à l’ordre du jour à travers le monde, avec l’objectif de faire repartir des économies durement éprouvées, le patron de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, a lancé lundi une mise en garde depuis Genève: « bien que la situation en Europe s’améliore, dans le monde elle s’aggrave ».

Le nombre de cas confirmés dans le monde, désormais supérieur à sept millions, a augmenté de plus de 100.000 sur neuf des dix derniers jours, et même de 136.000 dimanche – « le bilan le plus élevé jusqu’ici », a-t-il précisé. Le seuil des 400.000 morts a été franchi dimanche.

Il a précisé que près de 75% des nouveaux cas enregistrés dimanche l’ont été dans 10 pays, principalement sur le continent américain et en Asie du sud.

M. Tedros a estimé que dans les pays où la situation s’améliorait, « la plus grande menace est désormais le laisser-aller », ajoutant que « la plupart des gens dans le monde sont encore susceptibles d’être infectés ».

Etats-Unis en récession

A Moscou, le déconfinement est d’ailleurs progressif et prévoit une réouverture par étapes –les 9, 16 et 23 juin– des commerces, restaurants, services à la personne et lieux de loisir.

Lundi, New York était sortie de sa léthargie en vigueur depuis le 22 mars. La capitale économique américaine a amorcé une réouverture très progressive, limitée dans une première phase à la construction et au secteur manufacturier.

D’ici 15 jours, les autorités espèrent passer à une deuxième étape qui permettra de manger en terrasse ou de retourner chez le coiffeur.

« Ca fait du bien d’être de retour », commente Michael Ostergren, gérant de la librairie Shakespeare and Co à Manhattan, où de premiers clients sont entrés à peine les portes ouvertes. « Tout le monde veut sortir de chez soi ».

Après presque 11 ans de croissance, les Etats-Unis sont désormais en récession. Et le monde entier traverse désormais sa pire récession depuis 150 ans, selon la Banque mondiale.

Dans ces conditions, l’Inde, où l’épidémie reste virulente, a autorisé lundi elle aussi la réouverture de ses centres commerciaux et de ses lieux de culte.

Masques en Espagne

L’Amérique latine, où la progression de la pandémie reste inquiétante, se déconfine aussi.

Au Brésil, troisième pays le plus endeuillé au monde après les Etats-Unis et le Royaume-Uni avec plus de 37.000 morts, le gouverneur de Rio de Janeiro a annoncé l’assouplissement des restrictions.

Les chiffres sur les morts et les cas de contamination du coronavirus sont depuis plusieurs jours diffusés dans la confusion la plus totale par le gouvernement du président Jair Bolsonaro, accusé de vouloir « étouffer les données ».

En Europe, le gouvernement français a dévoilé mardi un vaste plan de soutien à la filière aéronautique, ravagée par la crise du coronavirus, représentant « un effort total de 15 milliards d’euros », dont 1,5 milliard consacré à la recherche vers un avion neutre en carbone en 2035. Une décision prise alors que l’économie française devrait mettre au moins deux ans à se relever de la pandémie, selon la Banque de France.

L’ensemble de la zone euro a été affecté par la pandémie. Son Produit intérieur brut (PIB) a reculé de 3,6% au premier trimestre, son repli le plus important depuis la création de la monnaie unique en 1999.

En Espagne, qui a enregistré plus de 27.000 décès, le Championnat de football reprend mercredi, après trois mois d’interruption.

La prudence y reste toutefois de mise: le masque restera obligatoire sous peine d’amende une fois le déconfinement achevé, jusqu’à ce que le coronavirus soit « définitivement vaincu », a annoncé mardi le ministre de la Santé Salvador Illa.

Au Royaume-Uni, qui a enregistré plus de 40.597 décès, le déconfinement se fait au compte-gouttes. Toute personne arrivant dans le pays de l’étranger doit observer une quarantaine de 14 jours, une mesure à l’efficacité contestée qui affole les secteurs aériens et du tourisme.

DES VOIX S’ÉLÈVENT POUR CRITIQUER L' »ALARMISME » DES SIMULATIONS QUI ONT CONDUIT AU CONFINEMENT

Des centaines de milliers, voire des millions, de morts du Covid-19 dans chaque pays? Ce scénario noir a convaincu certains gouvernements d’opter pour le confinement, mais des voix s’élèvent pour critiquer l' »alarmisme » des simulations sur lesquelles il était basé.

