La RDC est devant un cercle vicieux. La fluctuation actuelle de la monnaie nationale par rapport aux devises cotées en RDC résulte de deux chocs induits par la crise sanitaire mondiale liée à la pandémie du Covid 19.
Le premier choc est sur l’offre des devises dans le marché des changes. La principale source des devises est l’exportation des matières premières : les minerais et pétrole représentent plus de 90% de ces exportations. Or les industries à travers le monde sont à l’arrêt. Le COVID 19 a aussi fortement perturbé les échanges commerciaux et devrait entrainer une contraction comprise entre 13% et 32% durant cette année selon les projections de l’OMC. En RDC, la pandémie de COVID 19 a un impact négatif sur tous les secteurs de la vie économique avec pour conséquence un taux de croissance projetée par la BCC à -1,9% pour cette année suite à la baisse des activités extractives.
Le deuxième choc est fiscal puis budgétaire. Les entreprises ne tournent plus à plein régime depuis mars. Malgré un bon chiffre des paiements des impôts professionnels de l’exercice mars 2020 à l’échéance du 15 avril 2020, il est fort probable que les recettes générées par cet impôt baissent considérablement lors des échéances des mois prochaines. Quant aux recettes douanières, elles subissent l’impact négatif de l’arrêt systématique de l’activité économique mondiale.
A ce tableau alarmant s’ajoute la faible mobilisation des recettes enregistrées depuis le début de l’année. Le déficit du Trésor est de 200,4 milliards CDF au 30 avril 2020. Il est attendu que les recettes de l’échéance fiscale d’avril (solde IBP) seraient déterminantes pour confirmer le léger excédent de trésorerie de 1,4 milliards CDF à la clôture du mois de mars suivant les projections du Trésor. Dans tous les cas, ce déficit public est 620,30 milliards CDF en cumul annuel contre un excédent programmé de 34,7 milliards CDF au quatre premiers mois de l’année 2020.
D’où ce deuxième choc fiscal vient accentuer le profond déficit budgétaire du Trésor Public dans un contexte où l’Etat doit continuer à faire face aux dépenses contraignantes comme le paiement des salaires et autres. C’est là que nous sommes actuellement. L’une des parades est le financement monétaire par la BCC de ce déficit à travers le crédit net à l’Etat, soit 278,5 milliards CDF. Le Bon BCC jouant aussi son rôle d’amortisseur par des injections mensuelles de 5,5 milliards CDF.
C’est dans ce contexte que l’appui budgétaire de 360 M USD accordé par le FMI la semaine dernière demeure une bouffée d’oxygène conjoncturelle pour ce choc budgétaire. Il est à noter que l’enveloppe de cet appui budgétaire est fonction de la quote-part de la RDC au FMI, comparativement au Nigeria qui a reçu 2,5 milliards USD.
Par ailleurs, la BCC a pris certaines mesures de politiques monétaires pour relancer l’économie : baisse du taux directeur, baisse du coefficient des réserves obligatoires et ouverture d’un guichet spécial de refinancement,…. Ces instruments, qui ont certes créé des surliquidités au niveau des banques, ne semblent cependant pas booster l’économie. Une analyse profonde du comportement économique pourrait conduire à l’hypothèse d’achat de la devise sur le marché par ces banques commerciales au lieu d’octroyer du crédit à l’économie comme souhaiterait la BCC. Conséquence : pas d’exportation, inélasticité de l’offre des devises, choc fiscal, déficit budgétaire, surliquidité du marché et hausse de la demande des devises en lieu et place du crédit à l’économie. D’où le cercle vicieux évoqué au début de mon propos.
(Par Adolphe LUMBIKILA, coordonnateur du Think-tank PARI)
4ème réunion ordinaire du Comité de Politique Monétaire
Face à l’hypothèque que le Covid-19 continue à faire peser sur l’économie du pays, la BCC multiplie de stratégies susceptibles de contribuer à la maîtrise des marchés de change et de biens et services. Aussi, le Comité de politique monétaire (CPM) réuni le jeudi 30 avril, sous la direction du Gouverneur de l’Institut d’émission a-t-il décidé d’élargir la fourchette d’appels d’offres du Bon BCC afin de ponctionner davantage la liquidité excédentaire.
