Vladimir Poutine a célébré samedi une Russie « invincible », lors des commémorations de la victoire sur l’Allemagne nazie, une cérémonie sans faste et ni grand défilé militaire en raison de la pandémie de coronavirus. La Russie a entamé à son tour mardi un prudent assouplissement de ses mesures de confinement.
Le 9 mai, avec sa grandiose parade d’armements, symbolise d’ordinaire la politique étrangère offensive du président russe qui a orchestré ces dernières années le retour de la puissance de son pays sur la scène internationale.
Cette fois-ci, s’exprimant sous une fine pluie après avoir déposé des roses devant la flamme du soldat inconnu au pied du Kremlin, M. Poutine a salué dans un discours bref et sobre la mémoire des vétérans, sans évoquer directement l’épidémie, qui progresse en Russie.
« Nous rendons un hommage éternel à la grande prouesse sacrificielle du peuple soviétique », a dit Vladimir Poutine, qui a fait du 9 mai un élément charnière de sa politique de grandeur et du patriotisme qu’il prône.
Unis et invincibles
« Nous savons et nous avons fermement la foi d’être invincibles lorsque nous sommes unis », a-t-il ajouté, avant une minute de silence.
Les soldats en uniformes d’apparat présents se tenaient à bonne distance du chef de l’Etat, qui est confiné dans sa résidence en banlieue de Moscou depuis plusieurs semaines.
S’exprimant ensuite devant des militaires à l’intérieur des murs du Kremlin, M. Poutine a promis que « tous les plans de développement de l’armée et de la flotte seront réalisés » et qu’elles seront dotées « des équipements les plus modernes, malgré la crise économique due au nouveau coronavirus.
Les commémorations de la défaite nazie se sont donc déroulées samedi sans défilé sur la place Rouge, sans foules dans les rues et sans parterre de dirigeants étrangers entourant Vladimir Poutine.
Seule la partie aérienne de la parade a été maintenue avec des dizaines d’avions et d’hélicoptères survolant Moscou. Au-dessus de la place Rouge, une escadrille a dessiné avec des fumigènes le drapeau russe dans le ciel.
M. Poutine a dès lors promis que le pays marquera à une date ultérieure « de manière appropriée » sa victoire dans la Seconde guerre mondiale, où ont péri quelque 27 millions de Soviétiques.
Pendant des semaines, le Kremlin avait hésité à maintenir les festivités avant de les reporter face à l’aggravation de l’épidémie. La Russie comptait samedi plus de 198.000 cas confirmés et 1.827 morts, dont plus de la moitié à Moscou qui a prolongé son confinement jusqu’au 31 mai.
A cause de la pandémie, le président a dû reporter aussi sine die un autre événement qui lui tenait à coeur: le référendum constitutionnel devant lui ouvrir la voie à un possible maintien au pouvoir jusqu’en 2036.
Pour remplacer le défilé du « Régiment immortel », qui réunit d’ordinaire des centaines de milliers de personnes tenant des portraits de vétérans, les Russes ont été invités à sortir dans la soirée sur les balcons avec des photos de proches ayant combattu et à chanter une célèbre chanson soviétique.
Vladimir Poutine a déclaré qu’il rejoindrait « avec plaisir » cette initiative, sans dire encore comment.
Bataille mémorielle
Le président russe a placé ces dernières années le rôle de l’URSS dans la défaite nazie au coeur d’un discours de puissance et de prestige, ouvrant une bataille de mémoire avec les Occidentaux, que Moscou accuse de minimiser le rôle soviétique dans la victoire.
Le défilé du 9 mai symbolise généralement donc aussi la politique étrangère offensive de Vladimir Poutine.
Ce retour russe s’est fait pour les Occidentaux au mépris du droit international, avec l’annexion de la Crimée ukrainienne en 2014, ou au prix de bombardements meurtriers en Syrie où Moscou est intervenu militairement en 2015.
Mais en inversant le cours de la guerre et en permettant à Bachar al-Assad de rester au pouvoir, Moscou s’est positionné comme un interlocuteur incontournable au Moyen-Orient.
Le Bélarus, dont le président Alexandre Loukachenko dénonce régulièrement le nouveau coronavirus comme une « psychose », a pour sa part maintenu sa parade à Minsk.
Devant une foule de spectateurs, 4.000 soldats et des dizaines d’engins militaires ont défilé. L’Organisation mondiale de la santé avait pourtant appelé à y renoncer afin de ne pas « risquer des vies humaines ».
UN PRUDENT DÉCONFINEMENT
La Russie a entamé à son tour mardi un prudent assouplissement de ses mesures de confinement face à la pandémie du coronavirus, qui menace toujours de repartir dans certains pays et face à laquelle l’Organisation mondiale de la Santé recommande une « extrême vigilance ».
Chaque région russe peut ainsi lentement lever certaines restrictions – ouverture des salons de beauté, des parcs etc. – en fonction de sa situation épidémiologique, du nombre de lits et de respirateurs disponibles mais Moscou, principal foyer de l’épidémie avec 121.301 cas détectés, a prolongé son confinement jusqu’au 31 mai.
