Avec de nouveaux assouplissements prévus en début de semaine dans une quinzaine de pays, l’Europe enclenche progressivement le déconfinement de ses populations, à l’image de l’Italie, cloîtrée depuis deux mois par la pandémie mais qui attend avec fébrilité la levée partielle des restrictions lundi.
« Je veux amener ma vieille maman à la mer, je peux? », s’interrogeait Pietro Garlanti, 53 ans, masque sur le visage et gants de plastique, en achetant son journal à un kiosque du centre de Rome: « j’espère que les journaux du matin vont nous dire ce que l’on peut faire ou non ».
Dimanche matin, comme de coutume depuis bientôt deux mois, les grandes avenues historiques du centre de Rome étaient quasi-désertes, avec quelques rares joggers faisant le tour des pâtés de maisons, obligés de rester à moins de 200 mètres de chez eux, ou des amateurs de gymnastique s’agitant sur les terrasses.
« C’est un peu déroutant »
Soumis depuis le 9 mars à un strict confinement, les Italiens se préparent à l’entrée en vigueur de toute une série de mesures d’assouplissement lundi, après avoir subi de plein fouet l’épidémie, qui a coûté la vie à près de 29.000 personnes dans la péninsule, notamment en Lombardie (nord).
« Ne baissez pas la garde (…). La phase II commence. Nous devons être conscients que ce sera le début d’un défi encore plus grand », a prévenu le responsable de la cellule chargée de répondre à la pandémie, Domenico Arcuri, rappelant que « la liberté relative » que les Italiens allaient gagner ce lundi serait remise en cause en cas de redémarrage de la contagion.
Réouverture des parcs avec maintien de la distanciation, possibilité de rendre visite à sa famille et de se réunir en nombre limité, déplacements circonscris à l’intérieur de la commune de résidence et liés aux seules exigences de travail et de santé, vente à emporter pour les bars et restaurants… les nouvelles règles sont attendues avec impatience par les Italiens.
Elles diffèrent néanmoins déjà dans les vingt régions du pays, contribuant à une certaine confusion. La Calabre et la Vénétie ont ainsi déjà allégé les restrictions, autorisant notamment la réouverture des bars et restaurants, mais sans terrasse.
Plusieurs secteurs de l’économie (bâtiment, automobile, luxe…) ont par ailleurs repris le 27 avril à l’échelle nationale. Les écoles, elles, resteront fermées jusqu’en septembre.
« Les nouvelles règles sont plutôt vagues. J’ai peur que ce soit une excuse pour beaucoup pour faire un peu n’importe quoi et aller voir tout le monde, les cousins, les copines… », commente Alessandra Coletti, professeur de 39 ans.
La France voisine, elle aussi très touchée par l’épidémie (24.760 morts), prévoit de débuter son déconfinement le 11 mai, mais très prudemment et à un rythme différent selon les régions. Le gouvernement a décidé samedi de prolonger de deux mois, jusqu’au 24 juillet, l’état d’urgence sanitaire en vigueur depuis le 24 mars, jugeant sa levée « prématurée ».
Bundesliga de retour ?
L’Espagne de son côté, dont les 47 millions d’habitants étaient enfermés depuis mi-mars, a d’ores et déjà redécouvert samedi les joies du sport et de la promenade. A Madrid, Barcelone et dans d’autres villes, de nombreux habitants sont sortis courir, prendre l’air, parfois en groupes. Le déconfinement du pays doit se poursuivre par phases d’ici la fin juin.
La levée des restrictions est déjà bien enclenchée en Allemagne, où les écoles rouvrent progressivement dans certains Länder lundi; en Autriche, où les artères commerçantes de Vienne ont retrouvé samedi leur animation avec la réouverture des magasins, ainsi que dans les pays scandinaves, où les « mesures barrières » et de distanciation sociale restent néanmoins de rigueur.
Autre signe de la normalisation, le ministre allemand de l’Intérieur et des Sports s’est dit favorable dimanche à une reprise du championnat national de football, la Bundesliga, dans une interview au quotidien Bild.
« Je soutiens un redémarrage en mai », a déclaré Horst Seehofer, à trois jours d’une réunion des autorités allemandes pour trancher sur ce sujet, alors que la Ligue allemande (DFL) plaide en faveur d’une reprise des matches à huis clos autour de la mi-mai. Ce qui ferait de l’Allemagne le premier grand championnat européen à franchir ce pas.
