Covid-19 en belge, une femme en tenue d'infirmière.
Covid-19 en belge, une femme en tenue d'infirmière.

Europe : Déconfinement à la merci d’une reprise de la pandémie de nouveau Covid-19

L’Europe, Italie en tête dès lundi, se lance cette semaine dans le déconfinement de ses millions d’habitants, au moment où de l’autre côté de l’Atlantique, le président américain Donald Trump promet un vaccin contre le coronavirus avant la fin de l’année. Plus de 3,5 millions de cas de nouveau coronavirus ont pourtant été officiellement déclarés dans le monde, dont plus des trois quarts en Europe et aux Etats-Unis, selon un comptage réalisé par l’AFP à partir de sources officielles lundi à 03h00 GMT. Mais, encouragées par l’annonce dimanche de 174 décès en Italie en 24 heures, le nombre le plus faible depuis le début du confinement, les autorités italiennes vont entamer un allègement attendu par tous, pour faire repartir une économie mise à genoux par la maladie.

Cette ouverture reste très prudente: pas de commerces de détail, pas de bars ni de restaurants, télétravail encouragé, pas de réunion de famille même s’il sera possible d’aller voir ses proches vivant dans la même région, distanciation sociale maintenue y compris dans les transports, pas de rassemblement, pas de pique-nique au parc…

Les autorités restent toutefois inquiètes face au risque d’une deuxième vague, et elles ne sont pas les seules. « Les nouvelles règles sont plutôt vagues. J’ai peur que ce soit une excuse pour beaucoup pour faire un peu n’importe quoi et aller voir tout le monde, les cousins, les copines… », commente Alessandra Coletti, professeur de 39 ans.

Sauf bien sûr, si les prédictions du président américain se réalisent. « Nous pensons que nous aurons un vaccin d’ici la fin de cette année », a en effet affirmé dimanche Donald Trump lors d’une émission spéciale sur Fox News au sein du Lincoln Memorial, sur le National Mall de Washington.

« Vous ne devriez pas dire ça »

« Les médecins vont dire: vous ne devriez pas dire cela. Je dis ce que je pense », a-t-il ajouté.

Il existe une centaine de projets de vaccins anti-Covid-19 à travers le monde, dont une dizaine en phase d’essais cliniques, selon des données diffusées par la London School of Hygiene & Tropical Medicine.

Les principaux dirigeants européens, dont le président français Emmanuel Macron, ont de leur côté apporté leur soutien à une collecte de fonds mondiale organisée lundi à Bruxelles pour la recherche d’un vaccin et de traitements contre le nouveau coronavirus.

Organisatrice de cette grande conférence en ligne d’appels aux dons, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen espère lever 7,5 milliards d’euros.

En attendant ce vaccin, la plupart de ces dirigeants préparent le grand déconfinement de leurs populations, attendu à partir du 11 mai dans plusieurs pays européens.

La France, très touchée par l’épidémie (24.895 morts), prévoit de débuter son déconfinement à cette date, mais prudemment et à un rythme différent selon les régions. De nombreuses interrogations demeurent sur la réouverture des écoles.

Clarification

La présidence française a clarifié dimanche la situation des voyageurs arrivant sur son sol, assurant qu’aucune quarantaine ne serait imposée à ceux provenant de l’UE, de l’espace Schengen ou du Royaume-Uni.

L’Espagne, où le Covid-19 a fait plus de 25.000 morts et dont les 47 millions d’habitants étaient enfermés depuis mi-mars, a redécouvert samedi les joies du sport et de la promenade. Le déconfinement du pays doit se poursuivre par phases d’ici la fin juin.

La levée des restrictions est en revanche déjà bien enclenchée en Allemagne, où les écoles rouvrent progressivement dans certains Länder lundi; en Autriche, où les artères commerçantes de Vienne ont retrouvé samedi leur animation avec la réouverture des magasins, ainsi que dans les pays scandinaves.

