La RDC ne dispose pas encore d’une législation sur la Cybercriminalité. Un retard dû à certaines pesanteurs du régime sortant, alors que les NTIC demeurent évolutives. La conséquence est pourtant directe. L’ouverture politique assortie des libertés fondamentales prônée par le président Tshisekedi a fait que son administration paie cash l’absence de la loi sur la cybercriminalité. Des documents officiels, notamment de la plus haute institution de la République, sont chaque jour portés sur la place publique, sans en maîtriser le circuit de cette fuite des pièces parfois classées top secret. Ou plus simplement, des documents officiels de l’administration en images photographiques, montées et modifiées par des individus mal intentionnés, avec sceaux officiels, sont abusivement publiés sur Internet et dans des réseaux sociaux dans le but de nuire. Pour tenter de contrer ces faits, déjà érigés en infractions ailleurs par la loi, le ministère de la Justice vient d’instruire le parquet à s’activer dans la répression de toutes ces antivaleurs relevant de la cybercriminalité. Si l’initiative est bonne, il y a lieu de tabler sur son efficacité dès lors qu’il ne sera pas évident de limiter la gestion d’un secteur aussi complexe et évolutif à des simples actes règlementaires. Il y a lieu de dépoussiérer les lois déjà votées par les deux Chambres du Parlement, intégrant toutes les innovations en vigueur dans le secteur et les contours de contrôle. Le contraire risque de ne s’avérer qu’une solution cosmétique. Le vice-Premier ministre, ministre de la Justice, Célestin Tunda ya Kasende, doit donc aller au-delà de la simple instruction faite au parquet de sévir contre la cybercriminalité.
Le ministère de la Justice et Garde des sceaux constate, avec amertume, la prolifération de mauvaises habitudes de la part de certains concitoyens et officines pour nuire, à travers des montages grossiers, à l’image des institutions de la République, des personnalités politiques et de quelques acteurs du secteur privé bien ciblés.
Dans un communiqué de presse rendu public le 15 mai 2020, le ministère de la Justice note par ailleurs que de fausses ordonnances présidentielles en images photographiques, montées et modifiées, avec sceaux officiels, sont abusivement publiées sur Internet et dans des réseaux sociaux. Il en est de même des administrations, des services publics ou de leurs agents, qui diffusent sur les réseaux sociaux numériques, de documents officiels portant les sceaux et signatures des membres du gouvernement ou de la présidence de la République.
Pour le VPM de la Justice, ces documents sont couverts de confidentialité et sont uniquement destinés aux personnes et personnalités concernées, leur diffusion à un public indifférencié pose de sérieux problèmes d’éthique administrative, de manipulation de l’opinion, de viol de secret professionnel et de sécurité tant pour la fonction de ses signataires que pour l’État lui-même.
À ses yeux, tous ces actes sont nocifs et répréhensibles, plus spécialement de ceux qui se servent du réseau Internet et des outils numériques à des fins de divulgation des secrets de correspondance qui consistent des actes de cybercriminalité.
Il en est de même de cas des actes criminels de diffusion publique en ligne, comme la sextorsion (par chantage ou extorsion à travers des éléments à caractère sexuel), les revanches pornographiques (par large diffusion des sextapes), la production ou la participation scénique à la pédopornographie, la falsification des documents officiels par des logiciels spécifiques, le montage d’images, notamment par photoshop ou autres dans le but de nuire.
Au regard des moyens modernes d’investigation et de l’arsenal juridique congolais à sa disposition, le ministère de la Justice appelle sa politique criminelle de tolérance zéro et instruit le Parquet à s’activer dans la répression de toutes ces antivaleurs relevant de la cybercriminalité. Le ministère met, par ailleurs, en garde les auteurs ainsi que les citoyens-cyberconnectés qui y participent et rappelle que tous ces actes décriés feront désormais l’objet des poursuites pénales.
Aussi, en appelle-t-il à toutes les institutions de l’État en vue de préposer des personnes fiables et professionnelles pour la bonne tenue du circuit de traitement des courriers officiels.
Aller au-delà
Tout ceci est bon, mais le VPM de la Justice doit envisager la question dans le contexte d’un secteur en pleine évolution pour s’accommoder à la situation générale dans le monde.
De ce fait, la RDC avait déjà pris une avance importante dans le secteur avec le vote de deux lois : la première sur les télécommunications et l’autre sur la cybercriminalité. Ces textes de lois débattus et votés par les deux Chambres du Parlement avaient été envoyés au président de la République sous le régime Kabila pour promulgation. Hélas ! Ces textes ne sont jamais sortis des tiroirs de la présidence de la République. Ils y ont été retenus par un groupe de collaborateurs de l’ancien président de la République qui voulaient continuer à gérer l’Autorité de régulation des postes et télécommunications (ARPTC), au nom de l’institution « président de la République ».
La loi sur les télécommunications avait notamment intégré des innovations qui feraient que l’ARPTC soit placée sous tutelle du ministère des PT-NTIC, ce qui équivaudrait à leur ôter le beefsteak dans la bouche.
Aujourd’hui, vouloir régir le secteur par une instruction du ministre de la Justice faite au parquet, c’est laisser le champ libre à des contestations face au manque d’un cadre juridique et réglementaire devant régir une bonne fois pour toutes le secteur. D’où la nécessité de dépoussiérer ces lois gardées au frais dans les tiroirs de la présidence de la République, en dépassant le simple cadre des intérêts immédiats et partisans d’un groupe d’individus.
Et, c’est le pays qui paie les conséquences des intérêts individuels. La RDC est hors compétition dans le concert des nations qui ont su adapter leur législation dans le secteur des Ntic. Le pays est encore régi par une loi quasi-obsolète de 2002 avant même le référendum constitutionnel de 2005 qui place le président de la République au-dessus de la mêlée dans la gestion courante. Et pourtant, l’ARPTC qui est génératrice des recettes dans la régulation des postes et télécommunications, est encore attachée à l’institution « président de la République ».
La loi-cadre n°013-2002 du 16 octobre 2002 est dépassée parce que ne reprenant pas notamment des définitions techno-juridiques et la notion des télécommunications avec celle des technologies de l’information et de la communication. C’est donc une loi limitée à un contexte de convergence des réseaux et des services.
Face donc au silence du droit pénal congolais face à la cybercriminalité, la RDC est appelée à se mettre au diapason des États civilisés par une législation qui prend en charge la protection des personnes dans le cyberespace. Faute de quoi, la répression des cybercriminels sera difficile.
(avec lePotentiel)