En Europe de l’Est, les terrasses des cafés et des restaurants rouvriront à partir de lundi en Slovénie et en Hongrie, excepté dans la capitale Budapest. En Pologne, des hôtels, des centres commerciaux, des bibliothèques et certains musées ouvriront également leurs portes.
En Grande-Bretagne, le pic de la pandémie a été atteint selon le Premier ministre Boris Johnson, qui a promis un plan de déconfinement la semaine prochaine.
Selon The Times, une des pistes serait de demander aux usagers des transports en commun de prendre leur température avant de sortir de chez eux, et d’y rester s’ils ont de la fièvre, symptôme potentiel de la maladie.
Dans l’immédiat, les passagers de l’Eurostar – le train qui traverse la Manche – devront porter des masques, a indiqué la société.
« C’est l’enfer »
La pandémie a fait au mois 241.682 morts dans le monde depuis son apparition en décembre en Chine, dont plus de 85% en Europe et aux États-Unis, selon un dernier bilan établi par l’AFP sur la base des chiffres de sources officielles admis comme largement sous-évalués.
Aux États-Unis (66.000 décès), malgré des bilans quotidiens toujours lourds, certains États avancent dans la levée des mesures de restriction.
Pour relancer l’économie, plus de 35 des 50 Etats américains ont commencé à lever ou sont sur le point de lever leurs strictes mesures de confinement. Les manifestations pour la « réouverture de l’Amérique » se multiplient à travers le pays.
En attendant, le virus s’acharne sur les prisons américaines, leurs 2,3 millions de détenus ainsi que leurs gardiens. « En ce moment, c’est l’enfer », résume un agent contaminé de la prison de Marion, dans l’Etat de l’Ohio, dont plus de 80% des 2.500 détenus et 175 employés pénitentiaires ont été testés positifs.
En Iran, les mosquées fermées depuis mi-mars rouvriront à partir de lundi dans 30% des comtés du pays, a annoncé dimanche le président Hassan Rohani.
En Asie, la Thaïlande prévoit de rouvrir en début de semaine restaurants, salons de coiffure et stades. Et la réouverture progressive des écoles est également attendue en Israël dimanche.
En Inde (1.218 décès), l’acteur américain Will Smith et la légende du rock Mick Jagger participent dimanche, au côté d’autres stars internationales et de Bollywood, à un spectacle en ligne pour soutenir la lutte contre le Covid-19.
LA REPRISE DU CHAMPIONNAT DE FOOTBALL ALLEMAND
La reprise du championnat de football se précise en Allemagne: le ministre de l’Intérieur s’est dit favorable au redémarrage de la Bundesliga qui devrait devenir ainsi le premier grand championnat européen à franchir le pas, malgré des joueurs testés positifs au coronavirus.
« Je trouve le calendrier proposé par la Ligue allemande de football plausible et je soutiens un redémarrage en mai » de la Bundesliga, a déclaré le ministre allemand de l’Intérieur et des Sports Horst Seehofer au quotidien Bild publié dimanche.
L’avis de M. Seehofer, qui joue un rôle clé au sein du gouvernement sur ce dossier compte tenu des deux portefeuilles dont il a la responsabilité, est déterminant.
Et il intervient à trois jours seulement d’une réunion au sommet prévue mercredi du gouvernement fédéral et des présidents de régions pour trancher définitivement sur le sujet.
Reprise d’ici fin mai
Un feu vert pour des matches à huis clos apparaît désormais d’autant plus probable que les présidents de régions y sont eux déjà favorables.
La Ligue allemande (DFL) plaide en faveur d’une reprise des matches sans spectateurs d’ici fin mai.
Le ministre de l’Intérieur et des Sports a toutefois souligné que les équipes et joueurs devraient respecter plusieurs conditions.
« S’il y a un cas de corona au sein d’une équipe ou de son encadrement, le club dans son ensemble, et éventuellement aussi l’équipe contre laquelle il la joué en dernier, devront se mettre pour deux semaines en quarantaine », a dit le ministre.
« Il continuera donc à y avoir des risques pour le calendrier des rencontres et pour le classement » en cas de contamination, a-t-il ajouté.
De même, il a refusé que les clubs aient un accès privilégié par rapport au reste de la population aux tests, alors que les clubs ont suggéré un dépistage régulier de leurs joueurs.
L’Allemagne est comparativement un des grands pays européens qui s’en sort jusqu’ici le mieux face à la pandémie de coronavirus.
Elle compte un nombre assez élevé de cas recensés, qui s’établissait dimanche à 162.496. Mais celui des décès reste lui, à 6.649, inférieur à la plupart des autres grands pays européens, qui accueillent aussi les principaux championnats de football, comme l’Angleterre, l’Espagne, l’Italie ou la France.
