Aussitôt de retour de la Cité de l’Union Africaine, où elle venait d’être reçue lundi 25 mai 2020 par le Chef de l’État, Félix Antoine Tshisekedi, avec qui elle a échangé autour du bon fonctionnement des institutions, Jeanine Mabunda, présidente de l’Assemblée Nationale, a pris le chemin du Palais du Peuple pour diriger une plénière consacrée à l’examen de la pétition articulée contre Jean-Marc Kabund, premier vice-président, par le député national Jean-Jacques Mamba. En dépit des protestations des élus de la coalition CACH (Cap pour le Changement) et leurs alliés, ponctuées d’une bagarre quasi générale sur le podium, elle a suspendu la séance pendant quelque temps avant d’ordonner sa reprise, sans les députés CACH, mécontents d’assister à une plénière assise sur un matelas d’irrégularités.
En effet, selon les us et coutumes parlementaires, la pétition articulée contre Jean-Marc Kabund aurait dû être présentée par son auteur, Jean-Jacques Mamba. Comme chacun le sait, ce député national se trouve en résidence surveillée et sous le coup de poursuites judiciaires au niveau de la Cour de Cassation, en raison de la présence, sur son document, de trois fausses signatures. L’incapacité de l’auteur de la motion de la présenter en plénière aurait dû naturellement obliger Jeanine Mabunda à la renvoyer à une date ultérieure.
Par ailleurs, l’un de ses collègues lésés, à savoir Simon Mpiana Ntumba, avait formellement déposé une plainte à sa charge, au niveau du Parquet général près cette juridiction, pour faux en écriture et usage de faux. Compte tenu de la détention préventive de Jean-Jacques Mamba pour fortes suspicions de tricherie, l’Assemblée Nationale aurait dû, logiquement surseoir à l’examen de la pétition contre Kabund, présumée entachée d’irrégularités, et attendre l’instruction du dossier fixée à ce mercredi 27 mai 2020.
Quelle valeur va avoir un vote consacrant la déchéance de Jean-Marc Kabund du Bureau de l’Assemblée Nationale, s’il était démontré, au niveau de la Cour de Cassation, que la signature de Simon Mpiana Ntumba était falsifiée et si, au regard de cette irrégularité, le document était déclaré nul et de nul effet ? Que va-t-il se passer, dans le même ordre d’idées, si le député Jean-Jacques Mamba était condamné pour faux et usage de faux et déchu de son mandat de député national ?
Il va de soi que si la Cour de Cassation confirmait le faux et usage de faux à charge de Jean-Jacques Mamba; sa pétition serait automatiquement déclarée fausse, en dépit d ela collecte, par son auteur de 62 signatures. Mutandis mutandi, le vote ayant consacré la déchéance de JM Kabund, avec pour soubassement un faux document, est frappé de nullité.
Jeannine Mabunda, présidente de l’Assemblée Nationale, s’expose au ridicule car elle sera bien obligée de rétropédaler et de se soumettre à l’Arrêt de la Cour de Cassation. Un bras de fer éventuel avec cette haute Cour pourrait lui valoir, à titre personnel, des poursuites judiciaires. Le bon sens aurait dû lui commander la patience et la prudence dans la gestion de la pétition boutiquée contre le Premier Vice-président Kabund.
Le rétripédalage va-t-il devenir le sport favori de son mandat ? On est en droit de se le demander, quand on pense à sa triste aventure, avec son collègue Thambwe Mwamba du sénat, dans la contestation aveugle de l’ordonnance présidentielle du 24 mars 2020 proclamant l’état d’urgence en République Démocratique du Congo « Recadrés » par la Cour Constitutionnelle, ils avaient fait examiner et volé, à la quatrième vitesse, la loi Mboso en rapport avec l’état d’urgence. Depuis lors, les différentes prorogations passent au Parlement comme des lettres à la poste.