Autre signe de normalisation, le ministre allemand de l’Intérieur et des Sports s’est dit favorable dimanche à une reprise du championnat de football. Ce qui ferait de l’Allemagne le premier grand championnat européen à franchir ce pas.

En Europe de l’Est, les terrasses des cafés et des restaurants rouvriront à partir de lundi en Slovénie et en Hongrie, excepté dans la capitale Budapest. En Pologne, des hôtels, des centres commerciaux, des bibliothèques et certains musées ouvriront également.

245.576 morts

En Grande-Bretagne, le Premier ministre Boris Johnson a promis un plan de déconfinement la semaine prochaine. Là aussi, le chiffre des décès diminue (315 en 24h) mais les chiffres officiels marquent souvent une baisse le week-end, due aux retards dans les enregistrements, suivie d’une recrudescence.

La pandémie a fait au moins 245.576 morts dans le monde depuis son apparition en décembre en Chine, dont plus de 85% en Europe et aux États-Unis, selon un dernier bilan établi par l’AFP sur la base de chiffres officiels admis comme largement sous-évalués.

Aux Etats-Unis (plus de 67.600 décès), malgré des bilans quotidiens toujours lourds (1.450 morts au cours des dernières 24 heures), plus de 35 des 50 Etats ont commencé à lever ou sont sur le point de lever leurs mesures de confinement, afin de relancer l’économie.

Et sur la Chine, Washington a encore durci le ton dimanche en affirmant disposer d’un « nombre significatif de preuves » que le nouveau coronavirus provient d’un laboratoire de la ville de Wuhan, berceau de la pandémie.

En Israël, une partie des classes de primaire a rouvert, sauf dans les secteurs dits « à risque ». « Quel plaisir de vous voir les enfants! », s’est exclamée Sigal Bar, directrice d’une école de Mevasseret Tsion, près de Jérusalem.

En Algérie en revanche, de nombreux commerces, rouverts la semaine, dernière, ont dû fermer à nouveau ce week-end dans plusieurs régions, dont Alger, en raison du non respect des règles d’hygiène et de la distanciation sociale.

En attendant le déconfinement, des sportifs tentent de renouer avec la compétition, parfois de manière orginale. Trois champions de saut à la perche, le Français Renaud Lavillenie et le Suédois Armand Duplantis, qui lui a ravi cet hiver le record du monde du saut à la perche (6,18 m), ainsi que Le double champion du monde américain Sam Kendricks, se sont affrontés, chacun sur son continent. Faute de pouvoir le faire selon un format classique, les trois athlètes s’étaient accordés sur un objectif inédit: franchir le maximum de barres à 5 m de hauteur en 30 minutes.

Lavillenie et Duplantis ont tous les deux réussi 36 sauts — avec chacun un seul échec — et Kendricks 26.

ITALIE EN TÊTE

Premier pays à avoir confiné l’ensemble de sa population, l’Italie s’entrouvre lundi, avec un régime de semi-liberté surveillée qui reste à la merci d’une reprise de la pandémie de nouveau coronavirus.

Stefano Milano, un Romain de 40 ans, raconte « la joie » de regagner un peu de liberté, de recevoir un cousin qui viendra voir son fils « souffler ses bougies », de revoir ses parents; mais il dit aussi sa « peur », « parce qu’ils sont âgés », « parce que (son) beau-père a un cancer ».

Cette ambivalence résume l’état d’esprit d’un pays qui hésite entre soulagement et inquiétude, étouffé par près de deux mois d’enfermement, ébranlé par une économie à genoux et traumatisé par le décès d’environ 30.000 personnes, un bilan officiel sans doute en deçà de la réalité.

Quelque 4,4 millions de salariés, qui ne sont pas en mesure de télétravailler, retrouvent le chemin du chantier, de l’entrepôt, de l’usine ou du bureau en gardant leurs distances, y compris dans des transports en commun qui fonctionnent à capacité réduite et où il faut porter un masque de protection.

