La Conférence nationale souveraine a permis à l’UDPS d’accéder, pour la première fois, à la primature. Le dialogue intercongolais de Sun-City a produit l’ordre politique actuel que l’UDPS défend mordicus. Malgré cela, le parti de la 12ème Rue Limeté ose dire que ces forums n’ont été que des « ratés » et que le dialogue attendu est, à ses yeux, celui de la « dernière chance ». Déni de l’histoire ou opportunisme ?
L’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) tient à participer au dialogue en cours de préparation. Son président, Etienne Tshisekedi l’a réaffirmé dans son message de vœux à la nation rendu public la semaine dernière. La fille ainée de l’opposition espère que ce dialogue va « mettre fin à la crise née des élections de novembre 2011 et permettre l’organisation des élections apaisées ».
Dans un communiqué daté du 6 janvier 2016, le secrétaire général de l’UDPS, Bruno Mavungu, a abordé dans le même sens. Il a fixé l’opinion sur la position de son parti par rapport à la plateforme récemment créée, le Front citoyen 2016, où son secrétaire chargé des relations extérieures a adhéré le 19 décembre 2015 après sa participation à la conférence de l’île de Gorée, au Sénégal.
La CNS a donné la Primature à l’UDPS
Dans cette mise au point, Bruno Mavungu note que « l’UDPS n’a pas signé l’acte fondateur de la plate-forme Front Citoyen 2016 en conséquence, le parti n’est pas membre de ce groupement ». Dont acte.
Tenant à justifier la participation de son parti au dialogue politique, Bruno Mavungu a carrément craché sur la mémoire de la Conférence nationale Souveraine (CNS) et le Dialogue intercongolais de Sun-City. « L’UDPS tient à ce dialogue considéré comme celui de la dernière chance après les ratés de la Conférence nationale Souveraine (CNS) et du Dialogue intercongolais de Sun-City en Afrique du Sud », souligne le secrétaire général du parti de la 12ème rue Limete.
La CNS est le premier forum qui a réuni toutes les forces vives de la nation dans le Zaïre post dictature. Ces assises ne sont aucunement un raté. Elles ont permis de dresser un regard critique sur l’état de la nation à l’aube de la démocratie. La CNS a permis d’étaler l’horreur de la dictature mobutienne afin que dans l’avenir les dirigeants en tirent les leçons de l’histoire.
C’est encore la CNS qui a permis à l’UDPS d’accéder, pour la première fois, à la primature, en élisant Etienne TshisekediwaMulumba comme Premier ministre de la Transition. Ne serait-ce que par ce dernier fait, la CNS ne peut pas être une conférence ratée, surtout pas pour l’UDPS.
Le pacte républicain actuel est le fruit de Sun-City
La même CNS a dressé des résolutions utiles pour la marche du Zaïre de l’époque. Si ces dernières n’ont jamais été appliquées c’est par l’absence de volonté politique du Marechal Mobutu. Mais l’histoire retiendra que par cette absence de volonté politique, l’aigle de Kawele sera balayé en sept mois seulement par les kadogo de Mzee Laurent Désiré Kabila en mai 1997.
Quant au dialogue intercongolais de Sun-City, il est tout simplement celui qui a jeté les bases de l’ordre politique actuel que l’UDPS est en train de défendre mordicus et qu’on ne veut voir son changement, en tout cas pas pendant cette mandature.
Depuis la démocratisation le 24 avril 1990, la CNS et le Dialogue intercongolais sont les seules conférences qui ont rencontré un large consensus dans la nation congolaise. Ni le débat national sous M’zee Laurent désiré Kabila ni les Concertations nationales de 2013 n’ont recueillis autant d’adhésion populaire.
Dialogue de la dernière chance ?
Alors, « dialogue de la dernière chance » ? A qui ce message contenu dans le communiqué de l’UDPS s’adresse-t-il ? Au régime en place ? Aux Congolais ? A l’UDPS ? L’on sait que l’UDPS est en quête de l’impérium depuis la proclamation, par la CENI de NgoyiMulunda, de Joseph Kabila comme gagnant de la présidentielle de novembre 2011. Est-ce que l’UDPS attend-t-elle trouver gain de cause par rapport à ça ? Même les plus naïfs des Congolais ne le pensent pas.
Ou simplement, l’UDPS considère que ce dialogue, soutenu à corps et à cri, quasiment une année avant la fin du quinquennat, par la Majorité présidentielle, est celui qui devra enfin trouver les meilleurs voies pour l’édification d’un Etat où le développement de son économie sera effectif en vue d’un bien-être collectif des Congolais. Si tel est l’entendement de l’UDPS quand elle parle de « dialogue de la dernière chance », alors Tshisekedi et la suite qui l’accompagnera au dialogue doivent tirer les leçons de l’histoire.