« On a donné un poids beaucoup trop important à ces modélisations », assure à l’AFP le Pr Jean-François Toussaint, directeur de l’Institut de recherche biomédicale et d’épidémiologie du sport (Irmes).

« Le cas le plus flagrant, c’est celui des 500.000 morts qui ont fait basculer les gouvernements: c’est l’exemple typique d’une utilisation pas très sérieuse de la science », renchérit un autre scientifique français opposé au confinement, Laurent Toubiana.

Il fait référence à des travaux qui ont eu une influence considérable après leur publication par l’Imperial College de Londres le 16 mars. Signés par l’équipe du Pr Neil Ferguson, ils prévoyaient jusqu’à 510.000 morts en Grande-Bretagne et 2,2 millions aux Etats-Unis si rien n’était fait pour contenir l’épidémie.

Dans la foulée, la France, le Royaume-Uni et d’autres pays d’Europe avaient opté pour un confinement strict.

« On a préféré écouter les gens les plus alarmistes », soupire Laurent Toubiana, en soulignant que le nombre réel de morts est largement inférieur à ces scénarios du pire.

Ces derniers ont été élaborés grâce à des modélisations, simulations informatiques basées sur ce qu’on sait de la maladie au moment où on les réalise (en termes de contagiosité, de mortalité, etc.).

« Ces modèles mathématiques dépendent d’un trop grand nombre de facteurs pour être fiables », juge le Pr Toussaint. Dans le cas du Covid-19, maladie nouvelle et donc mal connue, « les conditions de base nous échappent », ce qui peut aboutir à « des déviations extrêmement fortes » entre les prédictions des modèles et la réalité.

Au Royaume-Uni, les modélisations de Neil Ferguson sont devenues l’objet d’une âpre bataille politique entre partisans et adversaires du confinement.

Une bataille au parfum de scandale : début mai, celui que les tabloïds avaient surnommé « Professeur Confinement » a dû démissionner de l’organisme qui conseille le gouvernement britannique.

Cause de sa disgrâce, la révélation par le quotidien The Daily Telegraph qu’il avait enfreint les règles du confinement en autorisant une femme, présentée comme sa maîtresse, à lui rendre visite.

« Imperial Plantage »

Au-delà du cas personnel du Pr Ferguson, des spécialistes de l’informatique ont critiqué son modèle, accusé d’être obsolète, voire erroné.

L’Imperial College a répliqué le 1er juin. Il a annoncé que ce programme informatique avait passé avec succès une évaluation par des experts indépendants, qui ont pu reproduire les résultats du fameux rapport du 16 mars.

Une semaine après cette annonce, la suite de ce rapport a été publiée lundi. Sa conclusion: le confinement a permis d’éviter 3,1 millions de morts dans 11 pays européens, par rapport aux premières estimations des décès potentiels en l’absence de toute mesure.

« L’Imperial Plantage of London tente a posteriori de justifier ses errances », raille le Pr Toussaint.

Alors qu’il avait directement rendu publics ses précédents rapports sur le Covid-19, l’Imperial College a cette fois-ci soumis ces travaux à une prestigieuse revue scientifique, Nature, afin qu’ils soient au préalable validé par d’autres scientifiques indépendants.

Fin mai, le journal The Financial Times avait affirmé que leur publication avait été retardée par « la politisation » du débat sur le confinement au Royaume-Uni.

De leur côté, les spécialistes des modélisations font valoir qu’elles ne sont pas des boules de cristal, mais des outils qui envisagent le pire afin de pouvoir l’éviter.

« Une modélisation ne doit pas être interprétée comme donnant un résultat absolu: c’est une photographie à l’instant T qui repose sur les dernières données connues, un peu comme un sondage », avait expliqué mi-mai à l’AFP Nicolas Hoertel, psychiatre et modélisateur à l’hôpital Corentin-Celton près de Paris.

Il avait alors cosigné une modélisation selon laquelle le confinement avait permis de sauver 100.000 vies en France.

« Il y a certes des limites importantes » aux modélisations, « mais à ce stade ce sont les seuls outils scientifiques dont on dispose pour éclairer une décision sur l’aspect sanitaire », avait-il poursuivi.

En outre, les décideurs assurent que les modélisations n’étaient pas le seul critère pour passer au confinement en mars.