Crainte de joueurs
En France, la Ligue a même prononcé jeudi la fin définitive de la saison et sacré le Paris SG champion.
En Italie, pays d’Europe le plus durement touché par la maladie du Covid-19, le gouvernement a refroidi les clubs de Serie A en annonçant que les entraînements collectifs ne pourraient pas reprendre avant le 18 mai. Ce qui risque de repousser la date de reprise de la compétition privilégiée jusque-là par les instances. L’objectif d’une reprise au tout début juin est devenu intenable.
En Espagne, aucune date de reprise de la compétition n’est pour l’heure fixée. Les 4 ou 11 mai ont été évoqués pour le retour à l’entraînement collectif.
En Angleterre, la Premier League tente d’échafauder un projet « Restart » (redémarrage) qui vise un retour à la compétition le 8 juin, mais à huis clos et dans un nombre limité de stades, selon plusieurs médias.
En Allemagne, a contrario, les entraînements ont déjà repris. Mais le risque lui demeure.
Trois membres du FC Cologne, club de première division, ont ainsi été testés positif au nouveau coronavirus cette semaine et placés en « quatorzaine ». Et dans ce contexte, la perspective d’une reprise prochaine du championnat suscite aussi des craintes.
Birger Verstraete, joueur belge de Cologne dont la compagne souffre de problèmes cardiaques, a jugé ainsi samedi « étrange » que son club n’ait pas mis, comme M. Seehofer le suggère d’ailleurs dans son entretien à Bild, tous les joueurs en quarantaine après ces tests, dans une interview à la chaîne de télévision flamande VTM.
« Ce n’est pas à moi de décider ce qu’il faut faire en Bundesliga mais je peux dire que je n’ai pas la tête au football » en ce moment, a-t-il ajouté », « la santé de ma famille, de ma compagne est la priorité ».
UNE « APP » POUR FAIRE LA GUERRE AU COVID-19
Les soldats de l’armée suisse prennent part au combat contre le Covid-19 en aidant au développement d’une nouvelle arme: une application de traçage Bluetooth destinée à stopper la résurgence de la maladie.
Des coups de fusil résonnent dans les collines de la caserne de Chamblon, près du lac de Neuchâtel (ouest de la Suisse): à première vue, difficile de saisir en quoi les armes des militaires peuvent aider à lutter contre le coronavirus.
Mais en fait, tout en continuant leur formation, les soldats de l’école d’infanterie stationnés dans cette base participent cette fois à un autre exercice: le premier test de terrain d’une application mobile de traçage des malades contaminés par le Covid-19.
A l’heure où les civils se voient contraints de limiter leurs contacts, les militaires, reclus dans leur caserne, constituent en effet la seule population à encore pouvoir interragir ensemble, offrant un « biotope » idéal pour tester cet outil.
« Ce que nous avons fait jusqu’à présent, ce sont des tests en labo. Maintenant, nous rassemblons des données sur la façon dont l’application fonctionne dans la vraie vie », explique à l’AFP Simon Rösch, ingénieur informatique chez le développeur d’applications Ubique.
Avec en poche leur portable équipé de l’application, les militaires en tenue de camouflage vaquent à leurs occupations: entraînement physique, formation théorique et tir à 300 mètres, mais les connexions entre leurs téléphones sont scrutées à la loupe.
Grâce au Bluetooth, chaque téléphone enregistre les autres se trouvant à une distance proche pendant une période donnée.
Casser la transmission
Si le détenteur d’un des téléphones est infecté, un message codé est envoyé à ceux qui ont été en contact avec lui, avec des instructions à suivre, en fonction du moment où le contact a eu lieu.
L’objectif est de casser la chaîne de transmission du virus et de stopper ainsi la propagation du virus à mesure que les mesures de confinement sont progressivement levées.
Ubique, qui a développé la principale application météo de Suisse, a commencé à travailler à ce nouvel outil il y a seulement quelques semaines.
Le développeur s’est associé avec l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL) qui s’occupe de la recherche et des tests de sécurité tandis que Ubique s’assure de l’intégration de ces éléments dans l’application, du design et de l’expérience utilisateur.
« Ce n’est pas la solution magique qui fera disparaître le problème mais c’est un bon outil qui peut nous aider », souligne Simon Rösch.
A ses côtés, dans une salle de cours de l’école d’infanterie, Alfredo Sanchez supervise les premières données du terrain.