Les Italiens peuvent désormais se promener, faire du vélo ou courir seuls au-delà de la proximité immédiate de leur domicile, sortir avec plusieurs enfants. Les parcs rouvrent, sauf cas particuliers.

Il est possible de rendre visite à des proches à condition qu’ils vivent dans la même région; autorisé aussi d’assister à des funérailles regroupant quinze personnes maximum.

« La nuit du virus »

Mais pas d’école pour 8,5 millions d’élèves, vraisemblablement jusqu’en septembre; pas de pique-nique ou de week-end à la plage aux beaux jours revenus; pas de musées, de commerces de détail ni de bibliothèques jusqu’au 18 mai; pas de messe ni de spectacles jusqu’à nouvel ordre; jusqu’en juin au mieux, pas de bars ou de restaurants toutefois autorisés à vendre de la nourriture à emporter, même si des régions comme la Vénétie ont donné plus de latitude. L’attestation de déplacement reste obligatoire.

« La nuit du virus continue. Et vous aurez du mal à voir la lumière sur l’horizon. La seule chose, c’est qu’on s’habitue à bouger dans le noir. Ou au moins dans la semi-obscurité », a écrit dimanche dans la Repubblica le sociologue Ilvo Diamanti.

Cette pénombre laisse beaucoup d’incertitude. « Je veux amener ma vieille mère à la mer? Est-ce que je peux? », demande Pietro Garlanti, agent d’entretien de 53 ans.

« Les autorités ont l’air très indécises sur la méthode, mal préparées », dit Davide Napoleoni, chômeur de 37 ans, qui redoute de nouveaux « confinements locaux ou régionaux ».

Un sondage réalisé fin avril par l’institut Demos montre une baisse de huit points de la cote de confiance du gouvernement de Giuseppe Conte. Avec deux Italiens sur trois qui le jugent positivement (63%), elle reste toutefois bien plus élevée que chez son voisin français également très endeuillé.

« Je vous implore, ne baissez pas la garde », supplie le patron de la cellule de crise, Domenico Arcuri, qui évoque une « liberté relative » pour les 60 millions d’habitants.

Moyennant 0,50 euro pièce, des masques sont mis à disposition dans 50.000 points de vente par les autorités qui ont commandé 5 millions de tests salivaires pour repérer d’éventuels foyers de contagion.

Pauvreté, dette, récession

Le confinement de la population avait été décidé le 9 mars par Giuseppe Conte. Près de deux mois plus tard, la troisième économie de la zone UE devrait connaître une récession de 8 à 10%, des millions d’emplois sont en danger, la dette publique devrait dépasser 155% du PIB.

L’organisation humanitaire Caritas a annoncé un doublement des personnes venues demander de l’aide, selon une étude faite en avril.

L’organisation patronale du commerce, Confcommercio, prévoit une baisse de la consommation de 84 milliards d’euros en 2020 (-8% par rapport à 2019). Seulement 20% des Italiens envisagent de partir en vacances une fois l’urgence sanitaire terminée, selon Confturismo.

« Rien ne changera » avec ce déconfinement, « rien ne changera jusqu’à la réouverture des frontières ou la reprise des vols », « 2020 est une année perdue », soupire Daniele Minotto, de l’association des hôteliers de Venise, cité par l’agence AGI.

UNE SEMAINE POUR LEVER LES NOMBREUSES INCONNUES DU DÉCONFINEMENT

Une semaine pour lever les incertitudes sur les écoles, les transports ou le dépistage et le suivi des malades: le gouvernement doit peaufiner son plan de déconfinement progressif à partir du 11 mai et répondre aux inquiétudes qui s’accumulent chez les élus, les parents d’élèves, les employeurs et leurs salariés.

Le Premier ministre Edouard Philippe présente ce lundi à partir de 14H30 son plan national devant le Sénat, qui doit voter à l’issue d’un débat.

