Cardinal Ambongo : « Le Grand conseiller de la nation »

Une ambiance chaleureuse a régné au stade des Martyrs de la Pentecôte, hier dimanche 17 novembre, à l’occasion de la messe de prémices de son Éminence le cardinal Fridolin Ambongo Besungu. Des dizaines de milliers de fidèles catholiques de l’archidiocèse de Kinshasa sont venus comme à l’accoutumée répondre à l’appel des Pères de l’Église notamment pour celui qui se fait désormais appeler « le Grand conseiller de la nation ». « Le cardinalat est un honneur mais surtout une lourde charge qui déborde du seul cadre de la RDC, car le cardinal est un conseiller du pape mais aussi le Grand conseiller de la nation », a-t-il lâché d’entrée de jeu.

Dès 7 heures, les taxis-bus, les bus Mercédès dits « 207 », Hyundai « Esprit de vie » sont pris d’assaut par les catholiques de tous les coins qui allaient au stade des Martyrs assister à la messe de prémices du Cardinal Ambongo, après son sacre à Rome, le 5 octobre dernier.

Une fois dans l’enceinte de l’ex-Kamanyola, les commerçants ambulants sont dans la joie car leurs produits, à savoir : jus, gâteaux, pains, boîtes de conserve, eau minérale ou en sachet, drapelets, livrets, effigies du Cardinal Fridolin Ambongo s’écoulent comme de petits pains.

A 10h15′, Son Éminence Fridolin Ambongo fait son entrée dans le stade, à bord d’une jeep neuve de couleur blanche, tout en saluant la foule de fidèles catholiques. Puis s’en est suivie une longue procession de prêtres, diacres et servants au rythme des chants.

STANDING OVATION POUR FATSHI

Il est 11h10, les gens se bousculent ça et là, des entrées sont bloquées, notamment l’entrée 3.

On annonce le président de la République, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, arrivé le matin même d’Allemagne.

Dès que le couple présidentiel met les pieds au stade, la foule est en liesse, applaudissant et poussant des cris de joie. Il en sera ainsi durant la messe, chaque fois que leur image apparaissait à l’écran géant.

A 11h15, la messe proprement dite débute. Le modérateur du jour, l’abbé Calix Mvuntu, anime de la plus belle manière, cette célébration eucharistique du 33ème anniversaire du Temps ordinaire Année C.

Trois lectures pour l’occasion Malachie 3, 19-20; Épitre de Saint Paul aux Thessaloniciens 3, 7-12 et l’Évangile de Luc 21, 1-5 avant le message tant attendu du 4ème Cardinal de la RD Congo.

C’est sous le coup de 15 heures, soit après 3h45′, que cette messe qui a réuni toutes les grandes figures du pays, a pris fin.

Pour rappel c’est depuis le 5 octobre que Mgr Ambongo Besungu a été créé cardinal à Rome lors du consistoire succédant à Laurent Monsengwo Pasinya. 

« TOURNONS ENSEMBLE LE REGARD VERS L’AVENIR »

Au cours de son homélie, l’archevêque métropolitain de Kinshasa pousse à l’optimisme : « Malgré les difficultés du moment, nous devons espérer un Congo nouveau et meilleur », soutient-il.

Lors de sa messe de prémices dite hier dimanche 17 novembre au stade des Martyrs en présence du couple présidentiel, des membres du Gouvernement, des députés et sénateurs, de ses nombreux confrères et d’une grande assemblée de fidèles catholiques, le Cardinal fait savoir que le peuple congolais est fatigué querelles politiciennes. Le prélat a profité de ce moment de communion pour demander aux Congolais de se débarrasser des antivaleurs qui ont élu domicile dans le pays, qui l’ont détruit et ruiné.  » Tournons ensemble le regard vers l’avenir. Et c’est possible « , a lancé le cardinal Fridolin Ambongo.

Se basant sur trois passages bibliques (Malachie 3,19; Luc 2,21; 2Théssaloniciens 3,7-12), l’archevêque de Kinshasa « sermonne » la classe politique qu’il accuse de s’adonner à des querelles inutiles au lieu de privilégier l’intérêt supérieur du peuple.

