Covid-19 : Retour au business aux USA as usual ?

Les trois géants de l’automobile de Détroit doivent progressivement reprendre la production en Amérique du Nord à partir de lundi, mais l’inquiétude devrait être palpable sur les chaînes de montage, où il est difficile de pratiquer la distanciation sociale et d’éviter les risques de propagation du coronavirus.

General Motors (GM), Ford et Fiat Chrysler Automobiles (FCA) assurent avoir pris des précautions pour protéger leurs employés alors que l’ouverture des usines automobiles marque une phase cruciale dans le redémarrage de l’économie américaine.

Mais ces garanties sont loin de convaincre tout le monde.

« Je m’attends à ce que ce soit mouvementé », a confié un responsable du puissant syndicat United Auto Workers (UAW) sous couvert d’anonymat.

La date de redémarrage des usines du « Big Three », le 18 mai, coïncide avec le retour à la production de Tesla en Californie après une échauffourée entre son fantasque patron, Elon Musk, et les autorités du comté d’Alameda, où se situe la seule chaîne de montage du groupe aux Etats-Unis (à Fremont).

Le constructeur de véhicules électriques haut de gamme devra respecter de strictes normes sanitaires.

Dans le Michigan, la gouverneure Gretchen Whitmer, sous pression des équipementiers et constructeurs automobiles locaux, a assoupli les mesures de confinement pour permettre la reprise de la production tout en respectant les règles de distanciation.

Après avoir fermé en mars pour combattre le virus, les constructeurs automobiles américains se disent désormais prêts à retourner aux affaires.

« Par-dessus tout, notre priorité absolue est toujours de faire ce qui est juste pour nos employés », a affirmé cette semaine dans un communiqué le patron de FCA, Mike Manley.

« Nous avons travaillé étroitement avec les syndicats pour établir des protocoles garantissant la sécurité au travail de nos employés et la mise en place de toutes les mesures possibles pour les protéger », a ajouté M. Manley.

Protéger les usines

Parmi les changements introduits par FCA figurent l’assainissement de plus de 5 millions de mètres carrés d’espace de production et de nouveaux programmes de désinfection pour respecter les critères d’hygiène. Quelque 4.700 postes de travail ont été modifiés pour permettre la distanciation.

Des contrôles de température et des auto-tests de dépistage sont requis pour tous les employés et visiteurs, le début de la journée de travail sera étalé dans le temps et les horaires de pauses seront changés, afin de renforcer la distanciation. L’ensemble du personnel devra porter des masques et des lunettes de protection, ont détaillé les responsables de FCA.

M. Manley a dit se servir de l’expérience de la réouverture des usines en Chine et en Italie.

GM et Ford ont, eux, annoncé des mesures similaires.

Jim Glynn, vice-président de la sécurité sur le lieu de travail chez GM, a indiqué lors d’une conférence téléphonique que les salariés suivraient un protocole strict au début de chaque journée en remplissant un questionnaire et en se faisant prendre la température.

« Nous n’avons pas eu un seul cas de contamination directe entre employés » lorsque ces règles ont été appliquées dans les usines de GM en Asie et dans celles aux Etats-Unis où sont actuellement fabriqués des équipements médicaux, a assuré M. Glynn.

L’UAW a également demandé à GM, Ford et FCA d’assouplir leur politique sur l’absentéisme pour les salariés qui resteront chez eux ou se mettront en quarantaine s’ils se sentent malades.

Toutefois, aucune de ces entreprises ne testera fréquemment ses employés. Kiersten Robinson, directrice des ressources humaines chez Ford, a expliqué lors d’une conférence téléphonique que son groupe n’avait pas suffisamment de moyens pour des dépistages réguliers.

Est-ce suffisant ?

Ce manque de tests est problématique pour l’UAW, qui n’a finalement pas soutenu le plan de retour au travail de l’industrie automobile.

« Nous resterons vigilants pour protéger la santé et la sécurité de nos membres, leurs familles et leurs communautés », a déclaré dimanche dans un communiqué Brian Rothenberg, un porte-parole de l’UAW.

« Et nous continuerons de plaider pour qu’il y ait autant de tests de dépistage que possible et pour qu’ils soient accessibles à tous », a ajouté M. Rothenberg.

Les réserves du syndicat sont notamment dues au fait que plus de la moitié des salariés de GM, Ford et FCA ont plus de 50 ans. Près de 40 employés de l’industrie automobile américaine sont morts du coronavirus, selon l’UAW.