Plus tard dans la soirée, le Sénat doit également se pencher sur le projet prorogeant l’état d’urgence de deux mois, jusqu’au 24 juillet, avant l’examen de ce texte à l’Assemblée nationale à partir de mardi.

Une certitude sur l’aspect sanitaire: si les tests virologiques seront largement utilisés pour détecter les personnes malades et les isoler, il ne faudra en revanche pas compter sur une généralisation des tests sérologiques, permettant de dire qui a développé des anticorps.

Ces tests sérologiques permettent en effet de dire qui a été malade ou non mais sans pouvoir certifier qu’on ne pourra plus attraper le coronavirus: « Est-ce que ces anticorps (…) protègent les personnes? Nous n’avons pas cette certitude », a expliqué lundi sur RTL Dominique Le Guludec, présidente de la Haute autorité de santé (HAS).

La HAS ne peut conseiller un dépistage général à l’heure actuelle, car cela risquerait de rassurer la population à tort », a-t-elle averti et « c’est presque plus dangereux que de ne pas savoir » car « quand vous baissez la garde, vous baissez les mesures barrière ».

Au cours du week-end, le gouvernement a apporté des précisions sur l’assouplissement du confinement prévu à partir du 11 mai et a annoncé une « quatorzaine » obligatoire pour les personnes arrivant sur le territoire national, avec un isolement si elles sont malades. Mais, a précisé l’Elysée dimanche, cette règle ne s’appliquera pas aux voyageurs en provenance de l’Union européenne, de l’Espace Schengen ou du Royaume-Uni.

« Brigades »

Concernant les personnes testées positives alors qu’elles se trouvent déjà en France, aucune mesure coercitive n’est prévue, le gouvernement comptant sur « l’esprit de responsabilité ».

Si l’application controversée de traçage des malades StopCovid ne sera pas opérationnelle le 11 mai, les autorités comptent sur des « brigades » chargées d’identifier les personnes en contact avec un malade, pour les inviter à se faire tester, voire à s’isoler.

L’objectif reste d’éviter une seconde vague de contamination au moment où la situation dans les hôpitaux se détend chaque jour davantage.

Les services de réanimation restent saturés avec un nombre total de malades hospitalisés toujours supérieur aux capacités initiales, mais la baisse se poursuit en ce qui concerne les patients atteints du Covid-19 (8 en moins en 24H).

Le coronavirus a causé 135 décès supplémentaires en 24H en France, soit un total de 24.895 depuis le 1er mars.

Moitié verte

D’après la dernière actualisation dimanche, la moitié des départements français étaient classés en vert ce qui signifie qu’un déconfinement plus large pourra y être organisé. La carte définitive doit être publiée le 7 mai.

Le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner a toutefois prévenu que les régions vertes ne seraient pas exemptes de contraintes.

« Si vous pensez qu’on peut libérer totalement la circulation et ne pas respecter les règles dans cette région au motif que c’est une région verte, je peux vous dire qu’en deux semaines elle sera rouge », a-t-il mis en garde.

Mais de très nombreuses inconnues perdurent sur l’après-11 mai, en premier lieu sur la réouverture des écoles.

La « majorité des écoles » maternelles et primaires seront au rendez-vous du 11 mai, a assuré le ministre de l’Education Jean-Michel Blanquer, avec un maximum de quinze enfants par classe.

Les écoles devront respecter un protocole sanitaire très strict: lavages des mains répétés, jeux proscrits, désinfection du matériel… un vrai casse-tête, surtout en maternelle, font valoir certains enseignants.

De nombreux maires ont fait savoir qu’ils ne rouvriraient pas les écoles le 11 mai.

Ainsi 329 maires d’Ile-de-France, y compris la maire PS de Paris Anne Hidalgo, ont écrit dimanche au président Emmanuel Macron pour lui demander de repousser la réouverture des écoles, dénonçant un déconfinement « à marche forcée ».

