Affaire Benalla : Jalousie politico-policière

Alexandre Benalla pointe dans une interview au Monde « une volonté d’atteindre le président de la République » à travers lui. Le principal protagoniste de l’affaire commence par assumer « une grosse bêtise » et « une faute ». « Sur ce qui s’est passé après », poursuit-il, « je suis beaucoup plus réservé. Il y avait en premier une volonté d’atteindre le président de la République, c’est sûr et certain. Et je suis le maillon faible, je le reconnais. Et en même temps, il y a énormément de gens qui se frottent les mains en se disant +Ça y est, on s’est débarrassé de lui, il ne va plus nous emmerder, c’est fini+ ». « Les gens qui ont sorti cette information sont d’un niveau important (…) des politiques et des policiers », estime-t-il en précisant qu’il ne vise pas le ministre de l’Intérieur Gérard Collomb. Pour Emmanuel Macron, c’est une tempête dans un verre d’eau. Et pour beaucoup, c’est une tempête sous un crâne ».

Alexandre Benalla a livré jeudi sa part de vérité sur l’affaire qui secoue l’exécutif, tandis que l’opposition claquait la porte de la commission d’enquête de l’Assemblée.

Guillaume Larrivé (LR), corapporteur de la commission d’enquête de l’Assemblée sur l’affaire Benalla, a suspendu sa participation « à ce qui n’est devenu hélas qu’une parodie », après que la présidente de la commission Yaël Braun-Pivet (LREM) eut refusé ses demandes d’audition.

D’autres groupes de l’opposition lui ont emboîté le pas en fin de journée, à commencer par les Insoumis et les communistes.

Ces développements surviennent alors qu’Alexandre Benalla, mis en examen pour avoir malmené et frappé deux manifestants le 1er mai, pointe dans une interview au Monde « une volonté d’atteindre le président de la République » à travers lui.

Le principal protagoniste de l’affaire commence par assumer « une grosse bêtise » et « une faute ». « Sur ce qui s’est passé après », poursuit-il, « je suis beaucoup plus réservé. Il y avait en premier une volonté d’atteindre le président de la République, c’est sûr et certain. Et je suis le maillon faible, je le reconnais. Et en même temps, il y a énormément de gens qui se frottent les mains en se disant +Ça y est, on s’est débarrassé de lui, il ne va plus nous emmerder, c’est fini+ ».

« Les gens qui ont sorti cette information sont d’un niveau important (…) des politiques et des policiers », estime-t-il en précisant qu’il ne vise pas le ministre de l’Intérieur Gérard Collomb.

En déplacement dans les Hautes-Pyrénées, Emmanuel Macron a paru bien décidé à tourner la page de la première grande crise de son mandat. « J’ai dit ce que j’avais à dire, c’est-à-dire que je crois que c’est une tempête dans un verre d’eau. Et pour beaucoup, c’est une tempête sous un crâne », a déclaré le président à une journaliste de l’AFP.

« Il y a un président de la République qui est au travail, qui continue et que rien ne troublera », a ajouté quelques heures plus tard le chef de l’Etat en visite à Madrid. « Il y a eu un emballement par voie de presse », a-t-il détaillé devant la presse à l’issue d’un entretien avec le chef du gouvernement espagnol Pedro Sanchez.

« Dérive monarchique »

Mais pour le président du Sénat Gérard Larcher (LR), la succession de déclarations impromptues du président depuis mardi ne vaut pas réponse aux citoyens.

« Les Français sont préoccupés par le fonctionnement de nos institutions, par le fonctionnement même de l’Élysée et cette inquiétude, il appartient au président d’y répondre », a affirmé sur RTL ce poids lourd de la droite.

Le chef de file des députés LR, Christian Jacob, dont le groupe a déposé jeudi soir une motion de censure contre le gouvernement qui sera débattue mardi prochain à 15h00, a lui aussi sommé à nouveau le président de « s’expliquer face aux Français ».

Une autre motion de censure de gauche pourrait être débattue en même temps, mais avec un vote séparé, après la proposition faite jeudi soir par les socialistes aux communistes et aux insoumis de déposer une motion commune.

Du côté des soutiens d’Emmanuel Macron, son allié François Bayrou a discerné « une utilisation à des fins polémiques de ces événements condamnables, mais pas à la mesure d’une affaire d’État ». Pour le président du MoDem, il y a un énorme contraste entre la réalité et l’exploitation qui en a été faite. Cela invite à se poser des questions. »

Mais la posture bravache et le mode de communication adoptés par Emmanuel Macron après de longs jours de silence semblent avoir fourni un nouvel angle d’attaque aux oppositions. M. Larcher dénonce ainsi une « conception de l’exercice du pouvoir très solitaire » et M. Jacob « une dérive monarchique ».