Le parti de Mzee Laurent désiré Kabila, le PRP, n’a pas été validé à la CNS. Le soldat du peuple, sans broncher, est retourné dans son maquis. Cinq ans après, il est revenu à la tête de l’AFDL qui a balayé le régime Mobutu. Une fois au pouvoir, Mzee ne s’est jamais senti intéressé par les résolutions de la CNS, parce qu’il y a été exclu. Et donc, l’inclusivité reste un critère essentiel.
Voilà qui donne raison au professeur MutambaMakombo qui, au cours d’une conférence sous le thème « Dialogue : défis et leçons à tirer » organisée par le quotidien Le Potentiel, a été on ne peut plus clair.
Il a soutenu que la réussite du dialogue national politique convoqué par le Chef de l’Etat dépendra de son caractère inclusif, de la composition des membres participants, du lieu selon qu’il est rassurant pour tous les participants, des garanties de sécurité à assurer aux participants, de la clarté de l’ordre du jour (de quoi va-t-on parler ? quels sont les résultats attendus ?), de la durée qui doit être optimale, du rôle de médiateur, de l’application des résolutions arrêtées à ces assises et même de l’opportunité d’un front commun que les Congolais peuvent faire face aux intérêts supérieurs de la nation.
L’UDPS a encore le temps de voir si ces critères sont réunis pour le dialogue auquel elle est invitée de participer. Sans quoi les mêmes causes produiront les mêmes effets. La CNS a produit des résolutions qui n’ont jamais été promulguées à cause de l’absence de volonté politique. Une des résolutions majeures de Sun-City est la formation d’une armée nationale, restructurée et intégrée. On n’y est jamais parvenu non sans compter la réconciliation nationale.
Dans la nuit du 14 au 15 août 1992, la plénière de la CNS élit Etienne Tshisekedi comme Premier ministre de la transition, avec 70,8 % des voix. Sur la photo, on voit Etienne Tshisekedi sur le parvis du Palais du Peuple après son élection.
Message de vœux d’Etienne TSHISEKEDI WA MULUMBA, Président national de l’UDPS
Congolaises et congolais,
Chers compatriotes,
L’année 2015 vient de s’achever sans que notre peuple qui est la source, la finalité et justification de l’organisation du pouvoir d’Etat n’éprouve la moindre satisfaction de ses intérêts légitimes.
La précarité, la misère et le désarroi, ont été le lot quotidien des millions de nos compatriotes pour qui la vie continue d’être un chapelet de souffrances.
Mes pensées vont particulièrement aux victimes récurrentes des assassinats dans la région de Beni-Butembo, aux anonymes enterrés sans égards dans des fosses communes dont la plus connues est celle de Maluku, aux nombreux morts lors des récentes inondations, faute d’infrastructures adéquates. Je n’oublie pas ceux qi sont injustement détenus et privés de liberté pour des raisons politiques et pour qui j’exige une libération immédiate, ainsi que ceux de nos compatriotes qui endurent nombreux autres malheurs.
Ma peine est d’autant plus profonde qu’ayant bénéficié de vos suffrages en 2011, je suis contraint de déplorer cette situation de chaos généralisé due à l’incurie criante d’un régime usurpateur. Il n’est pas étonnant de constater que ne jouissant d’aucun soutien de la population, ce dernier ne pouvait se dédier à la cause de ceux qui ne l’ont pas porté aux responsabilités.
C’est dire comment l’Etat congolais, dégradé dans sa fonction et réduit à l’apparence ; a reculé sur tous les plans : sécuritaire, économique, social et autres en marquant de grands bonds en arrière.
Je n’ai jamais désespéré de l’avenir radieux de notre pays. Je reste convaincu qu’avec l’alternance qui s’annonce, notre peuple va enfin entrevoir la possibilité de vivre heureux et prospère sur la terre de nos ancêtres. D’ailleurs, je vois le peuple congolais débout et déterminé à en finir avec ce pouvoir de défi, de prédation et de violation massive des droits de l’homme.
Chers compatriotes,
Mon credo politique que résument nos longues années de combat acharné, mené avec obstination, est l’instauration d’un Etat de droit de l’homme et la recherche du bien commun. Telles sont les valeurs qui assurent la paix et le développement d’un pays comme le nôtre, dont la situation socio-économique est paradoxale au regard d’énormes potentialités dont il regorge.