Comme de plus en plus d’habitants du globe, le port du masque et de gants est désormais obligatoire dans les transports publics de la capitale russe.
Face à une catastrophe sanitaire mondiale qui a fait au moins 284.000 morts et affecté plus de quatre millions de personnes, selon un bilan de sources officielles sans doute largement sous-estimé, tous les pays tentent de définir le difficile équilibre entre mesures destinées à enrayer la propagation de la maladie et décisions propres à relancer des économies affectées par une crise sans précédent.
Verre en main
Mardi Singapour a aussi autorisé certains commerces et entreprises à rouvrir, dont les salons de coiffure.
« Je sais que certains peuvent ne pas s’être coupé les cheveux depuis un certain temps, mais il n’y a pas besoin de se précipiter chez son coiffeur le 12 mai », disait à la presse quelques jours auparavant le ministre du Développement national Lawrence Wong.
En Inde, une trentaine de trains vont commencer mardi à circuler entre la capitale New Delhi et certaines grandes villes, avec les précautions d’usage : port obligatoire d’un masque, prise de la température corporelle, interdiction de voyager en cas de symptômes.
Première compagnie aérienne à s’engager sur la voie d’une reprise du trafic, la compagnie low-cost irlandaise Ryanair a annoncé mardi la reprise de 40% de ses vols à partir de juillet et la mise en place de mesures sanitaires comme le port de masques et des prises de température pour les voyageurs et le personnel de bord, mais sans imposer la distanciation sociale.
La veille, la France et l’Espagne, notamment, avaient elles aussi assoupli les mesures de confinement de leurs populations, éprouvées par des semaines d’isolement.
A Paris, ils étaient si nombreux à fêter ça, verre en main, sur les berges d’un canal dans le centre-ville que les autorités se sont empressées d’y interdire la consommation d’alcool jusqu’à nouvel ordre.
La maire de la ville a demandé mardi que le port du masque, pour l’instant obligatoire dans les transports en commun, soit étendu à « toutes les rues de la capitale française ».
En Espagne, ils étaient nombreux à éprouver la joie de retourner dans des bars, avec des mesures d’hygiène strictes. « On a toujours peur d’attraper le virus, de contaminer nos proches, mais il faut sortir dans la rue, il faut vivre à nouveau », affirmait Marcos Rodriguez à Tarragone, sur la côte méditerranéenne.
Pour éviter des contaminations venues de l’étranger, les autorités espagnoles ont décidé mardi que les personnes arrivant en Espagne depuis l’étranger seront soumises à une quarantaine de 14 jours, à partir de vendredi et pendant toute la durée de l’état d’urgence, en vigueur jusqu’au 24 mai mais qui pourrait être prolongé.
« L’évolution favorable de la situation épidémiologique dans notre pays et le début du déconfinement demandent un renforcement des mesures de contrôle », a expliqué le gouvernement.
Mais, faute de traitement ou de vaccin, que tentent de mettre aux point les laboratoires du monde entier, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a rappelé lundi qu’une « extrême vigilance est nécessaire ».
Le responsable des questions d’urgence sanitaire de l’organisation, Michael Ryan, a regretté que « certains pays », qu’il n’a pas nommés, aient choisi de « fermer les yeux et avancer en aveugle » vers le déconfinement, sans avoir identifié les foyers de contamination ni préparé de capacités hospitalières suffisantes.
« Si la maladie persiste à un faible niveau dans des pays qui n’ont pas la capacité d’étudier les foyers, de les identifier, le risque existe toujours que la maladie reparte », a-t-il prévenu.
Manque de tests
En Chine, la ville de Wuhan, où est apparu le virus en décembre, va entreprendre de tester l’ensemble de ses onze millions d’habitants, ont rapporté mardi des médias, même si cette information n’a pour l’instant pas été officiellement confirmée.
Dans l’Etat de New York aux Etats-Unis, le déconfinement va commencer à compter de vendredi, sauf dans un endroit, la métropole de New York.
La maladie (Covid-19) y fait toujours des ravages. Le quart des quelque 80.000 décès du pays y ont recensés, et d’après une étude publiée lundi par les Centres américains de prévention et de lutte contre les maladies (CDC), la surmortalité de mars et avril montre que les chiffres sont vraisemblablement inférieurs de plusieurs milliers à la réalité.
Ce n’est pas spécifique à la plus grande ville américaine: le manque de tests fait que presque partout, les bilans sont incomplets.
Le président Donald Trump, testé tous les jours, commence à se méfier. Limiter les contacts avec son vice-président Mike Pence, dont la porte-parole a été touchée par le virus, « c’est quelque chose dont nous allons probablement parler, durant cette période de quarantaine », a-t-il dit lundi.Il semblait confirmer ainsi des informations de presse selon lesquelles M. Pence s’est placé à l’isolement.
(avec Afp)