Le patron du PS Olivier Faure estime, pour sa part, que « le pouvoir ment et fait mentir l’État », en évoquant des contradictions dans les multiples auditions à l’Assemblée et au Sénat.

ALAIN GIBELIN A MENTI

Parole contre parole: Alexandre Benalla a accusé le directeur de l’ordre public de la préfecture de police de Paris, Alain Gibelin, d’avoir menti en affirmant n’avoir appris sa présence à la manifestation du 1er mai que le lendemain, mais ce dernier a vigoureusement démenti jeudi.

Au coeur de la crise politique la plus grave du quinquennat, Alexandre Benalla, ex-collaborateur d’Emmanuel Macron, a été mis en examen pour avoir frappé deux manifestants le 1er mai dans la capitale alors qu’il accompagnait des policiers comme « observateur ».

Dans une interview au Monde publiée jeudi, il affirme ne pas avoir demandé à être observateur. « Je suis invité à être sur place par Laurent Simonin, chef d’état-major à la Préfecture de police (…) La réalité des choses, c’est que la préparation et l’encadrement de cette mission d’observation, elle n’a pas été au niveau », accuse-t-il.

Interrogé lundi par la commission d’enquête de l’Assemblée, Alain Gibelin, directeur de l’ordre public et de la circulation (DOPC), a rapporté un échange par téléphone le 2 mai avec le préfet de police, Michel Delpuech, au cours duquel il lui avait assuré être « dans la totale ignorance de la présence de M. Benalla sur le terrain » la veille.

« Il ment. (…) Ce n’est pas vrai », affirme Alexandre Benalla dans Le Monde. « On a déjeuné quelques jours avant avec le général Bio-Farina (commandant militaire de l’Elysée). C’était une réunion de travail à propos des policiers qui font la sécurité autour du palais. A la fin de ce déjeuner, il m’a demandé si je venais toujours le 1er mai et si j’avais reçu l’équipement que je devais recevoir », ajoute-t-il.

Auditionné pour la deuxième fois par la commission d’enquête, M. Gibelin a fermement répliqué. « A aucun moment » lors de ce déjeuner de travail le 25 avril, M. Benalla « n’a émis l’idée que ça soit le 1er mai spécifiquement » qu’il se rendrait en tant qu’ »observateur » sur une manifestation, a-t-il assuré. « En aucun cas, je n’ai invité M. Benalla sur cette manifestation ».

Le patron de la DOPC, l’un des personnages les plus importants de la préfecture de police de Paris, a redit qu’ »en aucun cas » n’avait été évoquée la possibilité de confier à M. Benalla des équipements tels qu’un poste radio et un brassard siglé « police ». « Mon honneur est en jeu », a-t-il déclaré.

Pour Jean-Luc Mélenchon, « Gibelin est le bouc émissaire désigné par la Macronie », selon un tweet du député LFI.

« Bonne foi »

Les accusations de M. Benalla paraissent corroborer les propos tenus mercredi devant la commission d’enquête par le général Éric Bio-Farina: il y a eu, selon lui, le 25 avril, lors de ce déjeuner, « un aparté entre Alain Gibelin et Alexandre Benalla, qui avait trait à la manifestation (…) du 1er mai », notamment « sur les équipements qui seraient fournis à Alexandre Benalla ».

C’est la deuxième fois que les propos de M. Gibelin sont contredits.

Ce haut gradé avait laissé entendre que M. Benalla avait participé à des réunions de sécurité à la préfecture de police entre le 2 et le 18 mai, alors qu’il était censé être suspendu. L’Elysée avait démenti, et M. Gibelin avait rectifié son propos en expliquant qu’il avait cru être interrogé sur la période comprise entre le 2 mai et le 18 juillet.

Jeudi, Alain Gibelin a plaidé la « bonne foi » et réaffirmé avoir « mal entendu » cette question à laquelle il a répondu « en toute honnêteté ». Indiquant s’être rendu compte de son erreur grâce à des proches, il a souligné sa volonté de rétablir « la vérité ».

Entre le 2 mai et 18 mai, ni Alain Gibelin, ni ses collaborateurs n’ont rencontré M. Benalla lors de « réunions soit sur le terrain, soit à l’Elysée », a assuré le haut gradé.

Dans Le Monde, Alexandre Benalla confirme n’avoir « participé à aucune réunion, ni à la présidence de la République, ni par email, ni par téléphone » pendant sa suspension.