Le ministre de l’Economie Bruno Le Maire a dénoncé lundi « une mauvaise polémique » sur la vente des masques dans la grande distribution, désormais effective aux caisses ou à l’accueil. Ce secteur « a parfaitement joué le jeu notamment pour garantir la sécurité de l’approvisionnement alimentaire des Français », a-t-il plaidé sur France Inter.

La grande distribution s’était déjà défendue ce week-end d’avoir constitué des « stocks cachés » de masques, après que les Ordres des professions de santé s’étaient offusqués du nombre « sidérant » de masques annoncés à la vente.

Alors que la bourse de Paris a ouvert en forte baisse de 3,48% et que le transport aérien est très impacté par la crise, la Commission européenne a autorisé lundi la France à octroyer un soutien de 7 milliards d’euros à Air France pour en affronter les conséquences.

L’HYGIAPHONE CONNAÎT UNE NOUVELLE JEUNESSE AVEC LA LUTTE CONTRE LE CORONAVIRUS

Symbole du guichet à l’ancienne, immortalisé en 1977 par le tube rock du groupe Téléphone puis tué par l’open space, l’Hygiaphone connaît une nouvelle jeunesse avec la lutte contre le coronavirus, à côté de multiples avatars en plastique parfois conçus à la hâte.

Pharmacies, buralistes, banques, caisses des hypermarchés: tous les lieux restés ouverts ou bientôt rouverts au public en demandent, faisant le bonheur de fabricants plus ou moins débutants.

Chez Fichet, groupe de 128 millions d’euros de chiffre d’affaires qui détient la marque déposée historique « Hygiaphone », le téléphone a commencé à sonner avant le confinement, « fin février-début mars », indique Arnaud Boulas, responsable commercial: « Il y a eu des pharmacies, quelques grosses entreprises, des administrations, des mairies, des commissariats, et on a commencé à faire du stock ».

« Avec ce qui nous arrive aujourd’hui, on a de plus en plus de clients qui après le confinement souhaitent revenir sur des solutions de protection de leurs salariés à l’accueil », ajoute-t-il auprès de l’AFP, évoquant « un rebond exponentiel des commandes ».

L’usine de Baldenheim en Alsace a aussitôt augmenté la cadence, puis fermé trois semaines en raison de la situation sanitaire et rouvert le 20 avril. C’est là que Fichet fabrique le produit breveté phare de la gamme Hygiaphone, un guichet « pass-son » à membrane vibrante étanche aux germes, qui amplifie le son et se fixe dans une fenêtre de paiement ou une vitre.

Créativité

L’invention, qui n’a jamais connu la crise et même profité ces dernières années des besoins en menuiserie de sécurité face au risque terroriste, par exemple dans les ambassades, date de 1945 et d’une épidémie de grippe.

Son créateur, l’entrepreneur parisien André Bourlier, a eu pour premier client la SNCF, puis a équipé les postes à partir de 1962, puis de nombreux bâtiments, dont les guichets de la Tour Eiffel.

« La culture populaire s’en est emparé et la chanson du groupe Téléphone, +Hygiaphone+, en 1977 incarne le cri d’une génération contre toutes ces administrations, de l’ANPE à La Poste, qui ont toutes des guichets qui se ressemblent », relate Sébastien Richez, historien auprès de La Poste. C’est la crise, et la jeunesse réclame son déconfinement social et culturel.

A partir des années 1990, dans un souci d’image, La Poste enverra l’Hygiaphone et son socle massif en granit rose au musée, au profit de guichets à îlots ouverts. Grâce à l’informatique et aux moindres quantités d’argent brassé en agences, la tendance sera la même dans les banques.

Le coronavirus pourrait-il ressusciter le comptoir « bunker »? Les premiers jours de la crise sanitaire ont en tout cas entraîné un élan de créativité, certaines supérettes par exemple protégeant leur personnel aux caisses avec un paroi improvisée dans du film plastique alimentaire.