« C’est une phase d’évaluation », déclare celui qui dirige le projet au sein du département des technologies de l’information de l’EPFL.
« C’est une idée qui a démarré sous une autre forme technologique en Asie, en utilisant le GPS, qui est évidemment une technologie plus invasive en matière de protection des données puisqu’on sait exactement où sont les gens », rappelle-t-il.
L’application suisse teste, selon M. Sanchez, une « méthode beaucoup plus respectueuse de la protection des données ».
Processus entièrement anonyme
Ici, peu importe le lieu où s’effectue la connexion, donc pas de localisation des utilisateurs et le processus est entièrement anonyme.
La Suisse estime aujourd’hui que le virus est sous contrôle sur son territoire. Le Covid-19 y a tué plus de 1.400 personnes et environ 30.000 ont été testées positives.
Matthias Egger, le responsable scientifique de la lutte contre le virus au sein du gouvernement suisse, a déclaré vendredi au cours d’un point de presse que, selon deux enquêtes d’opinion, environ 60% des Suisses seraient prêts à utiliser ce type d’application, une proportion de la population qui la rendrait d’autant plus efficace.
« Les chances de détection des cas augmentent avec le nombre de personnes ayant installé l’application », indique Simon Rosch.
Techniquement parlant, l’application devrait être prête vers la mi-mai, soit à peine quelques jours après le 11, date à laquelle la Suisse doit intensifier encore son déconfinement en rouvrant écoles et restaurants.
Mais la mise à la disposition du grand public va encore dépendre de différents facteurs: un feu vert institutionnel ainsi que la fourniture par les géants Google et Apple « de nouvelles interfaces techniques pour utiliser le Bluetooth de manière beaucoup plus précise », selon M. Sanchez.
Pour l’heure, l’application n’a pas encore de nom.
Ses concepteurs la désignent sous l’appellation « DP3T », un raccourci aux allures de nom de robot dans « Star Wars », pour « Decentralised Privacy-Preserving Proximity Tracing Project » (Projet de traçage de proximité décentralisé et respectueux de la vie privée).
UN REMÈDE DE CHEVAL CONTRE LA DÉPRIME DU CONFINEMENT
Coronavirus ou pas, Jenny n’abandonne pas ses habitudes: chaque matin, la jument blanche quitte son écurie pour se promener dans son quartier à Francfort, au plus grand plaisir des habitants incités, eux, à rester confinés.
« Tout le monde doit vivre avec les restrictions liées au coronavirus mais Jenny est tout aussi libre qu’avant », lance Anna Weischedel, sa propriétaire.
Car depuis plus de dix ans maintenant, Jenny trotte seule chaque jour dans le quartier résidentiel de Fechenheim, à Francfort, traversant même sans crainte des voies de tram.
En attendant que le cheval libère la voie, une conductrice sort ce jour-là son téléphone pour prendre des photos.
La destination préférée de Jenny: une petite forêt et un champ à proximité du Main, la rivière qui traverse la ville et où elle passe la plupart de ses journées à brouter l’herbe. Sur le chemin, une joggeuse la salue.
Pendant le périple, le pur-sang arabe ne semble même pas remarquer les caresses des passants, encore plus ravis que d’ordinaire de l’apercevoir.
« Les gens semblent la remarquer davantage car ils ont davantage de temps maintenant », raconte Mme Weischedel, 65 ans, à l’AFP. « Beaucoup la caressent, peut-être car le contact humain leur manque. »
Comme ailleurs, les écoles, aires de jeu et commerces non essentiels ont été fermés en Allemagne pour ralentir la propagation de la pandémie de coronavirus et, malgré quelques assouplissements récents, les habitants sont toujours encouragés à limiter les contacts et à garder leurs distances.
Mais rien n’interdit de faire des câlins à Jenny.
« Pas échappée »
« Cela me rend heureux de voir Jenny, elle nous manque quand on ne la voit pas lors de nos balades », confie Gaby Marxen, 61 ans, deux chiens en laisse.
« Mon frère et moi, on aime la caresser », s’amuse aussi Johanna, 8 ans.
« Je ne me suis pas échappée, je fais juste une promenade »: pour éviter les malentendus, Jenny porte en permanence autour du cou une pancarte rouge. Car dans le passé, des passants ont alerté la police, raconte Mme Weischedel.
L’excursion se termine vers 16h quand son mari Werner, 80 ans, part en scooter électrique à la recherche de la jument le long de sa route habituelle pour lui dire de rentrer.
« Alors, elle revient lentement », raconte cet ancien fleuriste.