DES BÊTISES : LE FAKE NEWS EXPOSÉ

Salaire, logement, codes nucléaires: les médias ont-ils vraiment publié des « bêtises » sur l’affaire Benalla, comme les en a accusés Emmanuel Macron, dont la contre-attaque dans ce dossier vise notamment la presse ?

« Vous avez dit ces derniers jours beaucoup de bêtises sur soi-disant des salaires, des avantages. Tout cela était faux », a lancé le chef de l’Etat mercredi à des journalistes de BFMTV et CNEWS.

Mardi soir, devant des fidèles, le président de la République avait choisi de préciser -de manière plutôt ironique- certains points de l’affaire.

« Alexandre Benalla n’a jamais détenu de codes nucléaires. Alexandre Benalla n’a jamais occupé un 300 m2 à l’Alma. Alexandre Benalla n’a jamais gagné 10.000 euros. Alexandre Benalla, lui non plus, n’a jamais été mon amant. Alexandre Benalla, quoique bagagiste d’un jour, n’a jamais eu ces fonctions dans la durée », a lancé le président.

« Qu’ils soient parlementaires, commentateurs ou journalistes… On dit des fadaises! », a poursuivi Emmanuel Macron.

Rumeurs ou révélations ?

Ces faits n’ont pas tous été évoqués par des médias. « Emmanuel Macron évoque ici, sur un pied d’égalité, des contenus parodiques, des informations contestées par l’Elysée, des faits avérés et des rumeurs de caniveau », analysait mercredi le journal Le Monde.

Les « codes nucléaires » ont fait l’objet de blagues sur les réseaux sociaux avant qu’un article ne soit publié par… le site satirique Nordpresse. Comme souvent, ce canular a trompé plusieurs internautes, dont un député LR.

Concernant l’appartement de M. Benalla, L’Express affirmait lundi que l’Elysée comptait réunir deux appartements dans une dépendance de l’Elysée sur le très chic Quai Branly, près du Pont de l’Alma. Alexandre Benalla aurait alors habité un appartement de près de 200 mètres carrés, selon le magazine.

L’Elysée a précisé par la suite que la rénovation, estimée par L’Express à 180.000 euros, avait été menée en même temps que celle de trois autres logements.

Alexandre Benalla a précisé jeudi dans Le Monde avoir reçu, début juillet, les clés d’un appartement de service, mais « de 80 mètres carrés, pas 300 ».

Pour l’historien de la presse Alexis Lévrier, Emmanuel Macron a « un peu tout mélangé pour faire une sorte d’amalgame, pour faire rire son auditoire ». « En s’en prenant à la presse, il fait comme si c’était elle qui fabriquait une polémique », poursuit l’historien.

« Il est extrêmement inquiétant qu’au plus haut niveau de l’Etat en France on dénigre ou dénie aux médias leur fonction de contre-pouvoir », regrette le sociologue des médias Jean-Marie Charon. « Ca participe d’un mouvement plus large avec les Etats-Unis, où ce phénomène s’est développé, pour ne pas parler de la Turquie, de la Hongrie ou de la Pologne ».

Le salaire mystère

Combien gagnait l’ex-garde du corps ? Le Parisien a avancé le 20 juillet un traitement mensuel qui « avoisinait les 10.000 euros ».

Le JDD avait annoncé de son côté un salaire brut de 7.113 euros. Après une réunion de crise dimanche à l’Elysée, le porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux avait revu le chiffre à la baisse lundi : 5.000 euros net.

Alexandre Benalla a précisé jeudi avoir signé « un contrat sur toute la durée du mandat, donc cinq ans, rémunéré 6.000 euros net » comme « chargé de mission auprès du chef de cabinet » du président.

Emmanuel Macron a également fait allusion à des rumeurs lui prêtant une relation avec son garde du corps, comme il l’avait déjà fait avec des bruits semblables pendant la campagne présidentielle.

Cette nouvelle relation supposée a fait l’objet de caricatures et de détournements sur internet, mais aussi d’un faux article du Monde diffusé sur les réseaux sociaux.

Enfin, Emmanuel Macron avait fait référence mardi à une déclaration de Christophe Castaner, le secrétaire d’État aux Relations avec le Parlement, qui avait affirmé que M. Benalla était « chargé des valises de l’équipe de France » lors du retour des Bleus à Paris le 16 juillet.

C’est faux, selon Alexandre Benalla, qui a affirmé jeudi dans Le Monde avoir été dans le bus des Bleus « pour informer l’Elysée » en cas de problème.

(avec Afp)

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