L’ÉPÉE DE DAMOCLÈS TOUJOURS SUR LA TÊTE DE MAMBA
Les députés FCC (Front Commun pour le Commun) et Lamuka ont sablé le champagne le lundi 25 mai dans la soirée, après avoir voté pour la pétition de leur collègue Jean-Jacques Mamba, consacrant ainsi la destitution de Jean-Marc Kabund de son poste de premier vice-président de l’Assemblée Nationale. Comme relevé dans nos livraisons antérieures, la « victoire » de la famille politique de l’ancien Chef de l’Etat et de leur surprenant allié, Lamuka, risque d’être sans lendemain. En effet, la Cour de Cassation ouvre, ce mercredi 27 mai 2020, le procès de Jean-Jacques Mamba, en procédure de flagrance pour faux et usage de faux, à la suite de la plainte de son collègue Simon Mpiana Ntumba, qui l’accuse d’avoir faussé sa signature dans la pétition sus évoquée.
Le scénario qui pourrait exposer au ridicule la présidente de l’Assemblée Nationale et les participants au vote du lundi 25 mai, serait celui de la condamnation de Jean-Jacques Mamba pour faux et usage de faux. Une telle décision judiciaire devrait entrainer, automatiquement la nullité non seulement de la pétition articulée contre Jean-Marc Kabund, mais aussi celle du vote organisé sur la base d’un « faux ».
Ce serait, comme chacun peut le constater, la remise en question de l’agenda caché du FCC (Front Commun pour le Congo) et de Lamuka visant la déstabilisation du CACH (Cap pour le Changement), la plate-forme électorale ayant conduit l’actuel Chef de l’Etat, Félix Antoine Tshisekedi, à la victoire électorale, lors de l’élection présidentielle du 30 décembre 2018.
L’épée de Damoclès reste donc, plus que jamais, suspendue sur la tête de Jean-Jacques Mamba, qui a offert ses bons offices pour endosser une pétition contenant trois fausses signatures, dont l’une vient de le conduire devant la Cour de Cassation. Le « faux » semble incontestable car dans le camp du FCC, certains caciques, dont Joseph Kokonyangi, ont reconnu la présence de deux fausses signatures. Qu’il s’agisse d’une, de deux ou de trois fausses signatures, la pétition devait être déclarée nulle et de nul effet.
Jean-Jacques Mamba devrait avoir le courage de supporter, au cas où il serait reconnu coupable de faux et usage de faux au niveau de la Cour de Cassation, les conséquences de sa turpitude politique. Sa mise en accusation, sous mandat d’amener, suivi de sa mise en « résidence surveillée », n’est pas de bon augure pour la suite de son dossier judiciaire. On signale que l’officier du ministère public avait indiqué, dans le mandat d’amener instrumenté contre lui, qu’il y avait des indices sérieux de culpabilité à sa charge. Par ailleurs, le fait que Jean-Jacques Mamba ait été mis aux arrêts et appelé à comparaître, ce mercredi 27 mai, sans que ses immunités n’aient été levées, fait penser à une mauvaise suite des événements pour lui. Ce député national avait-il pensé au scénario de sa mise en accusation devant les instances judiciaires, avec risque de condamnation, d’emprisonnement et de perte de son mandat politique ? On peut en douter, au regard de l’enthousiasme qui l’animait après avoir collecté 62 signatures et déposé sa pétition au bureau de l’Assemblée Nationale.
Jean-Marc Kabund en embuscade pour la Cour Constitutionnelle ? Bien qu’il ait déclaré, lundi dernier, avoir accepté de quitter le bureau de l’Assemblée Nationale la tête haute, Jean-Marc Kabund va suivre, avec le maximum d’attention, le procès Mpiana-Mamba, pour tirer les conséquences éventuelles de la condamnation du prévenu. Dans l’hypothèse de la condamnation de l’auteur de la pétition litigieuse ayant conduit à sa déchéance, par vote, du bureau de l’Assemblée Nationale, il serait en droit d’attaquer, au niveau de la Cour Constitutionnelle, la décision de la plénière du lundi 25 mai et exiger, pour son honneur, sa réhabilitation comme premier vice-président de l’Assemblée Nationale. Un bras fer juridique entre l’Assemblée Nationale et le pouvoir judiciaire (Cour de Cassation et Cour Constitutionnelle) serait-il en vue ? Dossier à suivre.