Le Comité de Politique Monétaire a tenu, ce jeudi 30 avril 2020, au Siège de l’Institut d’Emission, sa 4ème réunion ordinaire sous la présidence de Monsieur Déogratias MUTOMBO MWANA NYEMBO, Gouverneur de la Banque Centrale du Congo.
Cette réunion a permis aux Membres du Comité de passer en revue les développements récents de la conjoncture économique aux plans extérieur et intérieur ainsi que les facteurs de risque pouvant peser sur la stabilité macroéconomique, avant de prendre des mesures en rapport avec la conduite de la politique monétaire et de change.
A cet effet, il convient de relever ce qui suit :
Au plan international,
Les développements économiques récents restent marqués par les inquiétudes grandissantes quant aux impacts économiques de la pandémie du Covid-19 aussi bien au niveau mondial que régional et national. En effet, le premier trimestre 2020 a été caractérisé par une forte propagation de la maladie, occasionnant le ralentissement du commerce, la baisse de la consommation ainsi que l’arrêt de la production dans les zones ou régions les plus touchées sur fond des mesures prises par les autorités pour endiguer cette propagation, telle que la mesure relative au confinement total ou partiel. Il apparait donc que la pandémie actuelle présente un double choc, celui de l’offre et celui de la demande.
Cette situation a plombé les perspectives 2020 de l’économie mondiale, alors que cette dernière se remettait des affres de la crise financière mondiale de 2008-2009 ainsi que des tensions commerciales entre les Etats-Unis et la Chine. C’est dans ce cadre que le FMI a revu à la baisse ses prévisions de croissance mondiale pour 2020. L’économie mondiale devrait enregistrer sa plus forte contraction jamais réalisée depuis la grande dépression de 1930, attestée par un taux de croissance de -3,0 % en 2020 contre celui de 2,9 % réalisé l’année précédente, avant de connaitre une reprise qu’à partir de 2021. Une tendance analogue s’observerait également dans les toutes différentes régions du monde.
Dans cet environnement difficile et d’incertitude, il s’avère nécessaire pour les dirigeants de renforcer la coopération et d’agir rapidement, de manière efficace, pour atténuer les conséquences négatives tant du point de vue humain qu’économique et financier, en accordant aux outils budgétaires un rôle de premier plan. Aussi, la politique monétaire devrait-elle concilier le soutien à la croissance et à la réduction des tensions extérieures, notamment les chocs sur les cours des matières premières et le retournement des flux des capitaux.
S’agissant des cours des matières premières, principalement ceux des produits exportés par la RDC, ils ont fortement baissé depuis le début de l’année avec la baisse de la demande mondiale sur fond des mesures prises partout au monde pour limiter la propagation du Covid-19. Au 27 avril 2020, les cours du cuivre et du cobalt se sont fixés respectivement à 5.118,0 USD et 29.500 USD la tonne, soit des baisses respectives de 17,22 % et 9,23 % comparativement à leurs niveaux de fin décembre 2019. Il convient de relever que la baisse a été plus prononcée pour le pétrole, attestée par une baisse de 70,86 % à la date sous examen par rapport à son niveau de fin décembre 2019.
Au plan interne,
L’économie congolaise pourrait enregistrer, en 2020, sa première contraction depuis 2001, en raison principalement de l’impact négatif de la pandémie du Covid-19 sur tous les secteurs d’activité économique. A cet effet, le Comité Permanent du Cadrage Macroéconomique (CPCM) table sur un taux de croissance de -1,9 % contre 4,4 % réalisé en 2019. Cette contraction est expliquée en grande partie par la baisse de l’activité extractive, laquelle devrait enregistrer un recul de 5,6 % par rapport à 2019.