Guerre du plexiglas

A Toulouse, un sous-traitant d’Airbus découpe du polycarbonate et croule sous les commandes. Dans le bassin de Montbéliard, un sous-traitant de Peugeot, Courtet Polycomm, a pu rester ouvert pendant le confinement et faire travailler ses 17 salariés en vendant une « visière casquette amovible » et des « vitres de protection » en plexiglas.

« On n’aurait jamais pensé qu’il y aurait autant de demandes, et c’est que le début! Le plexiglas commence à manquer », confie Stéphane Courtet.

Près de Nice, le pharmacien du village de L’Escarène, Thibault Tchilinguirian, a référencé un prototype en plexiglas sur le Comptoir des Pharmacies, et entraîné la reconversion d’un fabricant d’éclairage voisin, Orsteel Light.

« Les 4.000 premiers modèles se sont vendus en 30 heures. On a dû limiter pour que tout le monde en ait et puisse continuer à travailler en mode retranché », dit-il. « J’avais commencé à y penser avant le confinement. On m’a adressé à une société qui n’y croyait pas et c’est moi qui ai fait les 150.000 euros d’avance de trésorerie pour acheter du plexiglas. Maintenant un industriel a pris le relais. On est resté à prix coûtant mais le prix du plexiglas a monté… il y a une vraie guerre de l’ombre sur le plexiglas ».

Et une autre guerre se profile: « Hygiaphone, comme c’est un nom connu de tous, beaucoup l’utilisent aujourd’hui à mauvais escient », observe le groupe Fichet, qui « travaille à remettre un peu d’ordre dans ces usages abusifs de la marque ». N’est pas Hygiaphone qui veut: il menace d’engager des « procédures ».

LES CRAINTES PERSISTENT

Après l’Assemblée nationale la semaine dernière, le Premier ministre Edouard Philippe doit soumettre lundi au Sénat son plan national de déconfinement aux contours encore très flous, qu’il s’agisse de la réouverture des écoles ou des mesures de quarantaine à partir du 11 mai.

Cette présentation prévue à partir de 14H30 doit être suivie d’un débat et d’un vote. Plus tard dans la soirée, le Sénat doit également se pencher sur le projet de loi prorogeant l’état d’urgence de deux mois, jusqu’au 24 juillet.

Cette prolongation, annoncée samedi par le gouvernement, ne peut en effet être autorisée que par une loi. Le texte doit être examiné par l’Assemblée nationale à partir de mardi.

Au cours du week-end, le gouvernement a également apporté des précisions sur l’assouplissement du confinement prévu à partir du 11 mai et a annoncé une « quatorzaine » obligatoire pour les personnes arrivant sur le territoire national, avec un isolement si elles sont malades.

Mais, a précisé l’Elysée dimanche soir, cette règle aux voyageurs venus de l’étranger –quelle que soit leur nationalité– ne s’appliquera pas à ceux en provenance de l’Union européenne, de l’espace Schengen ou du Royaume-Uni.

Concernant les personnes testées positives alors qu’elles se trouvent déjà sur le territoire national, aucune mesure coercitive n’est prévue, le gouvernement comptant sur « l’esprit de responsabilité des Français ».

Pour les autres cas, comme celui de Français ou d’Européens arrivant d’une zone autre que l’UE, l’espace Schengen ou le Royaume-Uni, « les modalités seront précisées par le Quai d’Orsay dans les prochains jours », a ajouté l’Elysée.

Indisponible

Si l’application controversée de traçage des malades StopCovid ne sera pas opérationnelle le 11 mai, les autorités comptent sur des « brigades » chargées d’identifier les personnes en contact avec un malade, pour les inviter à se faire tester, voire à s’isoler.

