Avec plus de 73.000 morts aux États-Unis, l’épidémie de coronavirus est « pire » que l’attaque sur Pearl Harbor et les attentats du 11-Septembre, a affirmé mercredi Donald Trump, tandis que l’Europe sort peu à peu du confinement et amorce un début de normalisation avec un symbole fort, la reprise prochaine du championnat de football en Allemagne.
« Ce fut l’attaque la pire à laquelle notre pays a jamais été confronté. C’est pire que Pearl Harbor », a déclaré M. Trump en évoquant l’attaque surprise du Japon contre la base militaire américaine à Hawaï en 1941, qui avait poussé les Etats-Unis à entrer dans la Seconde Guerre mondiale.
« C’est pire que le World Trade Center », a-t-il ajouté, en référence aux attentats du 11 septembre 2001 qui ont fait près de 3.000 morts.
Le président américain s’en est encore pris à la Chine, berceau de la pandémie, en estimant que « cela n’aurait jamais dû arriver ».
Pékin et Washington ont en effet continué leurs échanges d’invectives: le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo a de nouveau affirmé disposer de « preuves significatives » que le Covid-19 s’était propagé depuis un laboratoire de Wuhan, dans le centre de la Chine, même s’il a admis n’avoir « pas de certitudes ».
« Pas de temps à perdre ! »
Le matin même, le pouvoir chinois avait catégoriquement rejeté ces accusations, de même que l’idée -avancée par Washington et soutenue par plusieurs pays occidentaux- d’une enquête internationale.
M. Pompeo « ne peut présenter de preuves » d’une fuite hors de ce laboratoire « parce qu’il n’en a pas », a assuré l’ambassadeur chinois auprès des Nations unies à Genève. « La priorité est de se concentrer sur la lutte contre la pandémie jusqu’à la victoire finale (…). Nous n’avons pas de temps à perdre car il faut sauver des vies », a-t-il dit.
Depuis son apparition officiellement déclarée en décembre à Wuhan, le nouveau coronavirus a fait plus de 260.000 morts dans le monde, selon un bilan très certainement sous-estimé, et a contraint plus de la moitié de l’humanité à rester confinée.
Les Etats-Unis, pays le plus touché, ont encore déploré plus de 2.000 en 24h mercredi, avec un bilan de plus de 73.000 décès au total. Les autres pays les plus affectés sont le Royaume-Uni (30.076 morts), l’Italie (29.684), l’Espagne (25.857) et la France (25.809).
La pandémie semble désormais maîtrisée en Europe, le continent le plus endeuillé, qui a enclenché depuis environ deux semaines un déconfinement progressif et prudent.
Signe de cette évolution, Berlin a donné son feu vert mercredi à la reprise mi-mai de la Bundesliga, interrompue il y a deux mois alors que le coronavirus mettait le sport international au repos forcé. Ce sera le premier championnat majeur de football à redémarrer, mais à huis-clos et avec des mesures d’hygiène et de prévention draconiennes.
Si la France a tiré un trait sur la fin de sa saison, l’Angleterre avec sa Premier League, l’Espagne et l’Italie espèrent reprendre en juin. D’autres pays ont déjà fixé leur date de reprise, dont la Serbie (30 mai), la Croatie (6 juin) ou encore la Turquie (12 juin). Le Portugal se prépare également à la reprise. En Belgique en revanche, les compétitions restent suspendues jusqu’à fin juillet.
Le retour à la normale en Allemagne va au-delà du football. Fort de derniers chiffres d’infection « très satisfaisants », Berlin a décidé mercredi de lever la quasi-totalité des restrictions imposées depuis la mi-mars à la première économie européenne pour freiner la contagion.
« Objectif » atteint
« Nous sommes donc arrivés à un point où nous pouvons dire que nous avons atteint l’objectif de ralentir la propagation du virus », s’est félicitée la chancelière Angela Merkel.
L’accord du gouvernement fédéral avec les régions (Länder) prévoit la réouverture à partir de la semaine prochaine de tous les magasins, y compris ceux de plus de 800 mètres carrés qui restaient encore fermés, et de toutes les écoles.
Restaurants et hôtels vont rouvrir selon les régions à partir de la semaine prochaine.
Exceptions notables: la fermeture des frontières et l’interdiction des grandes manifestations sportives, festives ou culturelles avec du public.
Au Danemark voisin, les autorités sanitaires estiment également que le Covid-19 devrait à court terme disparaître sous l’effet des mesures de confinement, mais elles redoutent toujours une seconde vague de la maladie.