Face aux violations répétées des prescrits de l’Accord global et inclusif signé et scellé à Pretoria en 2003 par l’ensemble de la classe politique congolaise, comme socle des valeurs communes fondant un Etat moderne et démocratique, nous nous trouvons devant l’immense défi de reconstruire et de réinventer ce pacte républicain ainsi rompu.
Pour rappel, cette rupture est due à la violation délibérée des règles convenues du jeu démocratique, à la mauvaise gouvernance, au refus de s’incliner devant le verdict des urnes, au non–respect de la durée des mandats de certaines institutions, ; à la violation des droits élémentaires des citoyens, ainsi qu’à la gestion partisane de la res publica.
Cher compatriotes,
Marqué et imprégné par la lutte non violente, j’ai soutenu et préconisé le dialogue politique comme voie royale pour nous permettre de rebâtir le pacte républicain et le régime qu’il induit, de trouver les voies et moyens en vue de sortir de l’impasse politique actuelle et d’obtenir par voire consensuelle, un processus électoral crédible et apaisé devant nous conduire aux scrutins tant attendus de 2016. Il s’agit donc d’un nouveau processus que nous voulons tous exempt des tripatouillages des résultats et des violences occasionnant des pertes inutiles en vies humaines à l’instar des élections de 2011.
A propos de ce dialogue politique qui tire sa source de l’Accord-cadre d’Addis-Abeba et des résolutions subséquentes du Conseil de sécurité des Nations-unies, la position de mon parti maintes fois réitérées, était de voir ce forum se tenir sous la médiation internationale, à Kinshasa, et avec comme témoin l’ensemble de notre peuple. Quant au rôle de la Communauté internationale, nous n’oublions pas son importance dans les grands tournants de notre histoire, de la Conférence de Berlin à son indépendance en 1960, du départ de Mobutu à la succession des Kabila jusqu’aux interminables guerres qui ravagent nos contrées.
Force est de constater que les Nations-Unies, auxquelles nous nous sommes adressé, à maintes reprises, afin de nous accompagner dans cette démarche par la désignation d’un facilitateur, demeurent à ce jour sans solution.
Pendant ce temps, le régime de fait multiplie des actes inacceptables d’intimidations, de manipulation et de provocation pour détourner les nobles objectifs préconisés par le dialogue et afficher sa détermination, désormais dévoilée, de perpétuer son règne honni par notre peuple.
Je réaffirme notre détermination à défendre la Constitution et les délais qu’elle prescrit, à régler le contentieux électoral de 2011, à refondre la CENI qui demeure le vecteur principal du dévoiement de notre processus électoral et démocratique, à organiser un processus électoral dans un climat apaisé, à favoriser un transfert pacifique du pouvoir dans le respect de l’expression de notre peuple. La réconciliation tant recherchée et attendue est à ce prix.
Devant les obstacles dans la réalisation du dialogue tant souhaité, seul notre peuple constitue notre ultime recours. Je prendrai incessamment l’initiative de rassembler et de canaliser les énergies de toutes les forces acquises au changement, pour qu’ensemble nous puissions :
- défendre valablement les valeurs de la république, scellés dans notre Constitution ;
- obtenir un consensus sur un processus électoral crédible ;
- nous impliquer dans l’organisation des élections présidentielles et législatives dans les délais constitutionnels et dans un climat apaisé.
Sur le plan diplomatique, j’ai décidé de lancer une campagne de sensibilisation pour désamorcer cette énième crise qui menace la stabilité du Congo et de toute la région.
Chers compatriotes,
L’année 2016 qui commence doit être une année électorale. Une année de tous les espoirs. Une année cruciale et décisive, une année qui permettra aux congolais d’exprimer à travers les urnes leur engagement pour un état de droit.
C’est au cours de cette année qui commence que les forces du changement devront se retrouver, pour mettre fin de manière consensuelle à l’impasse politique dans laquelle nous nous trouvons depuis les quatre dernières années.
D’ores et déjà, j’annonce pour proche mon retour au pays. Je viens me joindre à vous pour qu’ensemble nous volions au secours du Navire-Congo, qui tangue, secoué par des vagues et des tempêtes. N’ayez pas peur. Même si aujourd’hui l’ennemi voltige autour de nous, nous divise et nous déstabilise. Revenons sur nos consciences, soyons unis.
Chers compatriotes,
Convaincus que c’est notre peuple qui sortira victorieux et gagnant de toutes les épreuves et face à l’imminence du changement, je vous adresse mes vœux les meilleurs de bonheur, de prospérité et de paix.
Vive la République !
Vive la Congo !
Fait à Bruxelles le 31 Décembre 2015.
Etienne TSHISEKEDI WA MULUMBA
Président.