L’objectif reste d’éviter une seconde vague de contamination au moment où la situation dans les hôpitaux se détend chaque jour davantage.

Les services de réanimation restent saturés avec un nombre total de malades hospitalisés toujours supérieur aux capacités initiales, mais ils comptent 8 patients atteints du Covid-19 en moins au cours des dernières 24 heures.

Le coronavirus a causé 135 décès supplémentaires en 24 heures en France, soit un total de 24.895 depuis le 1er mars, a indiqué dimanche la Direction générale de la santé.

Depuis le début de l’épidémie, 50.784 personnes sont sorties de l’hôpital.

Dans le Haut-Rhin, l’un des départements les plus touchés par l’épidémie, les personnes atteintes du Covid-19 hospitalisées en réanimation ou en soins intensifs étaient au nombre de 93 dimanche, selon les données de Santé Publique France. Au pire de la crise, le 3 avril, elles étaient 163.

Depuis le 1er mars, 696 personnes sont décédées des suites du Covid-19 dans ce département qui n’a enregistré pour la première fois vendredi aucun décès supplémentaire causé par cette maladie apparue en décembre en Chine.

Moitié verte

D’après la dernière actualisation dimanche, la moitié des départements français étaient classés en vert ce qui signifie qu’un déconfinement plus large pourra y être organisé. La carte définitive doit être publiée le 7 mai.

Le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner a toutefois prévenu que les régions vertes ne seraient pas exemptes de contraintes.

« Si vous pensez qu’on peut libérer totalement la circulation et ne pas respecter les règles dans cette région au motif que c’est une région verte, je peux vous dire qu’en deux semaines elle sera rouge », a-t-il mis en garde.

Mais de très nombreuses inconnues perdurent sur l’après-11 mai, en premier lieu sur la réouverture des écoles.

La « majorité des écoles » maternelles et primaires seront au rendez-vous du 11 mai, a assuré le ministre de l’Education Jean-Michel Blanquer, avec un maximum de quinze enfants par classe.

Les écoles devront respecter un protocole sanitaire très strict: lavages des mains répétés, jeux proscrits, désinfection du matériel… un vrai casse-tête, surtout en maternelle, font valoir certains enseignants.

De nombreux maires ont fait savoir qu’ils ne rouvriraient pas les écoles le 11 mai.

A l’instar de l’association des maires d’Ile-de-France, y compris la maire PS de Paris Anne Hidalgo, qui a écrit dimanche au président Emmanuel Macron pour lui demander de repousser la réouverture des écoles à une date ultérieure, dénonçant un déconfinement « à marche forcée ».

« Nous n’avons pas encore toutes les informations pour préparer la population et (…) les directives sont mouvantes », font notamment valoir les 329 maires signataires de la lettre ouverte au président, publiée dimanche soir sur le site de La Tribune.

LE FOOT FRANÇAIS SANS CAP CLAIR

Pas de capitaine à bord ? Entre des présidents de clubs cacophoniques et une Ligue bien silencieuse jusqu’à l’arrêt définitif de la saison, le football français est ballotté entre des intérêts contraires depuis le début de la pandémie de coronavirus, une tempête dont il faudra tirer les leçons.

De la suspension du championnat, mi-mars, à son arrêt définitif, acté jeudi par la Ligue de football professionnel (LFP) –après deux jours de flottement ayant suivi les annonces du gouvernement–, les propositions, parfois curieuses, sur le format d’une hypothétique reprise et les passes d’armes entre dirigeants de clubs par médias interposés se sont succédées.

Un climat pesant que de nombreux acteurs du championnat n’ont cessé de regretter, épinglant l’ambiance de « cour d’école » régnant au cours des discussions ou encore les « guéguerres des uns et des autres ».

« Le football professionnel n’en ressort pas grandi », a constaté la présidente de la LFP Nathalie Boy de la Tour jeudi au moment d’annoncer la fin de l’exercice 2019-2020.