Le cheval n’a jamais causé de problèmes, au contraire: les autorités locales ont même accueilli avec bienveillance sa célébrité.
« Jenny est une jument très patiente, il en faut beaucoup pour la stresser », dit Mme Weischedel.
La seule chose qui déstabilise l’équidé sont les feux d’artifice du Nouvel An; un trait commun avec Werner Weischedel, toujours hanté par le bruit des bombardements de Francfort pendant la Seconde Guerre mondiale quand il était enfant.
« On passe le Réveillon ensemble à se cacher dans un coin », s’amuse-t-il.
Le couple, qui a aussi une centaine d’oiseaux et des chihuahuas, reste optimiste face à la pandémie.
« On a survécu à la guerre, on va survivre au coronavirus », lâche M. Weischedel.
Lente amélioration à confirmer avant le déconfinement en France
La lente amélioration dans la lutte contre le coronavirus est un bon signe, à confirmer avant un déconfinement autour duquel les interrogations subsistent, de la réouverture des écoles aux mesures de quarantaine prévues à l’entrée en France après le 11 mai.
La pression sur les services de réanimation continue à s’amoindrir, avec 51 patients atteints du Covid-19 en moins au cours des dernières 24 heures, a annoncé samedi le ministère de la Santé. Le virus a causé la mort de 166 personnes lors des dernières 24 heures, loin cependant des centaines de morts quotidiennes il y a encore quelques semaines.
La carte de France a encore « verdi » un peu plus samedi avec de nouveaux départements, six au total, désormais dans le vert, les tensions sur le système hospitalier diminuant.
Dans les départements en vert, 47 au total, une moindre présence du virus permettra d’organiser un déconfinement plus large.
Le gouvernement n’entend pas néanmoins baisser la garde et il a annoncé samedi la prolongation de l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 24 juillet. Celle-ci ne pouvant être autorisée que par la loi, le texte sera examiné à partir de lundi au Sénat puis du lendemain à l’Assemblée nationale.
Comme prévu, le gouvernement a rendu obligatoire une « quatorzaine » pour les personnes arrivant sur le territoire national, dont les conditions de mise en œuvre doivent être arrêtées dans les jours à venir, et un isolement si elles sont malades.
En revanche, pour les personnes testées positives qui se trouvent déjà sur le territoire, le gouvernement « n’a pas pris de dispositif législatif pour imposer l’isolement », a détaillé le ministre de la Santé Olivier Véran, comptant sur « l’esprit de responsabilité des Français ».
Nombreuses interrogations
Le gouvernement est également resté prudent sur le traçage des malades, un sujet extrêmement sensible. L’application controversée StopCovid ne sera ainsi pas disponible le 11 mai. Seront en revanche actives des « brigades » devant permettre l’identification des « cas contacts » des personnes testées positives.
De très nombreuses interrogations subsistent néanmoins sur l’après-11 mai, essentiellement autour de la réouverture des écoles, qui laisse encore perplexes nombre de parents et d’enseignants.
La « majorité des écoles » maternelles et primaires seront au rendez-vous du 11 mai, a assuré le ministre de l’Education Jean-Michel Blanquer, avec un maximum de 15 enfants par classe.
Et pour les accueillir, les écoles devront respecter un protocole sanitaire très strict : lavage de mains répétés, jeux proscrits, désinfection du matériel, sens de circulation marqué au sol… un vrai casse-tête, surtout en maternelle, font valoir certains enseignants.
Ainsi à Lyon, aucune date de rentrée n’a été fixée pour les élèves de petite et moyenne section de maternelle. « Les mesures de distanciation et les gestes barrières étant très complexes à mettre en œuvre », a justifié la mairie de Lyon dans un communiqué.
Idem à Nantes où la maire Johanna Rolland a d’ores et déjà prévenu qu’il ne serait « pas possible » que tous les enfants retournent à l’école le 11 mai.
Autre source de tension en prévision du 11 mai: la vente des masques dont le port sera obligatoire dans les transports publics.
« Stocks cachés »
A dix jours du déconfinement, le gouvernement a décidé de plafonner le prix de vente des masques chirurgicaux à 95 centimes l’unité, mais pas celui des masques en tissu, en raison de la diversité des modèles et de leur provenance.
La polémique face à une hausse attendue de l’offre de masques continue de battre son plein. La grande distribution s’est une nouvelle fois défendue samedi d’avoir constitué des « stocks cachés » de masques à usage unique, une polémique « nulle » pour le patron du groupe Leclerc, « insensée » pour celui de Système U.
