Réouverture des écoles : Craintes face à une épidémie toujours active en France

Enjeu majeur du déconfinement, des milliers d’écoles ont rouvert leurs portes mardi en se pliant à un protocole sanitaire inédit, un redémarrage salué comme une « amorce » par l’exécutif mais qui suscite de nombreuses craintes face à une épidémie « toujours active ».

Avec cette décision contestée par des scientifiques et certains élus, le gouvernement poursuit la levée du confinement, qui a débuté lundi et a franchi mardi une autre étape avec le feu vert gouvernemental à l’installation des conseils municipaux élus au premier tour du scrutin du 15 mars.

Port du masque recommandé pour les enseignants, respect des gestes barrières… : face aux inquiétudes des enseignants et des familles, les écoles maternelles et primaires ont totalement chamboulé leurs règles pour accueillir mardi leurs premiers élèves en près de deux mois.

« Il y avait un marquage au sol. Les enfants étaient accueillis à l’entrée de l’école par la directrice, et à l’intérieur, tous les adultes étaient masqués », raconte David Lewkowicz, 38 ans, qui a finalement renoncé à porter lui-même un masque en accompagnant sa fille de 6 ans dans son école à Marseille.

A Saint-Georges-de-Mons, commune rurale du Puy-de-Dôme de 2.000 habitants, une enseignante masquée tentait, elle, de rassurer des enfants un peu impressionnés, tout en rappelant les consignes aux parents. « Non, vous ne pouvez pas entrer », expliquait-elle à une mère de famille.

Ardent défenseur de cette réouverture limitée et encadrée, le ministre de l’Education, Jean-Michel Blanquer, a salué une « amorce » qui doit permettre de relancer la machine avant la réouverture de certains collèges la semaine prochaine.

Il est « très important de nous remettre en route, à commencer par nos enfants qui ont besoin de ça », a-t-il souligné lors d’un déplacement dans une école de Palaiseau (Essonne).

Rencontrée dans une autre école de cette ville, Raphaelle, 5 ans, ne cachait pas son plaisir : « Je suis contente parce que je retourne à l’école. Ce qu’on peut plus faire… eh ben, on ne pourra plus jouer au toboggan plus faire de corde à sauter ».

Pour tenter d’apaiser les esprits, l’exécutif a laissé aux parents le choix de ramener ou non leurs enfants à l’école lors de cette rentrée très particulière, qui s’échelonnera tout au long de la semaine et concernera potentiellement 1,5 million d’élèves.

« Opacité organisée »

Pas de quoi rassurer les syndicats qui dénoncent une décision « prématurée » et rappellent que le conseil scientifique chargé d’éclairer le gouvernement s’était lui-même prononcé pour la fermeture des établissements jusqu’en septembre.

Certains parents exprimaient eux aussi leur inquiétude alors que l’épidémie, qui a fait 26.643 morts en France, continue de circuler.

« Je suis un peu sceptique, je pense que c’est trop rapide, qu’il aurait fallu un laps de temps pour faire rentrer les enfants. On entend tellement de choses, les gens sont pas rassurés », témoignait Barbara Ramassamy, qui n’avait pas d’autre choix que de ramener sa fille à l’école mardi.

Les inquiétudes sont d’autant plus vives que l’épidémie reste « active et évolutive » en France malgré le reflux des admissions en réanimation, a insisté la Direction générale de la Santé lundi soir.

Avec le début du déconfinement, les autorités redoutent une deuxième vague épidémique et gardent un oeil sur l’Allemagne ou la Corée du Sud qui ont dû rétablir des restrictions après de nouveaux cas de contamination. Le « Monsieur déconfinement » du gouvernement, Jean Castex, a d’ailleurs prévenu qu’un « reconfinement en urgence » (devrait) être anticipé ».

Malgré ces craintes, les conseils municipaux élus au premier tour des élections du 15 mars, dont le maintien en pleine épidémie avait été durement critiqué, pourront commencer à siéger, a décidé le gouvernement.

L’exécutif considère que l’état d’urgence sanitaire, récemment prolongé, permet de conjuguer le respect « des préconisations » des scientifiques et l’installation des nouveaux conseils municipaux dans plus de 30.000 communes.

Si la stratégie de déconfinement reste critiquée, notamment au RN qui dénonce « une opacité organisée », le gouvernement a lui assuré que la levée de certaines restrictions de déplacement lundi se déroulait sans accrocs majeurs, notamment en Ile-de-France.