En Belgique, la Première ministre Sophie Wilmès a annoncé la réouverture lundi des commerces non essentiels. Dès dimanche, chaque famille pourra accueillir sous son toit quatre personnes, famille ou amis, à condition qu’elles soient « toujours les mêmes ».
Mais en Espagne, le Parlement a voté la prolongation de l’état d’alerte jusqu’au 23 mai. Un déconfinement « précipité » du pays serait une « erreur absolue, totale et impardonnable », a mis en garde le Premier ministre Pedro Sanchez pour défendre ce régime limitant strictement les déplacements.
En Pologne, l’élection présidentielle qui devait se dérouler le dimanche 10 mai a été reportée à une date ultérieure, à préciser, à cause de la pandémie.
Au Royaume-Uni, le Premier ministre Boris Johnson a été pris à partie mercredi par le chef de l’opposition sur le lourd bilan officiel du Covid-19 dans le pays.
« Comment a-t-on pu en arriver là? », a interrogé le leader du Parti travailliste Keir Starmer, devant une Chambre des communes clairsemée, tout en s’alarmant du nombre de décès qui « grimpe » dans les maisons de retraite. M. Johnson a promis de dévoiler ce dimanche sa stratégie de déconfinement.
Airbnb touché
Sur le plan économique, la Commission européenne a prédit mercredi une récession « historique » dans l’UE cette année, avec une chute record du PIB de 7,7% en zone euro, puis un rebond de 6,3% en 2021.
Sans surprise, les pays où sont attendues les plus fortes récessions sont la Grèce (-9,7%), l’Italie (-9,5%) et l’Espagne (-9,4%), aux économies très dépendantes du tourisme.
Ce secteur, dont dépendent plus de 300 millions d’emplois et 10% du PIB mondial, est l’un des plus durement touchés par la pandémie alors que les grandes capitales occidentales comme Berlin, Paris, Londres ou New York sont désertées par les touristes.
Airbnb, l’une des entreprises emblématiques du tourisme mondialisé, va ainsi se séparer de 25% de ses 7.500 employés.
La situation reste inquiétante en Afrique. Le Tchad va isoler vendredi et pour quinze jours la capitale, N’Djamena, et 22 autres villes pour freiner la propagation du virus.
Au Nigeria, les autorités de l’Etat de Jigawa (nord) enquêtent sur des dizaines de décès survenus dans cette région très pauvre, quelques jours après que l’Etat voisin de Kano a attribué au coronavirus plusieurs dizaines de « morts mystérieuses ».
Le FMI a pour sa part approuvé une aide financière d’urgence au Kenya et à l’Ouganda pour les aider à traverser la crise économique provoquée par la pandémie.
20,236 MILLIONS D’EMPLOIS PRIVÉS DÉTRUITS EN AVRIL AUX USA
Le travail dans le secteur privé s’est effondré en avril en raison des mesures de confinement pour endiguer la pandémie de nouveau coronavirus, avec 20,236 millions d’emplois perdus, selon l’enquête mensuelle de la firme de services aux entreprises ADP publiée mercredi.
Les chiffres sont catastrophiques. Et ils ne reflètent pourtant pas la totalité du mois puisque l’enquête s’arrête au 12 avril, souligne ADP dans un communiqué.
Les analystes tablaient sur 21,5 millions d’emplois perdus en avril contre 149.000 en mars (révisé en nette hausse).
En avril, les pertes d’emplois ont affecté toutes les catégories d’entreprises.
Les petites (moins de 50 salariés) ont ainsi perdu quelque 6 millions d’emplois, les entreprises de taille moyenne 5,26 millions et les grandes entreprises (plus de 500 employés) 8,96 millions.
« Les pertes d’emplois de cette ampleur sont sans précédent », a déclaré Ahu Yildirmaz, co-directeur de l’institut de recherche d’ADP dans un communiqué.
« Le nombre total de pertes d’emplois pour le seul mois d’avril a été plus du double du nombre total d’emplois perdus pendant la Grande Récession », a-t-il souligné.
C’est le secteur des services — avec plus de 16 millions d’emplois supprimés –, qui paie le plus lourd tribut.
La moitié des emplois détruits concerne le secteur des loisirs et de l’hôtellerie.
Les entreprises fabriquant des biens ont perdu 4,2 millions d’emplois, dont plus de la moitié dans la construction et près de 1,7 million dans l’industrie manufacturière, selon le rapport.
Les données d’ADP sont considérées comme un baromètre du rapport sur l’emploi qui doit être publié vendredi par le ministère du travail.
Secteurs privé et public confondus, les économistes s’attendent à 28 millions d’emplois perdus en avril en raison des fermetures généralisées d’entreprises pour contenir le virus.