Les Ordres des professions de santé se sont offusqués dans un texte cinglant du nombre « sidérant » de masques annoncés à la vente par la grande distribution à partir de lundi: « 100 millions par ici, 50 millions par là. Qui dit mieux ? C’est la surenchère de l’indécence. »
« Je trouve ça dégueulasse, car ça casse le front qui s’est construit entre le personnel de santé et le monde économique », a réagi le président du géant Leclerc, Michel-Edouard Leclerc, dans une interview au Journal du dimanche.
Sur le plan économique, la crise sanitaire continue ses ravages : la SNCF a subi un manque à gagner de deux milliards d’euros du fait du virus, a annoncé son PDG Jean-Pierre Farandou, envisageant une aide de l’Etat et des suppressions de postes.
A l’arrêt complet
Et côté transports, la crainte est grande en¨Île-de-France où la présidente de la région, Valérie Pécresse, demande que les salariés aujourd’hui en télétravail ne retournent pas au bureau le 11 mai pour éviter l’engorgement du métro ou du RER.
L’après-11 mai reste aussi sujet d’inquiétudes pour le monde de la culture, à l’arrêt complet depuis le confinement.
Samedi, les organisateurs de la Route du Rock ont finalement annoncé avoir décidé d’annuler purement et simplement l’événement, initialement prévu du 19 au 22 août, soit bien après le début du déconfinement.
Emmanuel Macron a promis samedi de « premières mesures » mercredi pour le monde de la culture, en grandes difficultés depuis le 17 mars.
En attendant, des artistes arpentent depuis quelques jours les rues de Bordeaux pour « crier », à la manière des anciens gardes champêtres, les messages d’amour ou d’humour des habitants.
Ces « crieurs de rue », à l’initiative de la Ville de Bordeaux, vont, par binômes et à jours fixes, déclamer au pied des immeubles les poèmes, chansons, blagues ou voeux d’anniversaire déposés sur des boîtes email et vocale mises spécialement à la disposition des habitants.
LE DÉCONFINEMENT AVANCE
A mesure que le reflux de la pandémie se confirme en Europe, le déconfinement des populations s’y poursuit à des rythmes variés, l’Espagne ayant redécouvert samedi les joies du sport et de la promenade.
A Madrid, de nombreux habitants sont sortis courir, parfois en groupes. « Merci de courir sur les trottoirs », lançait par haut-parleur un policier municipal.
« Après tant de semaines de confinement, j’avais très envie de sortir, courir, voir du monde. Hier j’étais comme un enfant à la veille de Noël », commentait un quadragénaire du quartier de Chueca, levé à l’aube pour aller trottiner.
« Qu’ils se contaminent! »
Mêmes scènes à Barcelone sur le front de mer, et dans d’autres villes du pays, faisant dire à certains inquiets, tel Jose Antonio, retraité de 65 ans: « Si les gens veulent se contaminer, qu’ils se contaminent, mais le résultat, ce sera que dans 15 ou 20 jours, ils nous enfermeront de nouveau ».
Des tranches horaires devront être respectées, pour éviter la surfréquentation des rues et maintenir à distance enfants et personnes âgées.
Le port du masque sera par ailleurs une « obligation » dans les transports publics dès lundi, a annoncé samedi le chef du gouvernement Pedro Sanchez.
Le déconfinement de l’Espagne et de ses 47 millions d’habitants, enfermés depuis la mi-mars, doit se faire par phases d’ici la fin juin. A l’image d’autres pays d’Europe occidentale où, alors que le reflux de la maladie Covid-19 se confirme, les gouvernements imposent des déconfinements progressifs pour éviter une nouvelle vague de contaminations.
La levée des restrictions est bien enclenchée en Allemagne, Autriche, dans les pays scandinaves, qui imposent toujours néanmoins « mesures barrières » et distanciation sociale. Les Autrichiens peuvent ainsi se déplacer sans restrictions depuis vendredi.
La France et l’Italie se préparent au début du processus. A Rome, où un rebond du nombre de morts quotidien a été enregistré samedi (474 décès – mais dont 282 sont en fait des décès hors hôpital du mois d’avril non comptabilisés jusqu’à présent), le responsable de la cellule chargée de répondre à la pandémie, Domenico Arcuri, a imploré ses concitoyens de « ne pas baisser la garde », alors que des mesures d’assouplissement doivent commencer à être appliquées lundi.
« La phase II commence. Nous devons être conscients que ce sera le début d’un défi encore plus grand », a-t-il dit, prévenant les Italiens que « la liberté relative » qu’ils allaient gagner serait remise en cause en cas de redémarrage de la contagion.