« Chers frères et sœurs, lors de la soirée qui nous a réunis à Rome, tout le monde était frappé de la cohésion qui a régné entre les fils et filles du Congo autour du cardinalat…. Ce bel exemple de cohésion et de communion, grâce à Dieu, continue encore à se manifester jusqu’aujourd’hui. Il n’est pas normal, dans ce contexte de communion, de sursaut de nationalisme, qu’il y ait encore certains de nos frères et de nos sœurs qui passent leur temps à se quereller autour des futilités. En réalité, le peuple est fatigué des querelles politiciennes complètement inutiles. Le temps de querelle est révolu », fait-il savoir, invitant les gouvernants actuels à éviter cette pratique et à œuvrer pour le bien du peuple.

METTRE DE COTE DE PETITS INTERETS PARTISANS

« Il y a de nouveaux responsables qui sont en charge et quand vous êtes en charge, ne passez pas votre temps à vous quereller inutilement autour des futilités. Le sens de responsabilité veut que nous mettions de côté nos petits intérêts partisans et égoïstes pour nous concentrer et nous engager sur l’essentiel qui est l’avenir de notre peuple », a-t-il ajouté.

Le successeur de Monsengwo appelle également à travailler pour assurer un avenir meilleur au peuple Congolais qui n’a que trop souffert. « Ce n’est pas en restant assis, dit-il, qu’adviendra le monde nouveau. Le Congo ne changera pas si nous ne sortons pas de la mentalité de mains tendues et en prenant notre responsabilité, travailler de ses mains pour vivre et faire vivre les siens. » Malheureusement, note-t-il, le peuple congolais est considéré depuis quelques années comme un peuple paresseux.

DES SUJETS QUI PEINENT

Le cardinal Ambongo, en sa qualité de  » conseiller pour la République, pour le peuple » a parlé ensuite des sujets qui le peinent. Notamment la gratuité de l’enseignement de base. Tout en saluant la décision du chef de l’Etat Félix Tshisekedi de mettre en œuvre « la gratuité complète et concrète de cette disposition constitutionnelle, le prélat ne voudrait pas voir cette gratuité détruire « notre système éducatif ».

Pour cela l’archevêque de Kinshasa recommande la convocation, par le Gouvernement, d’un dialogue avec les professionnels du secteur de l’Education pour essayer de mettre un terme aux mouvements des grèves liés à la gratuité de l’enseignement de base observés un peu partout à travers le pays.

Mais en attendant ces pourparlers avec les experts de l’Education, le cardinal Ambongo propose quelques pistes de « sortie de crise ». Il s’agit entre autres du payement d’un salaire décent aux enseignants, de la dotation des établissements scolaires de frais de fonctionnement et d’infrastructures adéquates.

« Pour ne pas compromettre ou hypothéquer cette noble décision, la gratuité de l’enseignement doit être encadrée par des mesures conséquentes, notamment améliorer les infrastructures, assurer un salaire juste à tous les enseignants, le versement conséquent des frais de fonctionnement aux chefs d’établissements et gestionnaires, la mise en application effective des différents paliers de salaire 2ème et 3ème paliers. Il faut, pour que la gratuité devienne une réalité, clarifier la situation des enseignants dits nouvelles unités et des non payés », a dit l’archevêque de Kinshasa.

« Je souhaite de tout cœur que le gouvernement prenne rapidement l’initiative d’entrer en dialogue avec tous les professionnels de l’éducation pour que cessent immédiatement les grognes et les menaces des arrêts de cours, des grèves constatées ici et là. Nous ne voulons et nous ne souhaitons pas que la gratuité de l’enseignement produise les faits pervers, qu’au nom de la gratuité, notre système éducationnel soit détruit », a indiqué Fridolin Ambongo.