LE CHEF ERIC RIPERT ROUVRE SA CUISINE
Des centaines de barquettes en plastique à remplir de poulet, riz et chou, pour distribuer aux soignants: en ces temps de pandémie, c’est la nouvelle activité du célèbre restaurant new-yorkais Le Bernardin, un des meilleurs restaurants de poisson au monde.
Mercredi, Eric Ripert, chef d’origine française fort de trois étoiles au guide Michelin New York depuis sa première édition en 2005, a rouvert, pour la première fois depuis le 13 mars, une des cuisines de son restaurant du quartier des affaires de Manhattan.
Depuis quelque temps, il mijotait ce projet de soutien aux soignants, soutenu notamment par l’association caritative World Central Kitchen – fondée par José Andres, autre célèbre chef.
Dorénavant, et potentiellement jusqu’à la réouverture du restaurant qu’il espère pour septembre, c’est cette cuisine de crise qui occupera, du lundi au vendredi, quatre de ses 180 employés au chômage: ils prépareront 400 repas quotidiens, destinés aux soignants venus en renfort pour combattre l’épidémie à New York, et logés dans des hôtels proches du restaurant.
« Pour l’instant, ce qui est important, c’est d’aider la communauté en général, et spécifiquement les docteurs et infirmières. Notre objectif, c’est de le faire bien, de faire en sorte que ces gens qui prennent des risques énormes, voient des choses terribles dans la journée, quand ils rentrent à leur hôtel, qu’ils puissent se reposer un peu dans leur chambre et manger quelque chose qui est plutôt bon », explique M. Ripert, 55 ans, masqué et ganté devant ses barquettes.
Les menus sont déjà arrêtés pour deux semaines: poulet/riz/chou jeudi, après pâtes bolognaises et brocolis mercredi. Suivront couscous, pain de viande, tajine – toujours une protéine avec légumes et « quelque chose de consistant » comme pâtes ou riz, dit-il.
Et après ?
Si l’épidémie ralentit désormais dans la capitale économique américaine, cette dernière reste l’épicentre avec plus de 19.000 morts confirmées ou probables du virus, et aucune date n’a encore été fixée pour le début du déconfinement.
Pourtant, malgré l’absence d’informations sur une possible réouverture, M. Ripert ne peut s’empêcher de songer au Bernardin de l’après-pandémie.
S’il n’envisage pas de tout changer, comme certains chefs étoilés français qui concoctent désormais de très raffinés plats à emporter, « ce ne sera définitivement pas le même Bernardin qu’avant la fermeture », dit-il, avec son léger accent du sud de la France, que 31 ans aux Etats-Unis n’ont pas effacé.
« Le Bernardin était quand même un restaurant de luxe, qui avait trois étoiles au Michelin, on va essayer de continuer à pouvoir créer cette expérience pour nos clients ».
Il faudra plus d’espace entre les tables, réduire le nombre de couverts qui, sans compter les deux salles de réception, pouvaient auparavant atteindre les 120. Et travailler avec force masques, gants et produits désinfectants, souligne-t-il.
Etoiles « pas essentielles »
Mais l’équation économique reste à résoudre pour ce co-propriétaire qui avait l’habitude de voir son restaurant plein, midis et soirs.
M. Ripert, qui depuis le début de l’épidémie poste des recettes simples et bon marché pour ses quelque 600.000 abonnés sur Instagram, ne veut rien révéler de sa comptabilité. Mais au lieu de 180 employés, il pense rouvrir « avec peut-être 40 ou 50 ».
La clientèle étrangère, qui représentait environ 30 à 40% du total, devrait disparaître, au moins tant que les voyages internationaux seront déconseillés.
« Je ne sais pas si on aura beaucoup de clientèle qui viendra d’autres Etats (américains) », ni « si les New-Yorkais vont vouloir sortir et se sentir à l’aise et en sécurité dans un restaurant », dit-il.
Retrouvera-t-il ses étoiles ?
« On va faire le mieux possible, on va travailler pour que nos clients soient heureux, qu’ils passent un bon moment au Bernardin, que nos employés puissent avoir un travail », dit-il. « Puis les étoiles viendront, ou ne viendront pas. Aujourd’hui, ce n’est vraiment pas essentiel, quand on pense qu’on est en train de vivre une crise mondiale ».
Il ne semble pourtant pas douter de la capacité de sa ville d’adoption à rebondir. »On ne va pas rouvrir du jour au lendemain, être plein d’énergie comme nous étions, ça va prendre du temps », dit-il. « Mais New York sera toujours New York, et New York reviendra au niveau où elle était », avec « la créativité et l’énergie » qui la caractérisent.
(avec Afp)