En France, où l’on a enregistré 166 décès en 24 heures, soit le chiffre le plus bas depuis plusieurs semaines, le gouvernement a décidé néanmoins de prolonger de deux mois, jusqu’au 24 juillet, l’état d’urgence sanitaire en vigueur depuis le 24 mars, jugeant sa levée « prématurée ».
Comme prévu, le gouvernement a rendu obligatoire une « quatorzaine » pour les personnes arrivant en France, dont les conditions de mise en œuvre doivent être précisées dans les jours à venir, et un isolement si elles sont malades
En Grande-Bretagne, le pic de la pandémie a été atteint selon le Premier ministre Boris John son, qui a promis un plan de déconfinement la semaine prochaine.
Selon le quotidien The Times samedi, une des pistes envisagées serait de demander aux usagers des transports en commun de prendre leur température avant de sortir de chez eux, et d’y rester s’ils ont de la fièvre, un symptôme potentiel de la maladie.
Dans l’immédiat, les passagers de l’Eurostar – le train qui traverse la Manche – vont devoir porter des masques, a indiqué la société.
La pandémie a fait au mois 241.682 morts dans le monde depuis son apparition en décembre en Chine, dont plus de 85% en Europe et aux États-Unis, selon un dernier bilan établi par l’AFP sur la base des chiffres de sources officielles admis comme largement sous-évalués.
Cité interdite autorisée
Les pays les plus touchés en nombre de morts sont les États-Unis avec plus de 65.000 décès, l’Italie (28.710 morts), le Royaume-Uni (28.131 morts), l’Espagne (25.100 morts) et la France (24.760 morts).
La Russie (1.222 décès), a enregistré 10.000 nouveaux malades en 24 heures, un record. Environ 2% des habitants de Moscou, soit plus de 250.000 personnes, sont atteints par le Covid-19, a indiqué le maire de la capitale.
Aux États-Unis, malgré des bilans quotidiens toujours lourds, certains États avancent dans la levée des mesures de restriction. Et le régulateur du médicament (FDA) a autorisé en urgence un antiviral expérimental, le remdesivir, qui d’après lui peut aider au rétablissement des malades.
A New York, ville la plus touchée, un hôpital de campagne aménagé dans Central Park pour faire face à l’afflux de malades va fermer.
Pour relancer l’économie, plus de 35 des 50 Etats américains ont commencé à lever ou sont sur le point de lever leurs strictes mesures de confinement. Les manifestations pour la « réouverture de l’Amérique » se multiplient à travers le pays.
Les Chinois, qui ne rapportent pratiquement plus de cas, ont entamé vendredi leurs premières vraies vacances depuis le début de la crise. La Cité interdite, notamment, a rouvert, quoique de manière plus limitée qu’à l’ordinaire. A Hong Kong, les parcs de la ville ont été envahis à la faveur d’un weekend férié et d’une météo ensoleillée.
Au Brésil, une réplique du président d’extrême droite Jair Bolsonaro –corona-sceptique notoire–, a suscité une énorme polémique. Interrogé mardi sur le fait que le pays venait de dépasser le chiffre de 5.000 morts, M. Bolsonaro avait répondu: « Et alors? ». Depuis, le bilan est passé à plus de 6.300 morts.
En Inde (1.218 décès), l’acteur américain Will Smith et la légende du rock Mick Jagger font partie des stars internationales et de Bollywood qui vont participer à un spectacle en ligne dimanche pour soutenir la lutte contre le Covid-19. Le strict confinement imposé le 25 mars aux 1,3 milliards d’Indiens, prolongé au moins jusqu’au 17 mai, a plongé dans la détresse des millions de travailleurs de l’important secteur informel, et porté un coup très dur à la troisième économie d’Asie.
ETAT D’URGENCE SANITAIRE PROLONGÉ EN FRANCE
Le gouvernement a décidé samedi de prolonger de deux mois l’état d’urgence sanitaire contre le Covid-19 et clarifié un peu le cadre du déconfinement, notamment sur le suivi des malades, tandis que la situation se présente un peu mieux pour l’après-11 mai.
166 décès supplémentaires en 24 heures sont liés au coronavirus, soit le chiffre le plus bas depuis plusieurs semaines, portant le total à 24.760 depuis le 1er mars, a indiqué le ministère de la Santé.
La situation s’améliore aussi lentement dans les services de réanimation et la carte de synthèse préparant le déconfinement après le 11 mai compte plus de départements en vert (qui se préparent à un déconfinement plus large) que la veille : 47 contre 41. Un gros quart nord-est reste dans le rouge (32 départements, égal à la veille).