LA SITUATION A L’EST

Autre préoccupation du cardinal Fridolin Ambongo, la situation à l’Est du pays en proie aux conflits récurrents. Il a cité singulièrement les deux Kivu, notamment Fizi et Uvira.

 » Dans les hauts plateaux de Fizi et d’Uvira où se servant et animant des conflits entre nos différentes communautés, des troupes armées parfois étrangères, se battent sur notre sol, jetant des populations qui ont toujours vécu ensemble dans la douleur et dans les pleurs. Les informations qui nous parviennent de ce côté-là donnent l’impression que certains d’entre nous prendraient plaisir à vivre éternellement dans les conflits, alors que vivre en paix avec les autres est la nature intrinsèque de l’être humain », a-t-il stigmatisé.

Néanmoins, le Cardinal Ambongo a félicité les autorités tant politiques que militaires pour leur volonté à ramener la paix, avant de plaider pour qu’une solution soit rapidement trouvée. Tout en demandant aux gouvernants de dégager « toutes les armées étrangères afin de favoriser un véritable dialogue interne, capable de sortir de la crise, il exhorte à l’instauration d’une vraie justice dans cette partie du pays pour la sortir de l’état de non-droit.

A la fin de sa toute première messe, le cardinal Ambongo a chaleureusement remercié le président de la République, Félix Tshisekedi, pour sa proximité et pour tous les gestes qu’il a pu poser. Merci de tout cœur à toutes les autorités politico-admnistratives », a dit l’archevêque de Kinshasa. Il a également exprimé sa gratitude pour l’engagement et l’implication de ces dernières à la célébration de ce grand événement.

L’archevêque de Kinshasa a également remercié toutes les délégations venues de provinces et d’autres pays pour prendre part à cette messe.

PROFESSION DE FOI DE FATSHI

Intervenant lors de la messe de prémices du Cardinal Ambongo, le président Félix Tshisekedi a appelé les Congolais à l’amour et à l’unité pour développer la RD Congo. Il a aussi rappelé que la démocratie congolaise est encore fragile.

 » Je ne puis terminer cette adresse sans exhorter chaque Congolaise et chaque Congolais, politique ou pas, à se rappeler à chaque instant que notre démocratie est encore fragile. Et que c’est unis dans l’amour de la Nation, avec foi en Dieu, que nous bâtirons un Congo qui apportera, non seulement la joie à tout notre peuple, mais aussi des réponses à ses attentes afin d’améliorer ses conditions de vie. Telle est ma profession de foi », a rappelé Félix Tshisekedi.

Ce n’est pas tout. Le chef de l’Etat appelle également ses compatriotes à la tolérance et à dépasser les clivages partisans. « J’exhorte aussi les uns et les autres à dépasser les clivages de tous ordres, les sentiments partisans et à mettre fin à toute forme de diabolisation pour réussir ensemble cette sublime mission que Dieu nous a confiée ».

« L’amour, la tolérance, la solidarité ainsi que la cohésion nationale doivent être les maîtres mots. Car, il n’y a pas, d’un côté les anges et de l’autre des démons. Nous sommes tous pécheurs. Le temps de la repentance est arrivé pour œuvrer en faveur du développement du Grand Congo « , a fait remarquer le premier d’entre les Congolais.

Le chef de l’État Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, qui a pris part ce dimanche 17 novembre, à la messe de présentation du nouveau Cardinal aux fidèles catholiques, a remis à Fridolin Ambongo une Jeep 4×4, en signe de cadeau pour son élévation.

Lors de sa prise de parole, Félix Tshisekedi a, en sa qualité de président de la République remercié le Seigneur pour avoir, dit-il, renforcé sa démarche par cette bénédiction.

« C’est unis dans l’amour de la Nations que nous bâtirons un Congo qui apportera la joie à notre peuple », a lâché Félix Tshisekedi.

Il sied de rappeler que c’est le 5 octobre dernier à Rome que l’archevêque métropolitain Fridolin Ambongo a été créé Cardinal par le Pape François. 

(avec Gloire BATOMENE, Didier KEBONGO & Emma MUNTU)

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