Sur le marché des biens et service, il s’est observé une hausse des prix intérieurs alimentée par les anticipations des opérateurs économiques et des consommateurs sur fond des mesures d’encadrement des prix par le Gouvernement en cette période de crise sanitaire. A la quatrième semaine du mois d’avril 2020, le taux d’inflation, en cumul annuel, s’est situé à 3,126 % contre 1,655 % à la dernière semaine du mois de mars dernier. En glissement annuel, l’inflation est ressortie à 6,415 %. A fin décembre 2020, il est attendu, toutes choses restant égales par ailleurs, une inflation de 9,875 % au-delà de l’objectif de 7,0 % à moyen terme.
L’analyse des finances publiques révèle des déficits publics importants depuis le début de l’année, en raison notamment de la faible mobilisation des ressources, dans un contexte où les dépenses devraient accroître avec la mise en œuvre des mesures de riposte contre le Covid-19, notamment celles relatives à l’augmentation des dépenses de santé. Au 30 avril 2020, le solde du Trésor affiche un déficit de 200,4 milliards de CDF alors que le Trésor table sur un léger excédent de 1,4 milliard à la clôture du mois sous analyse. En cumul annuel, l’Etat est déficitaire de 620,3 milliards de CDF contre un excédent programmé de 34,7 milliards au quatre premiers mois de l’année 2020.
Face à cette situation, le CPM exhorte le Gouvernement à aligner les dépenses aux ressources disponibles, en privilégiant les dépenses dites contraignantes et limitant celles jugées non prioritaires, et ce, afin de contenir les pressions exercées sur le marché.
Sur le marché de change, le Comité a relevé une accélération de la dépréciation du franc congolais au mois d’avril, principalement sur le segment parallèle. Le taux de change s’est situé à 1.725,49 CDF et 1.850,83 CDF le dollar, respectivement à l’indicatif et au parallèle, soit des taux de dépréciation de 1,08 % et 4,81 %. Cette situation tient notamment de la baisse de l’offre de devises sur le marché. En rythme annuel, la monnaie nationale a perdu 3,04 % et 6,76 % de sa valeur, respectivement à l’interbancaire et au parallèle, par rapport à fin décembre 2019.
Pour ce qui est des réserves de change, elles ont atteint 978,35 millions de USD, au 27 avril 2020, correspondant à une couverture d’importations de 3 semaines. Rapportées à leur niveau de fin mars 2020, il s’observe un accroissement de 287,06 millions de USD porté par le rachat, par la Banque Centrale, des appuis budgétaires obtenus par l’Etat auprès du FMI au titre de la Facilité de Crédit rapide.
La situation monétaire renseigne une hausse mensuelle de la base monétaire de 278,5 milliards de CDF, la situant à 3.631,6 milliards. Cet accroissement est essentiellement expliqué par celui du crédit net à l’Etat. L’encours du Bon BCC s’est établi à 27,0 milliards de CDF, dégageant une injection mensuelle de 5,5 milliards.
Dans ce contexte caractérisé par le risque d’une accentuation des pressions sur les marchés de change et des biens et services, suite aux incertitudes quant à la maitrise de la pandémie du Covid-19, le CPM a décidé d’élargir la fourchette d’appels d’offres du Bon BCC afin de ponctionner davantage la liquidité excédentaire. Aussi, a-t-il envisagé la possibilité de procéder à des interventions sur le marché de change.
En ce qui concerne les autres instruments de la politique monétaire, ils ont été maintenus à leur niveau. Le taux directeur demeure à 7,5 % et les coefficients de la réserve obligatoire sur les dépôts en devises à vue et à terme sont maintenus respectivement à 13,0 % et 12,0 % et ceux pour les dépôts en monnaie nationale à vue et à terme à 0,0 % et 0 %.Par ailleurs, le CPM encourage le Gouvernement à poursuivre avec une gestion saine des finances publiques en vue de préserver la stabilité du cadre économique et de veiller à la mise en œuvre effective des toutes les mesures prises dans le cadre de la riposte aux effets négatifs du Covid-19 sur l’économie nationale.