« On est dans un milieu où il y a beaucoup de testostérone, beaucoup d’idées, de tensions sportives. Il y a pu avoir des moments un peu tendus », a-t-elle regretté.

Passes d’armes

Les moments tendus en question ? Innombrables.

Dès la mi-mars, la sortie du président de Lyon Jean-Michel Aulas sur l’opportunité d’une « saison blanche », sans champion, a enflammé le foot français, son homologue marseillais Jacques-Henri Eyraud dénonçant « l’obscénité (d’une) proposition opportuniste ».

Quelques semaines après, c’est le mode de calcul du classement final en cas d’arrêt du championnat qui a cristallisé les débats.

Dans les journaux ont alors fleuri des propositions de dirigeants, au moyen de méthodes de calcul savantes censées assurer l’équité sportive. Mais dont l’issue, curieusement, est souvent apparue favorable à ceux qui la proposaient. « C’est le concours Lépine des propositions », s’est insurgé un président de Ligue 1. « Chacun prêche pour sa chapelle ».

Et en toile de fond, chaque fin semaine ou presque, la réunion téléphonique du Bureau de la LFP, qui regroupe toutes les familles du foot et plusieurs dirigeants de clubs, ont donné lieu à des passes d’armes enlevées, où parfois le ton est monté.

A plusieurs reprises, le président de la Fédération française Noël Le Graët y a pris la parole pour taper du poing sur la table.

« Il faut remettre un peu d’ordre. C’est compliqué d’avoir trop de gens qui s’expriment de façon différente sur les mêmes sujets. (…) La Ligue doit être forte. Elle se fragilise presque toute seule, tout le temps », s’insurgeait-il dans un entretien à L’Equipe, alors qu’en parallèle des réunions de la LFP, certains présidents de clubs ont pris l’initiative de discuter entre eux, dans ce qu’ils ont appelé une « cellule de crise ».

Gouvernance

La Ligue, elle, a fait le choix de la discrétion. A l’opposé de son homologue allemande, dont le président Christian Seifert donnait la position via de régulières déclarations publiques, la LFP a travaillé « dans l’ombre ».

Et s’est même retrouvée en dehors de la délégation de présidents de clubs amenée à discuter avec Canal+ sur le paiement des droits TV. « L’exécutif (de la Ligue) est à la ramasse. Comment peut-il accepter de ne pas être invité à une réunion pour parler des droits télé qui le concernent ? » regrettait alors un dirigeant de club.

Et, mise dos au mur par les autorités, elle a dû se résoudre à prononcer l’arrêt définitif de la Ligue 1, précisément le scénario qu’elle redoutait et qui pourrait avoir des conséquences économiques supplémentaires. « Ca serait certainement une difficulté pour les clubs si la France était la seule (parmi les grands championnats) à avoir pris cette décision », a glissé sur BFM TV Didier Quillot, le directeur général exécutif de la Ligue.

Mais la stratégie est assumée. « On a été silencieux parce qu’on travaillait », martèle Didier Quillot, Nathalie Boy de la Tour concédant elle qu’il y a « des enseignements à tirer de cette crise ».

Tout particulièrement visée, la gouvernance de la Ligue, actuellement répartie entre ses deux dirigeants. « Je pense que la gouvernance de la Ligue a vécu avec cette crise », a tonné Aulas dans un entretien à l’AFP et au journal régional Le Progrès.

Le dossier de la réforme de la gouvernance de la LFP devait être celui de 2020, dernière année de mandat des dirigeants. Il a été, pour le moment, retardé par la crise.

« Un Conseil d’administration, un Bureau, deux syndicats de clubs, des collèges de L1 et de L2, des syndicats d’entraîneurs et de joueurs… C’est compliqué, même si la LFP est la maison de tout le monde », a développé Didier Quillot sur RTL. « On gagnerait à être plus compact ».

De nouvelles discussions houleuses en perspective.

(avec Afp)

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