AUDITION RENVOYÉE APRÈS LE 15 JUIN A LA COUR DE CASSATION
Bien qu’étant en pleine session de mars pour débattre de la plupart des arriérés législatifs jugés prioritaires, tous les regards de députés nationaux étaient tournés hier mercredi 27 mai, vers la Cour de cassation pour savoir ce que la justice pensait de l’épisode judiciaire qui s’engageait après les retombées de l’affaire de la déchéance de Jean-Marc Kabund du Bureau de l’Assemblée nationale. Et pour cause ! C’est cette juridiction qui devait statuer sur l’affaire opposant le député national Simon Mpiana Ntumba à son collègue Jean-Jacques Mamba. Rappelons que l’élu de l’UNC poursuit ce dernier, pour avoir ajouté son nom et sa signature dans une pétition ayant entraîné la déchéance du premier vice-président du Bureau de l’Assemblée nationale Jean-Marc Kabund, alors qu’il n’était pas d’accord avec la démarche de Jean-Jacques Mamba.
En cette période de confinement, juges, OMP, greffier, avocats le cité, et aussi l’assistance, visages masqués : personne ne voulait enfreindre la mesure préventive du port obligatoire du cache-nez et rater ce procès entre deux élus du peuple. Surtout que les éléments de la police par leur excès de zèle, veillaient scrupuleusement à sa stricte observance. A l’audience d’hier, en effet, la Cour de cassation a prononcé dans la soirée, un arrêt décrétant la suspension des poursuites judiciaires et de la détention du député Jean-Jacques Mamba durant toute la période de la session de mars. Libre pour avoir recouvré sa liberté de mouvement, et pour pouvoir siéger en compagnie de ses collègues, Jean-Jacques Mamba a affiché un sourire triomphal et s’est offert un véritable bain de foule devant des journalistes présents sur le lieu et décidés à lui arracher des interviews, après le résumé fait à la presse par le bâtonnier national Matadiwamba, qui dirigeait le collectif de ses avocats.
A décrypter la décision de la Cour de cassation, on peut soutenir sans crainte d’être contredit que sur base de cet arrêt, les poursuites judiciaires articulées contre Jean-Jacques Mamba sont suspendues, ainsi que sa détention. Cela ne signifie pas qu’il y a extinction des poursuites judiciaires. Car en tout état de cause, la Cour n’a pas statué sur le fond de l’affaire, mais a réagi tout simplement par rapport à la résolution prise par l’Assemblée nationale, conformément à l’article 107 de la Constitution et à l’article 73 al 4 de sa Loi organique.
Cette résolution reconnait que pendant la session, les députés sont couverts par des immunités face à certaines actions judiciaires. Ces immunités permettent aux députés de siéger valablement, sans perturber le fonctionnement normal de la chambre basse, ni ses missions législatives et celles de contrôle de l’action gouvernementale. Pour le cas de l’arrêt de la Cour de Cassation, Mamba est un homme libre jusqu’à la clôture de la session de mars, laquelle prend fin le 15 juin 2020. Pendant les vacances parlementaires, la Cour va certainement exhumer le dossier et auditionner le prévenu. On croit savoir que le député national du MLC qui a aussitôt savouré la suspension de sa détention, est allé illico presto remercier la présidente Jeanine Mabunda pour avoir fait adopter la résolution argumentant sur les raisons valables de surseoir momentanément aux poursuites judiciaires et à sa détention le soir, il a été ovationné à sa résidence par ses nombreux voisins et comme on peut l’imaginer, il a retrouvé sa quiétude, même si l’épée de Damoclès reste suspendue sur sa tête. Car il devra répondre tôt ou tard de l’affaire de sa fameuse pétition dont l’un des signataires ne reconnait pas sa signature.
Cependant pour ceux qui ne lisent pas entre les lignes, la confusion est dans les esprits et la mauvaise interprétation va gagner la rue. Pourtant, les hauts magistrats se sont appuyés sur des dispositions légales, notamment la Constitution en son article 107, ainsi que la Loi organique de l’Assemblée nationale en son article 73 alinéa 4pour statuer dans cette affaire.
(avec lePhare)