22 départements sont en orange, une position intermédiaire, contre 28 la veille.
Le Conseil des ministres s’est penché sur le projet de loi prorogeant l’urgence sanitaire jusqu’au 24 juillet. Son examen au Sénat est prévu lundi, à l’Assemblée nationale mardi en vue d’une adoption définitive dans la semaine.
« Nous allons devoir livrer ensemble une course de fond. Je sais que des efforts colossaux ont déjà été demandés aux Français », qui se sont montrés « à la hauteur de ce qui semblait impossible il y a deux mois à peine », a déclaré le ministre de la Santé Olivier Véran.
« Quatorzaine » obligatoire
Comme prévu, le gouvernement a rendu obligatoire une « quatorzaine » pour les personnes arrivant sur le territoire national, dont les conditions de mise en œuvre doivent être arrêtées dans les jours à venir, et un isolement si elles sont malades.
En cas de refus, elles s’exposeront à une sanction. Ces mesures pourront faire l’objet d’un recours devant un juge de la liberté et de la détention
En revanche, pour les personnes testées positives qui se trouvent déjà sur le territoire, le gouvernement « n’a pas pris de dispositif législatif pour imposer l’isolement », a détaillé le ministre, comptant sur « l’esprit de responsabilité des Français ».
Il a également précisé les dispositifs de collecte d’informations sur les malades, qui permettront à des « brigades » d’identifier les cas contacts des personnes testées positives. En revanche, l’application de traçage controversée StopCovid ne sera pas disponible le 11 mai.
« Le déconfinement ne sera pas un pur et simple retour en arrière, nous allons devoir vivre pour un temps avec le virus », a insisté Olivier Véran.
Masques et école
De nombreuses interrogations demeurent toutefois sur l’après-11 mai, notamment concernant la réouverture des écoles, sujet majeur de préoccupation des Français. La « majorité des écoles » maternelles et primaires seront au rendez-vous du 11 mai, a assuré Jean-Michel Blanquer, avec un maximum de 15 enfants par classe.
Mais pour la maire de Nantes Johanna Rolland (PS), il n’est « pas possible » que tous les enfants retournent à l’école à cette date. A Lyon, le retour se fera de façon échelonnée, entre le 14 mai et le 4 juin, sauf pour les petites et moyennes sections de maternelle, selon la mairie.
Pour accueillir des élèves, les écoles devront respecter un protocole sanitaire très strict : lavage de mains répétés, jeux proscrits, désinfection du matériel, sens de circulation marqué au sol… un vrai casse-tête.
Autre source de tension : la vente des masques dont le port sera obligatoire dans les transports publics.
Dans ce cadre, le pouvoir de verbalisation sera étendu notamment aux agents des transports en commun, a annoncé le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner.
A dix jours du déconfinement, le gouvernement a plafonné le prix de vente des masques chirurgicaux à 95 centimes l’unité, mais pas celui des masques en tissu, en raison de la diversité des modèles et de leur provenance.
Dans la grande distribution, les masques à usage unique seront vendus « à prix coûtant » et les masques en tissu « entre deux et trois euros », a assuré Jacques Creyssel, délégué général de la Fédération du commerce et de la distribution (FCD), se défendant d’avoir des constitué des « stocks cachés », comme l’ont reproché de nombreux soignants, qui eux en ont cruellement manqué.
La sénatrice de Gironde Nathalie Delattre (Mouvement radical) a demandé la constitution d’une commission d’enquête sur le sujet.
Pas de passeport immunitaire
La Haute autorité de santé (HAS) a précisé pour sa part les cas où les tests sérologiques – ceux qui cherchent les anticorps – étaient utiles : pour les personnels soignants et en hébergement collectif (Ehpad, casernes, prisons…). Mais il est impossible aujourd’hui de « délivrer le passeport immunitaire dont tout le monde rêve pour le déconfinement ».
Sur le plan économique, la crise sanitaire continue ses ravages : la SNCF a subi un manque à gagner de deux milliards d’euros du fait du virus, a annoncé son PDG Jean-Pierre Farandou, envisageant une aide de l’Etat et des suppressions de postes.
Les soignants, eux, s’inquiètent toujours de la possibilité d’une deuxième vague : « l’hôpital a tenu la première fois mais si on devait avoir une deuxième vague, on est morts », a prévenu Philippe-Gabriel Steg, cardiologue de l’hôpital Bichat.
(avec Afp)