A la prison centrale de Makala, la mise en scène a indiqué à quelle sauce V. Kamerhe, S. Jammal, Muhima et consorts vont manger le contribuable congolais le 25 mai. Pas de surprise, donc, si le procès dure relativement longtemps. En cause : la stratégie de «tout nier en bloc». Illustration. (1) M. Jamal, connaissez-vous M. Kamerhe ? Je connais plusieurs personnalités congolaises mais Kamerhe, non. (2) M. Jamal, connaissez-vous M. Kamerhe ? Je connais plusieurs personnalités congolaises mais Kamerhe, non. Alors, connaissez-vous le conseiller Muhima ? C’est la première fois que je le vois. Au fait, je ne gère pas le personnel pour connaître physiquement tous les collaborateurs du cabinet du chef de l’Etat. (3) M. Muhima, quel est votre rôle dans ce dossier ? Je suis chargé de la logistique à la Présidence. En cette qualité, j’ai reçu du dircab Kamerhe un ordre de mission et des frais y afférents pour suivre le dossier des maisons préfabriquées que devait livrer M. Jamal. Je me suis ainsi rendu à Mombasa, au Kenya, d’où j’ai ramené une partie des containers. C’est clair. L’avant-goût du procès qualifié «de réhabilitation de la justice» par les uns, et de «procès historique contre l’impunité» par les autres, exhale l’odeur d’une offensive de dénégation bétonnée. Pour le Procureur, cependant, il s’agit de retracer le parcours des dizaines de millions de dollars effectivement sortis du trésor mais pour des chantiers virtuels. Et les récupérer. N’eut été la clameur publique, qui a violemment interpellé le chef de l’État pour exiger la finition des sauts-de-mouton, particulièrement à Kinshasa, le procès Kamerhe & consorts n’aurait jamais eu lieu. Carles prédateurs sans foi auraient bénéficié de l’impunité offerte en guise de solidarité par les régimes précédents.
VITAL KAMERHE : « JE N’ÉTAIS PAS LE SEUL SUPERVISEUR »
Il n’était pas le seul superviseur du Programme d’urgence dit de «100 jours» du Président Félix Tshisekedi. Mais il s’est retrouvé seul à la barre, à l’ouverture lundi 11 mai, du procès de détournement présumé des fonds du trésor public, débloqués pour financer les travaux dudit programme. Il s’agit de Vital Kamerhe Lwakaningi, directeur de cabinet du Chef de l’Etat, en détention préventive depuis plus d’un mois, au Centre pénitentiaire et de rééducation de Kinshasa (CPRK).
Des Congolais d’ici et d’ailleurs sont restés scotchés à leurs petits écrans, pour suivre la première audience foraine, retransmise en direct sur la Radiotélévision nationale congolaise (RTNC), du procès des personnes arrêtées dans le cadre de l’enquête sur le détournement supposé, de plusieurs millions de dollars américains, décaissés pour les travaux du Programme d’urgence de 100 jours du Président Félix Tshisekedi, officiellement lancé le 2 mars 2019.
« Je n’étais pas le seul superviseur de ce Programme initié par le Président de la République », précise Vital Kamerhe, Interrogé par les juges du Tribunal de grande instance de Kinshasa Gombe, siégeant en audience foraine. Barbe blanche courte, chemise bleue manches courtes au col jaune, tenue officielle du prisonnier de l’ex-Prison centrale, Vital Kamerhe n’entend pas porter seul, le lourd fardeau du contrôle des travaux du Programme de son Chef. Bien au contraire. Il y avait toute une équipe de supervision et de coordination mise en place.
« Nous étions 9 superviseurs. Il y avait le dircaba Kolongele Eberande, le ministre des Finances, le gouverneur de la Banque centrale du Congo, le ministre du Budget de l’époque, les représentants de la Primature. La coordination des travaux était assurée par Nicolas Kazadi, ambassadeur itinérant du Chef de l’Etat. En tant que directeur de cabinet, je suis intervenu au nom du président de la République Félix-Antoine Tshisekedi pour que ce programme se fasse et que nous puissions répondre au besoin de la population congolaise », postule Vital Kamerhe, visiblement confiant.
S’agissant des rapports entre lui et le prévenu Samih Jammal, ressortissant libanais et patron de l’entreprise SAMIBO Sarl qui avait gagné le marché de fourniture de 3000 maisons préfabriquées, Vital Kamerhe dit n’avoir jamais connu cet opérateur économique. Quant aux relations avec le prévenu Muhima, chargé d’import-export à la Présidence, Vital Kamerhe atteste qu’il ne connait ce dernier que de nom. « Le modèle de notre administration n’exige pas de contact physique direct avec les autres membres. Nous agissons par voie d’annotations sur les dossiers ».
SE BATTRE A ARME EGALE
A l’ouverture de l’audience d’hier, consacrée à la fixation du dossier ou confirmation des faits à charge des prévenus, le Conseil de Vital Kamerhe a soulevé un problème de fond handicapant la poursuite normale de l’instruction. La défense dit ne pas avoir accès au «container des dossiers» en possession du Ministère public, en rapport direct avec l’affaire au procès.
Evitant d’être surpris par certains éléments du dossier, que seul détiendrait le Ministère public et qui les brandirait opportunément, la partie défenderesse dit avoir adressé, en date du 4 et du 8 mai courant, une correspondance à cette institution de l’Etat chargée des poursuites dans les affaires pénales, pour demander la levée copie de tous les dossiers à sa disposition. Mais, jusqu’à l’ouverture du procès hier, le Conseil de Vital Kamerhe regrette que leur requête n’ait obtenu aucune réponse.
« Il faut absolument que nous ayons tous les éléments en possession du ministère public. Nous ne sommes pas là pour amuser la galerie. Nous devons donner l’occasion à notre Justice de bien faire son travail », plaide Me Kabengela, l’un des avocats de Vital Kamerhe.
Evitant ainsi d’être pris au dépourvu dans une affaire où le dircab du Chef de l’Etat est, à ce stade, la seule sinon la principale personnalité politique mise en cause, la défense a sollicité et obtenu le renvoi, à une date certaine, de la prochaine audience. C’est dans ces conditions que le Tribunal a levé l’audience foraine d’hier, pour fixer celle à venir à la date du 25 mai. Soit dans deux semaines. Le temps pour les avocats des prévenus Vital Kamerhe et Samih Jamal de rassembler toutes les pièces injectées dans le dossier et de s’en imprégner, afin de se battre à arme égale avec le Ministère public.
En attendant la reprise du procès le lundi 25 mai, le Conseil du maestro du parti Union pour la nation congolaise (UNC), a sollicité hier lundi, devant la chambre de conseil, la mise en liberté provisoire de leur client. La suite à cette demande sera connue aujourd’hui mardi 12 mai. Ainsi, le sort de Vital Kamerhe reste suspendu à la délibération de ladite chambre. Celle-ci devra se prononcer soit, pour le maintien en prison, du prévenu susnommé, soit pour sa liberté conditionnelle.
Vital Kamerhe est en détention provisoire depuis le 8 avril 2020 à l’ex-Prison centrale de Makala. Il est poursuivi pour enrichissement illicite, blanchiment des capitaux, détournement présumé des deniers publics et corruption avérée. Des faits qui rentrent dans le cadre de l’exécution des travaux du Programme d’urgence de 100 jours du président Félix-Antoine Tshisekedi.
(avec lePotentiel et ForumDesAs)