« il y a eu quelques difficultés ponctuelles mais il n’y a pas du tout eu d’incident majeur que ce soit en Ile-de-France ou en région », a affirmé mardi la ministre de la Transition écologique Elisabeth Borne.

UNE DRÔLE DE RENTRÉE PRÈS DE RENNES

Leur enfant à la main, quelques parents cheminent dans la cour, vers la grande section de maternelle d’Anne Bourreau en suivant des flèches au sol. A Bruz, ancien « cluster » de coronavirus, l’ambiance était feutrée mardi matin pour une drôle de rentrée.

« C’est surréaliste, ce n’est pas du tout dans l’ADN de la maternelle d’avoir des enfants qui se tiennent espacés les uns des autres, restent assis à leur table et ne partagent pas d’objets », reconnaît Grégory Bouvier, directeur de l’école maternelle du Champ l’Evêque à Bruz (Ille-et-Vilaine), près de Rennes, qui accueille habituellement 174 enfants.

« Cela a été une grosse organisation de préparer cette rentrée », témoigne-t-il. « Dès qu’on trouvait une solution, on avait une nouvelle contrainte, alors on est content aujourd’hui d’être dans le réel ».

De mémoire d’enseignant, jamais rentrée scolaire n’a aussi peu ressemblé à celle-là. Sur les 18 élèves d’Anne Bourreau, seuls quatre des six prévus sont assis à leur table.

En mars, l’école avait dû fermer avant les autres après la découverte d’un foyer de contamination au coronavirus chez dix enseignants d’une autre école. Deux mois plus tard, deux tiers des parents ont souhaité voir leur bambin reprendre le chemin de l’école, à raison de deux jours par semaine.

« On avait fini par épuiser tous les jeux et je pense que Simon avait besoin de retrouver ses copains », témoigne Josselyn Droff, premier arrivé avec son fils.

« On a révisé hier soir les gestes barrière avec Anouk », confie Stéphanie Gey. Cette mère de trois enfants avoue ressentir « une certaine liberté » à les voir reprendre l’école. « Cela va leur faire du bien », assure la quadragénaire.

Après s’être lavé les mains sous l’oeil vigilant d’une atsem (agent territorial des écoles maternelles), les enfants se sont assis sur une chaise à leur nom, blouson sur le dossier, pour colorier le dessin donné par la maîtresse. « Il n’y a plus de jouets, c’est bizarre. J’ai très envie de revoir Axelle », lance Lylwenn, 5 ans et demi.

Rituels bousculés

Pour respecter les consignes sanitaires, les coins bibliothèque, cuisine et jeux de construction, ainsi que les bancs, ont disparu. « J’ai fait des petits îlots de trois tables par élève pour former un cercle de manière à ce qu’ils se voient », explique l’enseignante.

A chaque élève sa boîte de ciseaux, crayons de couleur et feutres, et sa bannette de jeux. Matériels et jouets seront désinfectés à l’issue des deux jours de classe.

« On a vérifié les points d’eau, organisé la désinfection, fourni du gel, mais on n’a pas eu de consignes supplémentaires en tant qu’ancien +cluster+ », explique Sylvie Briend, première adjointe au maire.

Des photos représentant les étapes d’un lavage de mains réussi sont fixées au-dessus du tableau. Après deux mois de confinement, les petits rituels du matin sont quelque peu bousculés avec 24 étiquettes d’élèves absents à coller au tableau.

Autre rituel bousculé, celui de la récré, coupée en deux pour que les enfants puissent se dégourdir les jambes plus souvent. La grande structure de jeux est entourée de barrières et il ne reste plus à leur disposition qu’une roue et des cerceaux. Tous les jeux seront ensuite désinfectés.

« Quand on s’est quittés, c’était quel mois ? », « Tu te rappelles de Bafodé, c’est un garçon ou une fille ? », interroge la maîtresse, masque chirurgical sur le visage. Elle souhaite les faire raconter leurs deux mois de confinement.

« Je suis très, très contente de retrouver mes élèves, même si ça fait une drôle d’impression. Je n’ai jamais connu de classe aussi calme », témoigne l’enseignante, pour qui « ça n’a pas toujours été facile au début du confinement, seule devant [son] ordinateur ».

« Simon, tu as fait des progrès en coloriage, Lylwenn, tu écris ton prénom en attaché… Il y en a qui ont pris un peu d’avance, même sans venir à l’école », s’étonne Mme Bourreau.Pour elle, il est « évident que l’écart qu’il y avait avant entre les élèves sera encore accentué ». « Certains élèves en seront là où je les ai laissés en mars ».

(avec Afp)

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