« Personnellement, je ne suis pas prêt à retourner au travail et j’ai le sentiment qu’ils se précipitent pour nous faire revenir à l’usine, afin de faire des bénéfices au détriment de ceux qui y travaillent », a écrit sur Faceook un salarié anonyme, ajoutant qu’il était « presque impossible » de pratiquer la distanciation dans une usine automobile ayant des objectifs de production ambitieux.

LE PORT DU MASQUE

Le port du masque est devenu un enjeu sensible et politique aux Etats-Unis, à tel point que les compagnies aériennes peinent à l’imposer aux passagers récalcitrants dans l’espace clos de leurs avions.

Johannes Eisele, photographe à l’AFP, en a fait l’expérience. Il a récemment pris place sur un vol d’American Airlines entre l’aéroport de New York LaGuardia et celui de Charlotte-Douglas en Caroline du Nord, coincé entre deux passagers dont l’un ne portait pas de masque.

« Je lui ai demandé s’il n’avait pas de masque et il m’a répondu qu’il en avait un (…) mais qu’il se sentait plus à l’aise sans », raconte-t-il.

« Je lui ai dit que je me sentirais plus à l’aise s’il le portait mais il m’a rétorqué: garde tes peurs pour toi! »

Le vol étant plein, Johannes Eisele n’a pas pu changer de siège.

C’était juste avant le port du masque obligatoire sur tous les vols aux Etats-Unis entré en vigueur lundi pour éviter la propagation du coronavirus.

Officiellement, n’en sont dispensés que les passagers ayant une raison médicale ou les très jeunes enfants.

Les consignes sont claires, souligne-t-on chez American Airlines et chez United Airlines: si un client se présente à l’embarquement sans masque, il ne peut pas monter dans l’avion.

Mais le problème reste entier une fois que l’appareil a décollé. Et les compagnies ont, semble-t-il, décidé qu’en dernier ressort, les passagers pouvaient rester le visage découvert.

« Si pour une raison quelconque cette réglementation perturbe un vol, nous conseillons à nos navigants d’utiliser leur savoir-faire en matière de désamorçage d’un conflit », a expliqué à l’AFP une porte-parole de United.

« Ils ont aussi la possibilité d’attribuer un autre siège dans l’avion si nécessaire », a-t-il ajouté. Encore faut-il que l’avion ne soit pas plein.

« Nous n’attendons pas de nos employés qu’ils contrôlent le comportement de nos clients », a expliqué à l’AFP un porte-parole de Southwest Airlines.

Dans les faits, les navigants n’ont pas de pouvoir de coercition. Aucun policier ne va attendre le passager récalcitrant à l’arrivée, a indiqué à l’AFP une source proche de Delta Airlines.

« Discrétion »

Une note interne d’American Airlines, envoyée à l’AFP, donne la marche à suivre aux équipages.

Si un client choisit de se soustraire à cette obligation pour d’autres raisons que médicale ou religieuse, « veuillez l’encourager à s’y conformer, sans aggraver » l’incident, ajoute cette note.

Même chose pour un client « frustré » de voir son voisin sans protection faciale: les navigants sont appelés à faire preuve de discernement « pour désamorcer la situation ».

« Durant la pandémie, nous devons en partie compter sur le bon sens et la responsabilité » des gens, a également souligné le porte-parole de Southwest, laissant entendre qu’il n’était pas possible d’obliger un client à se conformer à cette réglementation.

Bref, face à ce profond antagonisme, les compagnies ont choisi la voix de la conciliation au risque d’avoir des passagers sans masque.

« Je pense que c’est totalement irresponsable. Si une personne ne porte pas de masque, elle devrait être arrêtée », opine Jonathan Metzl, professeur de sociologie et de psychiatrie à l’université Vanderbilt à Nashville.

« Symbole politique »

Ne pas vouloir porter de masque dans sa voiture est une chose mais dans un transport public, qui plus est, clos, en est une autre, résume-t-il.

Et d’incriminer le comportement de l’hôte de la Maison Blanche.

« Le président Trump et les républicains ont réussi à faire du masque un symbole politique qui a des liens étroits avec la xénophobie, le racisme et d’autres facteurs », dit-il.

Ils rallient « essentiellement » leur base en suggérant que le port d’un masque est « un signe de soumission » ou que les gens portant des masques sont « faibles ».

Beth Redbird, de l’université Northwestern, mène depuis début mars une étude sur le comportement des Américains pendant la pandémie.

« Ceux qui sont sceptiques vis-à-vis de Donald Trump sont en faveur de la distanciation sociale » qui comprend le masque, dit-elle. « Les indépendants qui soutiennent Donald Trump y sont sceptiques », ajoute-t-elle.