« On s’est appuyé bien sûr sur les modélisations (…) Une des modélisations par exemple estimait que nous allions, si on ne confinait pas, vers 120.000 ou 150.000 décès », a affirmé dimanche sur BFMTV Jean-François Delfraissy, président du Conseil scientifique chargé d’éclairer le gouvernement français pendant l’épidémie.

« Mais les modélisations ne sont que des modélisations », s’est-il empressé d’ajouter, en notant que les observations de terrain avaient aussi pesé, puisqu’on constatait alors un afflux massif de malades du Covid-19 dans les hôpitaux.

En outre, le choix final était bien « une décision politique », a-t-il souligné.

LE POINT SUR LA PANDÉMIE DANS LE MONDE

Nouveaux bilans, nouvelles mesures, faits marquants : un point sur les dernières évolutions de la pandémie de Covid-19.

Se préparer à une prochaine pandémie

Plusieurs dirigeants européens dont le président français Emmanuel Macron et la chancelière allemande Angela Merkel, estimant que l’Union européenne n’avait pas été à la hauteur face au Covid-19, ont demandé à l’UE que soient étudiés les moyens de mieux se préparer à la prochaine pandémie.

Menace de « crise alimentaire »

Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a mis en garde contre une « crise alimentaire mondiale » aux répercussions à long terme pour « des centaines de millions d’enfants et d’adultes » si rien n’est fait pour atténuer les conséquences de la pandémie.

Corée du Nord: des gens « affamés »

L’insécurité alimentaire s’accroît en Corée du Nord, où certains sont « affamés » depuis la fermeture de la frontière avec la Chine et les autres mesures prises contre la pandémie, a averti un expert de l’ONU.

Pyongyang n’a confirmé aucun cas de Covid-19.

Plus de 407.000 morts

La pandémie a fait au moins 407.914 morts dans le monde depuis son apparition en décembre en Chine, selon un bilan établi par l’AFP à partir de sources officielles mardi à 19H00 GMT.

Plus de 7.169.550 cas ont été officiellement diagnostiqués dans 196 pays et territoires.

Les Etats-Unis sont le pays le plus touché, avec 111.375 décès. Suivent le Royaume-Uni avec 40.883 morts, le Brésil (37.134), l’Italie (34.043), et la France (29.296).

Secteur aérien : pertes record

Les compagnies aériennes pourraient subir plus de 84 milliards de dollars de pertes nettes lors de leur exercice 2020, et plus de 15 milliards de pertes encore en 2021, des suites de la pandémie, a annoncé l’Association internationale du transport aérien.

La France aide l’aéronautique

La France a dévoilé un vaste plan de soutien à la filière aéronautique représentant « un effort total de 15 milliards d’euros », dont 1,5 milliard consacré à la recherche vers un avion neutre en carbone en 2035.

Zone euro: chute du PIB

Affecté par les mesures de confinement, le Produit intérieur brut (PIB) de la zone euro a reculé de 3,6% au premier trimestre, son repli le plus important depuis la création de la monnaie unique en 1999.

Enquête en France

La justice française a annoncé l’ouverture d’une vaste enquête préliminaire sur la gestion critiquée de la crise du Covid-19 dans le pays.

Moscou revit

Moscou a entamé un déconfinement progressif prévoyant une réouverture par étapes des commerces, restaurants et lieux de loisirs.

Le port du masque dans la rue, auquel s’ajoutent les gants dans les lieux fermés et les transports, reste obligatoire.

Masque obligatoire en Espagne

Le masque restera obligatoire sous peine d’amende en Espagne une fois le déconfinement achevé et jusqu’à ce que le coronavirus soit « définitivement vaincu ».

Déconfinement

La Turquie a annoncé la levée sous conditions du confinement imposé aux seniors et aux jeunes.

En Angleterre, tous les commerces de détail pourront rouvrir à partir du 15 juin.

Tourisme

Chypre a accueilli ses premiers touristes, avec des vols arrivant de Bulgarie, Grèce et Israël.

A Paris, la tour Eiffel rouvrira le 25 juin, avec port du masque obligatoire et montée uniquement pas les escaliers.

L’archipel des Baléares accueillera des touristes allemands à partir du 15 juin.

Pangolin

Le Chine a retiré les ingrédients issus du pangolin, soupçonné d’avoir joué un rôle dans la transmission à l’homme du nouveau coronavirus, de la liste officielle des produits de la pharmacopée traditionnelle.

(avec Afp)

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