Jeudi, le président de la commission des Transports de la Chambre des représentants, le démocrate Peter DeFazio, a appelé les compagnies à redoubler d’efforts en matière de distanciation sociale, les exhortant expressément à maintenir « une largeur de siège entre les passagers ».

DES TAPIS ROUGES À L’ÉPREUVE DES VIRUS ?

Les tapis rouges et leurs stars étincelantes devant les objectifs étaient jusqu’ici un passage obligé pour assurer la promotion des films à gros budget dont Hollywood a le secret.

Problème depuis la pandémie de coronavirus : cette foule d’assistants, journalistes, vigiles et fans au coude à coude est aussi un cauchemar pour la distanciation physique.

Alors que la Californie commence doucement à assouplir les mesures de confinement décrétées voici deux mois, les experts en marketing du cinéma débordent d’idées pour dérouler à nouveau ces fameux tapis rouges sans risque de propager le coronavirus.

« Avant, il s’agissait d’attirer l’attention le plus possible, de faire venir de grandes foules et de partager l’événement avec un maximum de gens », résume Elizabeth Tramontozzi, de 15|40 Productions, l’une des plus importantes sociétés d’événementiel d’Hollywood.

« Si on veut pouvoir aller de l’avant, ça sera radicalement différent », déclare-t-elle à l’AFP.

Sa société, qui avait notamment construit un impressionnant décor de « Game of Thrones » à New York pour l’ultime épisode de la saga télévisée, a mis à profit huit semaines de confinement pour imaginer des concepts compatibles avec la pandémie.

Parmi l’arsenal anti-Covid-19, des écrans de plexiglas pourraient être dorénavant dressés entre les journalistes et les stars, qui seraient aussi interviewées à distance dans des « capsules » isolées. Les fans pourraient toujours leur crier leur admiration, mais uniquement sur pré-sélection et par écran interposés.

L’armada de proches et d’assistants qui accompagnent traditionnellement les vedettes seraient quant à elles priées de contourner le tapis rouge en empruntant des « voies prioritaires ».

Dans les cinémas projetant les films en avant-première, la distanciation sociale sera bien sûr de mise. Les spécialistes envisagent la possibilité de prendre la température de tous les invités et les fans seraient tenus à l’écart.

« Nous devons nous retrancher d’abord, pour éviter que des gens ne se rassemblent sur les trottoirs pour regarder », a déclaré le président de 15|40, Craig Waldman.

Avec la distanciation sociale, le tapis rouge « sera juste un petit peu plus large et un petit peu plus long », a-t-il assuré.

Premières « drive-in »

Même avec la mise en oeuvre de ces mesures inédites, les spécialistes n’imaginent pas de sitôt organiser les exubérantes fêtes d’après projection, avec leurs bars et buffets bondés.

Alors que les géants du streaming comme Netflix ou Amazon sont devenus les rois du confinement et continuent les sorties comme si de rien n’était, les « tours de presse » virtuels au cours desquels les stars enchaînent les interviews via internet sont de plus en plus populaires.

15|40 a même créé un studio mobile dans une caravane, qui peut passer d’un domicile d’acteur à un autre et être redécorée au gré des films ou séries dont la promotion doit être assurée.

La société a aussi imaginé des soirées de lancement sous forme de « drive-in », dans des voitures en plein air, où les célébrités prendraient place au premier rang pour interagir avec leurs fans via une liaison vidéo.

Il n’y a toutefois pas de solution miracle et la plupart des grosses productions hollywoodiennes prévues cette année ont repoussé leur date de sortie en attendant la réouverture des cinémas.

Même si les paillettes et le champagne pourraient être mal vus dans une période où les morts s’accumulent et où le chômage flambe, Craig Waldman estime que la plupart des gens « sont fatigués de rester chez eux ». Même des tapis rouges sous cloche et des premières virtuelles seraient les bienvenus pour des fans en manque, dit-il.

Le premier test grandeur nature devrait être « Tenet », thriller à gros budget de Christopher Nolan (« Inception », trilogie Batman « The Dark Knight »), réalisateur bien décidé à être le premier à revenir dans les salles de Hollywood.

La date de sortie officielle de « Tenet » est d’ailleurs toujours le 17 juillet jusqu’à nouvel ordre.

« J’espère vraiment que ça va avoir lieu (…) Nous avons passé beaucoup de temps à faire un environnement sécurisé pour le studio, pour la presse et pour les artistes », lâche Craig Waldman.

(avec Afp)

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